Texte de la QUESTION :
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M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur la légalité des injonctions faites au personnel de l'éducation nationale de s'abstenir de participer à des manifestations publiques avant les élections cantonales. En effet, les personnels du ministère de l'éducation nationale, et notamment les chefs d'établissements et directeurs d'école, ont reçu de la part des inspecteurs d'académie de leur département un courrier leur demandant de « s'abstenir de participer à des manifestations publiques entre le 7 mars et le 27 mars inclus » dans le cadre « de la période de réserve » et « en application des instructions de Monsieur le ministre de l'intérieur ». Ces mêmes courriers précisent « qu'il convient dès le 14 février 2011, d'apprécier, au cas par cas, l'opportunité de votre présence lors de manifestations susceptibles de présenter un caractère préélectoral, soit par les discussions qui pourraient s'y engager, soit en raison de la personnalité des organisateurs ou de leurs invités, et de soumettre à mon arbitrage toute situation appelant une interrogation de votre part ». Quelques semaines avant les élections cantonales, les enseignants sont donc sommés par leur hiérarchie de renoncer à leur liberté d'opinion, en contradiction avec l'article 10 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui vaut pour les fonctionnaires comme pour tout citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Cette injonction vient également remettre en cause l'article 6 de la loi Le Pors du 13 juillet 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires qui rappelle cette liberté fondamentale : « La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires ». En tant que citoyens, ces personnels sont donc au contraire appelés à participer aux débats et confrontations d'idées qui s'instaureront dans la période, notamment sur la politique à conduire en matière d'éducation dans notre pays. Par conséquent, il lui demande comment il compte démentir les injonctions faites par voie hiérarchique aux personnels de l'éducation nationale dans les plus brefs délais.
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Texte de la REPONSE :
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L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que « la liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires ». La liberté d'expression est son corolaire. Le principe général est celui de l'application aux fonctionnaires du droit commun des libertés publiques. Il en résulte que les lois qui régissent les diverses libertés publiques, en l'occurrence la liberté d'opinion et d'expression, s'appliquent à tous. En dehors du service, les enseignants ont, comme tout citoyen, le droit de participer aux élections et à la campagne qui les précède. Ils demeurent toutefois soumis au devoir de réserve « classique », qui s'impose à tout agent public en vertu de la jurisprudence. L'appréciation, à cet effet, du devoir de réserve incombe, sous le contrôle du juge, à l'autorité hiérarchique qui tient compte de divers éléments tels que le niveau de responsabilité, la nature des fonctions, la publicité donnée à l'expression des opinions, le lieu où le fonctionnaire a exprimé ses opinions, la circonstance qu'il soit investi d'un mandat politique ou syndical. Par ailleurs, dans le cadre de la période de la campagne électorale, une obligation de « réserve d'usage » a été consacrée à l'égard des fonctionnaires. Cette obligation limite la liberté d'expression des agents dans l'exercice de leurs fonctions. Elle s'impose aux chefs de service de l'État et aux agents placés sous leur autorité. Tous les fonctionnaires qui sont amenés à participer, dans l'exercice de leurs fonctions, à des manifestations ou cérémonies publiques sont concernés par cette obligation. Cette obligation ne découle d'aucun texte statutaire ou relatif au droit électoral. Il s'agit d'une tradition républicaine. Elle a pour objectif de préserver la nécessaire neutralité politique de l'autorité administrative en période électorale et l'impartialité des agents. La « période de réserve » évite aussi aux agents d'être mis en difficulté parce qu'ils assisteraient, dans le cadre du service, à une manifestation publique au cours de laquelle pourrait naître une discussion politique. Elle permet de s'assurer qu'aucun fonctionnaire ne fera usage de sa fonction à des fins de propagande électorale. L'interdiction, durant cette période, de participer, dans le cadre des fonctions, à une manifestation ou à une cérémonie publique est rappelée aux chefs des services déconcentrés, avant chaque élection, qui relayent l'information aux agents de leurs circonscriptions, placés sous leur autorité. Elle peut toutefois être nuancée au cas par cas, en fonction des situations particulières. Les dates fixant la période de réserve sont données pour chaque période électorale, ce qui permet, à cette occasion, de rappeler la doctrine en la matière en tenant plus particulièrement compte des manifestations prévues durant cette période, afin que le devoir de réserve soit respecté en toutes circonstances.
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