FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 9988  de  M.   Aubron Jean-Marie ( Socialiste - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  13/01/2003  page :  159
Réponse publiée au JO le :  17/11/2003  page :  8845
Date de changement d'attribution :  10/02/2003
Rubrique :  collectivités territoriales
Tête d'analyse :  réglementation
Analyse :  sociétés civiles immobilières. parts. gérance. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Jean-Marie Aubron prie M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de bien vouloir lui préciser dans quelles conditions une collectivité territoriale peut prendre des parts dans une société civile immobilière (SCI). De même, il le prie de bien vouloir lui préciser quel est le fondement juridique d'une SCI créée avant 1982 et dans laquelle une commune possède la quasi-totalité des parts, si une telle situation est légale ou si elle doit être mise en conformité avec la réglementation en vigueur. Le cas échéant, il lui demande de bien vouloir lui indiquer cette réglementation. Par ailleurs, il aimerait savoir si un conseiller municipal n'ayant aucune fonction de participation ou de surveillance dans les affaires immobilières communales peut être le gérant de cette SCI communale et si, la commune disposant de la majorité des parts, ce gérant peut être rémunéré par cette SCI ; enfin, si la solution juridique est identique dans le cas où un maire ou un adjoint chargé des affaires immobilières sont gérants de la SCI. - Question transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la question de la prise de participation d'une collectivité territoriale dans le capital d'une société civile immobilière relève des articles L. 2253-1, L. 3231-6 et L. 4211-1-6° du code général des collectivités territoriales, qui prévoient des dispositions identiques pour les communes, les départements et les régions. Il ressort de ces textes qu'une collectivité territoriale peut participer au capital d'une société commerciale ou de tout autre organisme à but lucratif dans deux hypothèses : si un décret en Conseil d'État l'y autorise ou si cette société ou cet organisme a pour objet l'exploitation de services de la collectivité territoriale ou d'activités d'intérêt général dans le cadre de sociétés d'économie mixte locales. En tant qu'organisme à but lucratif au sens du droit des sociétés, les sociétés civiles immobilières sont comprises dans le champ d'application de ces dispositions. En effet, l'article 1832 du code civil définit une société par la recherche d'un bénéfice ou d'un profit tiré de l'économie qui pourrait en résulter, critères qui caractérisent la lucrativité de cette forme de groupement. Dès lors que les statuts et l'objet réel d'une société civile immobilière répondent bien à ces critères, celle-ci doit être considérée comme un organisme à but lucratif. Cette solution est d'ailleurs à rapprocher de celle retenue par le Conseil d'État (CE, 24 novembre 1989, commune d'Iffendic Rec. CE T.510), qui a jugé qu'une société civile constituée en vue de l'attribution d'immeubles aux associés par fractions divises, ayant pour objet non de réaliser un bénéfice en argent mais une économie, même au seul profit des associés personnes privées, devait être regardée comme un organisme à but lucratif au sens de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales. Il résulte donc de l'application de ces textes qu'une collectivité territoriale ne peut détenir une participation dans une société civile immobilière qu'à la condition d'être autorisée par décret en Conseil d'État, les deux autres exceptions prévues par le code général des collectivités territoriales ne pouvant s'appliquer. Sur ce dernier point, il convient de relever, d'une part, que la justification tirée de l'exploitation des services d'une collectivité territoriale n'est pas concevable compte tenu de la nature et de l'objet d'une société civile immobilière et, d'autre part, que la société d'économie mixte locale constitue la forme exclusive pour recourir à une activité d'intérêt général. Cette limitation de la possibilité pour une collectivité de détenir des participations dans de telles sociétés s'applique quelle que soit leur date de constitution. En effet, la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 introduisant l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales concerne toutes les situations en cours au jour de son entrée en vigueur, en faisant référence à « toutes participations d'une commune » et non aux seules prises de participation par celle-ci. En outre, il convient de relever que le régime antérieur à la loi de 1982, fondé notamment sur l'article L. 381-1 du code des communes qui disposait que les communes pouvaient, par délibération du conseil municipal, soit acquérir des actions ou obligations des sociétés chargées d'exploiter les services communaux soit recevoir à titre de redevances des actions d'apports émises par ces sociétés, ne permettait pas à une commune de prendre des parts dans une société civile immobilière. L'actuelle participation d'une commune, sans autorisation délivrée par décret en Conseil d'État, dans une société civile immobilière créée avant ou après la loi de 1982 paraît en l'état irrégulière. Le cas échéant, la procédure permettant à la commune de demander l'autorisation susvisée est la suivante. La commune adresse au préfet une délibération sollicitant une autorisation délivrée par décret en Conseil d'État. Le préfet transmet cette demande au ministère de l'intérieur (DGCL), qui procède à l'instruction juridique du dossier conjointement avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie puis le transmet au Conseil d'État. L'autorisation n'a pas de caractère automatique et peut être refusée pour des raisons tenant notamment aux risques financiers liés à la participation ou aux garanties insuffisantes dont elle est entourée. Il est à noter que le Conseil d'État, lorsqu'il autorise ce type de participation, plafonne l'engagement des communes à 33 % du capital. Concernant le statut et la rémunération du gérant d'une société civile immobilière dans laquelle une commune dûment autorisée par décret en Conseil d'État détiendrait une participation, le droit commun en la matière demeure applicable, sauf dispositions contraires éventuelles prévues par le décret d'autorisation. Il convient toutefois de relever que si aucune règle d'incompatibilité spécifique entre la qualité de gérant d'une société civile immobilière et les fonctions de conseiller municipal, de maire ou d'adjoint chargé des affaires immobilières n'est prescrite par la loi, il n'en demeure pas moins que ce double statut pourrait exposer l'intéressé, sous réserve de l'appréciation souveraine du juge, à deux types de risque. En premier lieu, le délit de prise illégale d'intérêts, prévu à l'article 432-12 du code pénal, interdit à des personnes exerçant des fonctions ou des missions publiques de se placer dans une situation où leur intérêt serait en contradiction avec l'intérêt général. Cette interdiction répond au double objectif d'éviter, d'une part, qu'elles ne tirent profit de leurs fonctions dans leur intérêt personnel et négligent ainsi l'intérêt public et, d'autre part, qu'elles ne puissent seulement en être suspectées. En second lieu, l'élu municipal, dans le cas où il prendrait part aux délibérations de la commune portant sur ses relations avec la société en cause, risquerait d'être considéré comme étant « intéressé à l'affaire » au sens de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, et ces délibérations auraient alors un caractère illégal.
SOC 12 REP_PUB Lorraine O