FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 87549  de  Mme   Robin-Rodrigo Chantal ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QE
Ministère interrogé :  affaires européennes
Ministère attributaire :  affaires européennes
Question publiée au JO le :  28/02/2006  page :  1981
Réponse publiée au JO le :  01/08/2006  page :  8005
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Turquie
Analyse :  droits de l'homme
Texte de la QUESTION : L'abandon, fin janvier, des poursuites judiciaires contre le romancier Orhan Pamuk aura été l'arbre qui cache la forêt dans la bataille pour la liberté d'expression en Turquie. Selon l'agence de presse indépendante BIA, pas moins de vingt-neuf journalistes sont actuellement poursuivis en Turquie pour délit d'opinion, sur le fondement de trois articles du code pénal turc (les articles 288, 301 et 305) jugés liberticides. Des écrivains, éditeurs et universitaires sont également concernés. Le nouveau code pénal turc, entré en vigueur en juin 2005 et réformé sous la pression de l'Union européenne, mécontente les associations de journalistes, qui s'estiment moins bien protégés par les nouvelles dispositions. Á ce sujet, il apparaîtrait que le commissaire européen à l'élargissement aurait dernièrement demandé à la Turquie de revoir sa copie en la matière. Pour les associations de journalistes turcs la demande est encore plus précise, puisqu'elles réclament une réforme complète de l'article 301 du code pénal qui réprime toute « insulte à la nation et aux institutions », un concept vague qui ouvre, selon elles, la voie à toutes les dérives. Ceci démontre, une fois de plus, que la Turquie est malheureusement toujours rongée par ses vieux démons totalitaires et nationalistes. Ceci est d'autant plus inquiétant dans le contexte d'ouverture des négociations d'adhésion à l'Union européenne avec cet État. En conséquence, Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes de lui indiquer sa position et ses intentions au sujet de ce dossier.
Texte de la REPONSE : Comme le souligne l'honorable parlementaire, la décision, prise par un tribunal turc le 23 janvier 2006, d'abandonner les poursuites à l'encontre de M. Pamuk, est un élément positif, mais qui ne doit pas faire oublier qu'un certain nombre d'autres écrivains, journalistes et éditeurs sont toujours poursuivis en vertu de l'article 301 du nouveau code pénal turc et que nombre de ces affaires sont toujours en instance. Le ministre des affaires étrangères, M. Douste-Blazy, a abordé ce sujet à plusieurs reprises avec ses interlocuteurs lors de sa visite en Turquie les 1er et 2 février 2006. Il a également pu s'en entretenir lors de sa rencontre avec certains représentants de la société civile, dont M. Kaboglu, lui-même poursuivi. Pour mémoire, à ce jour, aucune affaire de nature similaire n'a abouti à une condamnation. De plus, conformément à l'engagement pris par la Turquie en sa qualité de partie à la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 301 et les autres dispositions du code relatives à la liberté d'expression et d'information doivent être interprétés et appliqués conformément à la Convention. De ce point de vue, les lignes directrices diffusées par le ministre turc de la justice auprès de la magistrature le 20 janvier 2006, relatives à l'interprétation à donner aux dispositions du code qui posent problème, doivent être considérées comme un progrès. Cette circulaire souligne que la récente réforme du code pénal vise à protéger les droits et les libertés des personnes, et qu'il faut appliquer le principe qui veut que, « la liberté, et non les interdictions, soit la règle ». Elle insiste également sur le fait que « conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la liberté d'expression fait partie des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui constituent, d'une part, un des fondements essentiels de toute société démocratique, d'autre part, une des conditions indispensables à ses progrès et à l'épanouissement personnel de tout individu ». De plus, le dispositif de la circulaire exige que, dans les procès portant sur la liberté d'expression, « les faits soient soigneusement pesés en tenant également compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, afin de déterminer s'ils restent ou non dans la limite de la critique ». La France, au même titre que ses partenaires au sein du Conseil de l'Europe ou de l'Union européenne, suivra attentivement l'application de ces lignes directrices par les procureurs et par les tribunaux de Turquie. En tout état de cause, si des violations graves devaient persister, la France et ses partenaires insisteraient pour que les autorités turques entreprennent une nouvelle révision du Code pénal, laquelle était déjà intervenue sous la pression de l'Union européenne.
SOC 12 REP_PUB Midi-Pyrénées O