FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 103282  de  M.   Courtial Édouard ( Union pour un Mouvement Populaire - Oise ) QE
Ministère interrogé :  Transports
Ministère attributaire :  Transports
Question publiée au JO le :  22/03/2011  page :  2668
Réponse publiée au JO le :  10/05/2011  page :  4866
Rubrique :  sécurité routière
Tête d'analyse :  contrôle technique des véhicules
Analyse :  poids lourds. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Édouard Courtial attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports, sur l'application des dispositions de l'article R. 323-13 II du code de la route. Depuis 2005, la mission de contrôle technique périodique des poids lourds a fait l'objet d'un transfert des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), vers des organismes privés. Ce transfert de compétences a donné naissance à un nouveau dispositif français du contrôle technique des véhicules lourds qui s'est progressivement organisé autour de centres de contrôle rattachés à un réseau et de centres non rattachés, qualifiés d'indépendants. Suite à la modification de l'article R. 323-13 du code de la route par le décret du 11 juin 2004, ce nouveau dispositif a évolué avec l'apparition d'un nouveau type d'installations de contrôle : les installations dites « auxiliaires ». La création de ces installations « auxiliaires » instaure cependant une différence de situation et surtout de traitement entre contrôleurs organisés en réseaux et contrôleurs indépendants. En effet, alors que l'ancienne version de l'article R. 323-13 déjà cité prévoyait que l'activité d'un centre de contrôle devait s'exercer dans des locaux n'abritant aucune activité de réparation ou de commerce automobile et ne communiquer avec aucun local abritant une telle activité, le décret du 11 juin 2004 instaure une dérogation en ces termes : « Toutefois, afin d'assurer une meilleure couverture géographique, de répondre aux besoins des usagers ou, s'agissant des véhicules lourds, de réduire les déplacements, un réseau de contrôle agréé peut utiliser des installations auxiliaires situées dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile. Il doit pour cela obtenir un agrément particulier. Une convention de mise à disposition à titre onéreux est passée entre le réseau et l'exploitant de ces installations ». En d'autres termes, la modification apportée a pour objet de réserver aux seuls réseaux de contrôle agréés, la possibilité dérogatoire d'utiliser des installations auxiliaires situées dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile à la condition d'obtenir un agrément particulier. Dans le même temps, les centres de contrôle indépendants sont exclus du bénéfice de cette dérogation. Quels motifs justifient une telle différence de traitement dans un secteur qui, au-delà des préoccupations de sécurité, est très largement animé et cela depuis 2005, par de véritables enjeux commerciaux ? Cette différence de traitement pourrait certainement constituer, pour les centres indépendants, une atteinte au principe de la libre concurrence ainsi qu'au principe d'égalité. Sur la violation du principe de la libre concurrence, les nouvelles dispositions instaurées par le décret du 11 juin 2004 influent directement sur une activité commerciale significative puisqu'elle représente pour l'année 2009, 1 193 740 contrôles (visites techniques et contre visites). En effet, il convient de noter que le contrôle des poids lourds s'effectue tous les ans et celui des autocars tous les six mois. L'ensemble de ces contrôles ont été réalisés par les 413 centres présents sur le territoire et pour lesquels, 264 (dont 101 centres auxiliaires) sont rattachés à l'un des deux seuls réseaux : Dekra et Auto vision (source : bilan 2009 de l'organisme technique central). Les centres indépendants ont le sentiment que les nouvelles dispositions de l'article R. 323-13 II du code de la route créent, au profit des deux réseaux déjà cités, la possibilité d'exploiter abusivement une position dominante. Il est vrai que l'ouverture de ces centres auxiliaires est soumise à une procédure d'agrément bien particulière qui pourrait garantir une juste application du principe de la libre concurrence. Néanmoins, selon les centres indépendants, le niveau de contrôle exercé, notamment par le préfet lors de la délivrance de l'agrément, est insuffisant pour parvenir à cet objectif puisque que le contrôle mené repose sur des critères non cumulatifs dont l'interprétation reste large. En effet, pour obtenir un agrément, le réseau doit démontrer qu'un seul de ces critères est réuni, à savoir : assurer une meilleure couverture géographique, répondre aux besoins des usagers, réduire les déplacements des poids lourds. En conclusion, l'argumentation défendue par les