FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 9564  de  M.   Bourdouleix Gilles ( Union pour un Mouvement Populaire - Maine-et-Loire ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  23/12/2002  page :  5117
Réponse publiée au JO le :  24/02/2003  page :  1455
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  libération conditionnelle
Analyse :  application
Texte de la QUESTION : M. Gilles Bourdouleix appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions d'application de la libération conditionnelle. En effet, à la suite de ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Patrick Henry, il était intervenu devant les députés pour préciser que malgré l'échec de ce cas, seules 5 % des libérations conditionnelles étant révoquées par la suite, le Gouvernement n'envisageait pas de remettre en cause la politique menée par la justice française en la matière, mais souhaitait améliorer l'accompagnement des détenus à leur sortie de prison et mettre en oeuvre un plan d'aide aux victimes au terme duquel les victimes de crimes et leurs proches seraient entendues, y compris lorsque la justice est amenée à prendre des décisions relatives à l'application des peines. Il lui demande néanmoins s'il ne conviendrait pas, compte tenu du caractère particulièrement odieux et pathologique» des crimes commis sur des enfants, de soustraire leurs auteurs au bénéfice de la libération conditionnelle.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que la prévention de la récidive des infractions commises à l'encontre des mineurs, notamment des crimes les plus odieux, constitue une préoccupation essentielle du ministère de la justice. L'arsenal législatif actuel comporte toutefois des dispositions qui vont en ce sens puisque, depuis l'entrée en vigueur de la loi du n° 94-89 du 1er février 1994, une peine incompressible a été instaurée à l'encontre des auteurs des crimes les plus graves commis contre des enfants. Par ailleurs, sur le fondement de ce même texte, complété par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs, les conditions d'aménagement des peines privatives de liberté prononcées pour des infractions à caractère sexuel ont été strictement encadrées. Le garde des sceaux relève à cet égard que la réforme du 15 juin 2000, qui a entièrement confié à l'autorité judiciaire le contentieux de la libération conditionnelle, en supprimant la compétence du garde des sceaux en matière de libération conditionnelle accordée aux condamnés à des peines supérieures à cinq ans, est sans incidence sur ces dispositions. En premier lieu, la loi du ler février 1994 a donc instauré, aux articles 221-3, 221-4 du code pénal et 720-4 du code de procédure pénale, des règles particulières concernant la peine de réclusion criminelle à perpétuité applicable aux auteurs de meurtre et d'assassinat précédés ou accompagnés d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie perpétrés à l'encontre d'un mineur de quinze ans. Dans de telles hypothèses, la cour d'assises qui prononce une peine de réclusion criminelle à perpétuité peut décider de rendre impossible toute mesure d'aménagement de peine, y compris de libération conditionnelle. C'est la raison pour laquelle on a pu parler de « peine incompressible ». La seule réserve consiste en la possibilité, au terme d'une période de trente ans, pour le juge de l'application des peines, s'il estime que le condamné présente des gages sérieux de réadaptation sociale, (le saisir un collège de trois experts médicaux afin de se prononcer sur la dangerosité du condamné. L'avis des experts est soumis à l'examen d'une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation, qui peut mettre fin à l'interdiction imposée par la cour d'assises. Si tel est le cas, cela signifie simplement que le condamné est recevable à présenter une requête en libération conditionnelle à la juridiction régionale de la libération conditionnelle compétente, qui conserve la possibilité de rejeter cette requête. Le condamné peut faire alors appel devant la juridiction nationale de la libération conditionnelle, qui siège à la Cour de cassation, laquelle statue en dernier recours. A l'inverse, si la juridiction régionale de la libération conditionnelle admet le condamné au bénéfice de la libération conditionnelle, le procureur général peut interjeter appel de cette décision, étant précisé que cet appel est suspensif s'il est interjeté dans les vingt-quatre heures de la décision, le condamné restant alors détenu jusqu'à ce que la juridiction nationale de la libération conditionnelle ait statué. En second lieu, s'agissant plus particulièrement de la question toujours délicate de la récidive des délinquants sexuels, surtout lorsque la victime est mineure, la loi du ler février 1994 puis celle du 17 juin 1998 ont complété l'article 722 du code de procédure pénale relatif aux mesures d'aménagement de peines afin d'entourer de garanties supplémentaires l'octroi de telles mesures. Ceci vise non seulement les personnes condamnées pour meurtre et assassinat précédés ou accompagnés d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie perpétrés à l'encontre d'un mineur, mais également les personnes condamnées pour l'une des infractions prévues aux articles 222-23 à 222-32 du code pénal (viol simple ou aggravé, agression sexuelle ou aggravée, une des circonstances aggravantes prévues étant précisément que la victime soit un mineur de quinze ans) ainsi qu'aux articles 227-25 à 227-27 dudit code (atteinte sexuelle sans violence, contrainte, menace ni surprise, simple ou aggravé, commise sur un mineur). L'article 722 du code de procédure pénale prévoit que les personnes condamnées pour ces infractions ne peuvent se voir accorder de mesures de réduction de peine ayant pour effet de les rendre immédiatement libérables, de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement de peine, de suspension de peine, de permission de sortir ou de libération conditionnelle sans une expertise psychiatrique préalable. L'expertise est réalisée par trois experts lorsque la personne a été condamnée pour le meurtre, l'assassinat ou le viol d'un mineur de quinze ans. En outre, dans l'hypothèse où le juge de l'application des peines ou la juridiction régionale de la libération conditionnelle, compétent selon les cas, accorde soit une mesure de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement, de suspension de peine, de permission de sortir ou de libération conditionnelle, le ministère public conserve la faculté, au cas où il ne partage pas leur point de vue sur la persistance du risque de récidive, de faire appel de cette décision. L'appel du ministère public fait obstacle à la libération du détenu quand il est formé dans les vingt-quatre heures de la décision. Le garde des sceaux fait observer enfin que la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs a complété la gamme des sanctions susceptibles d'être prononcées à l'égard des auteurs d'infractions sexuelles, délinquance dont les mineurs sont trop souvent les victimes désignées, en instaurant la peine de suivi socio-judiciaire, qui permet de mettre en oeuvre, après la libération des condamnés, un suivi post-carcéral. Cette peine est applicable aux auteurs de meurtre ou assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, d'agression sexuelle, de corruption de mineur, d'enregistrement de l'image pornographique d'un mineur, de diffusion de messages violents ou pornographiques et d'atteinte sexuelle sur mineur. La particularité de cette peine est d'avoir prévu, dans l'hypothèse où le condamné ne se conformerait pas aux mesures de surveillance et d'assistance et notamment à l'obligation de soins, fixées par le juge de l'application des peines, la possibilité de prononcer à son encontre une peine d'emprisonnement, dont la durée maximum, fixée dès le prononcé de la peine de suivi socio-judiciaire par la juridiction de jugement, peut être de deux ans en cas de condamnation pour délit et de cinq ans pour crime. Par ailleurs, l'article R. 61-6 du code de procédure pénale prévoit qu'une personne condamnée à une peine de suivi socio-judiciaire peut être soumise aux obligations définies par le juge de l'application des peines dans ce cadre, même si, par ailleurs, elle obtient d'être libérée au bénéfice d'une mesure de libération conditionnelle. Le suivi socio-judiciaire concomitant à une mesure de libération conditionnelle présente l'avantage de pouvoir soumettre l'intéressé au contrôle le plus long possible, puisque notamment en matière criminelle, la durée maximum est de vingt ans dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, alors qu'elle est de dix ans dans le cadre d'une libération conditionnelle.
UMP 12 REP_PUB Pays-de-Loire O