centres indépendants consiste à soutenir que les conditions de la concurrence sont faussées par la réglementation dans la mesure où elle ouvre aux seuls réseaux la possibilité d'obtenir un agrément pour exploiter un centre auxiliaire. Par conséquent, il lui demande dans quelle mesure il serait possible de modifier l'article R. 323-13 II du code de la route afin de faire cesser cette atteinte au droit de la concurrence. Sur la violation du principe d'égalité, comme cela a déjà été exposé, le code de la route (art. R. 323-13 II, 2e al.) instaure une distinction entre les contrôleurs relevant d'un réseau national et ceux qui sont indépendants. Les premiers ont seuls le droit de déroger au principe de séparation des contrôleurs et des réparateurs ou vendeurs de véhicules puisqu'ils peuvent être autorisés, par le préfet, à installer un centre de contrôle technique dans un garage ou chez un vendeur automobile préexistants. C'est pourquoi les centres indépendants estiment que cet article méconnaît également le principe d'égalité. L'avantage créé par l'article contesté est substantiel pour le réseau de contrôle. En effet, il profite ainsi des investissements réalisés par l'exploitant du garage ou du vendeur et se contente de lui verser une redevance pour l'usage de ses locaux. Mais, cette possibilité n'est pas prévue pour les contrôleurs indépendants. Le principe d'égalité devant la loi est un principe constitutionnel (rec. CC, p. 31), ainsi qu'un principe général du droit (CE, ass., 7 fév. 1958, n° 39269, synd. propriétaires forêts chênes-lièges Algérie, rec. CE 1958, p. 74). En matière de services publics, comme c'est le cas pour le contrôle technique des véhicules qui participe à l'exécution du service public de la sécurité routière (CAA Nantes, 30 nov. 1999, SA laboratoire Zootherap), le principe d'égalité suppose que les usagers soient tous traités de la même façon et que les gestionnaires de ces services publics le soient également. Cela signifie aussi qu'il doit être respecté par l'administration lorsqu'elle édicte des règles en matière économique afin de préserver l'égalité des agents entre eux. C'est ainsi que les opérateurs ou gestionnaires d'une activité sont placés dans une situation d'égalité devant la réglementation économique (CE, 26 oct. 1949, Ansar) et que l'égal accès aux marchés publics et aux délégations de service public doit être respecté. J'ai bien conscience que la simple différence de traitement n'est pas suffisante pour démontrer une rupture du principe d'égalité qui, si elle était avérée, permettrait de conclure à l'illégalité de l'article R. 323-13 II du code de la route. En effet, l'illégalité n'est pas l'uniformité. En cela, le Conseil d'État a lui même précisé dans plusieurs décisions : « Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier » (CE 18 décembre 2002, Mme Duvignères, req. 233618 A.). Pour autant, dans une affaire récente, le tribunal administratif de Lyon a décidé que « la différence de situation entre ces réseaux et un contrôleur indépendant n'est pas telle qu'elle justifierait la différence de traitement instituée par les dispositions du II de l'article R. 323-13 du code de la route ; que cette différence de traitement est manifestement disproportionnée par rapport à cette différence de situation » (2 février 2010, société SIFTAS). Dans le même sens, la cour administrative d'appel de Lyon, à travers trois arrêts (CAA Lyon, 1ère ch., 22 juin 2010, SARL CCTA Saône-Bresse et CAA Lyon, 6e ch., 22 juillet 2010, sté AB Auto bilan 42 poids lourds), censure « cette différence de traitement qui est manifestement disproportionnée par rapport à la différence de situation ». Cette jurisprudence tend à démontrer qu'aucune raison d'intérêt général ne peut justifier la mesure discriminatoire instaurée par les dispositions du II de l'article R. 323-13 du code de la route. Pour s'en convaincre, il suffit d'admettre que les contrôleurs indépendants sont également « en mesure d'assurer ces objectifs prévus au 2e alinéa du II de l'article R. 323-13 ». En effet, s'il s'agit de créer de nouvelles installations auxiliaires pour assurer un meilleur maillage du territoire en matière de contrôle technique poids lourds et pour réduire le déplacement de ces véhicules, peu importe si ces installations relèvent d'un réseau ou d'un centre de contrôle indépendant. L'objectif d'intérêt général réside seulement dans la multiplication des lieux de contrôle (v. en ce sens, CAA Lyon, 1ère ch., 22 juin 2010, préc.) et non dans l'implication exclusive des réseaux de contrôle. Bien qu'il ne s'agisse pas d'anticiper sur l'arrêt qui sera rendu par le Conseil d'État sur cette question, il lui demande dans quelle mesure il serait possible de modifier la rédaction de l'article R. 323-13 II du code de la route.
Texte de la REPONSE : L'article R. 323-13 du code de la route indique que « L'activité d'un centre de contrôle doit s'exercer dans des locaux n'abritant aucune activité de réparation ou de commerce automobile et ne communiquant avec aucun local abritant une telle activité. Toutefois, afin d'assurer une meilleure couverture géographique, de répondre aux besoins des usagers ou, s'agissant des véhicules lourds, de réduire les déplacements, un réseau de contrôle agréé peut utiliser des installations auxiliaires situées dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile. Il doit pour cela obtenir un agrément particulier. » Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire ne règle pas de la même façon des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. La différence de traitement entre les réseaux et les centres indépendants est justifiée, d'une part, par une différence de situation et, d'autre part, par un motif d'intérêt général. En effet, les centres affiliés en réseau ne sont pas dans une situation identique aux centres dits indépendants, ces derniers n'étant pas assujettis aux mêmes obligations. Il convient tout d'abord de souligner qu'un « réseau de contrôle ne peut exercer aucune autre activité que celle de contrôle technique ». L'alinéa 3 de l'article R. 323-8 du code de la route) de plus, il a été jugé « qu'il résulte des dispositions des articles R. 323-9 et R. 323-10 du code de la route, applicables aux réseaux de contrôle, que ces derniers s'engagent, notamment, à respecter les prescriptions d'un cahier des charges particulier en mettant en oeuvre des moyens matériels centralisés et des procédures spécifiques, et à s'assurer en permanence de la bonne exécution des contrôles effectués ; que, par suite, ils ne se trouvent pas dans la même situation que les contrôleurs indépendants » (CAA Nantes, 18 mars 2010, Bretagne test poids lourds, n° 09NT01024). L'art. R. 323-10 du code de la route dispose en effet que « le réseau de contrôle s'assure en permanence de la bonne exécution des contrôles techniques conformément aux dispositions de la présente section. Il transmet à l'organisme technique central les données relatives aux contrôles techniques transmises par les installations de contrôle qui lui sont rattachées ». En outre, l'article R. 323-11 du code de la route prévoit que « Le réseau de contrôle doit respecter les modalités d'organisation fixées par arrêté du ministre chargé des transports destinées à assurer la disponibilité et la qualité des prestations et veiller à ce que les contrôleurs et toute personne physique ou morale exerçant des fonctions au sein du réseau n'aient pas d'activité dans la réparation ou le commerce automobile et ne soient pas salariés d'une entreprise ayant un lien avec une telle activité. » Ainsi, les réseaux sont chargés de la surveillance permanente de la bonne exécution des contrôles techniques effectués par les centres qui leurs sont rattachés. Soumis à des obligations spécifiques, ils permettent à l'administration d'assurer une surveillance efficace des centres de contrôle technique afin de garantir la sincérité et l'objectivité des contrôles. Il est dès lors, justifié de prévoir, au bénéfice des seuls centres groupés en réseau, qui ne peuvent exercer d'autres activités que celle de contrôle technique, la possibilité dérogatoire d'exploiter des installations auxiliaires dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile. Par ailleurs, en tout état de cause, l'impératif d'intérêt général qui s'attache à ce que l'ensemble du territoire national soit suffisamment pourvu en centres de contrôle a permis au pouvoir réglementaire d'octroyer aux seuls réseaux de contrôle la possibilité d'ouvrir des installations auxiliaires dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile. En effet, comme l'a souligné le Conseil de la concurrence dans son avis en date du 25 septembre 1990 relatif au décret n° 91-370 du 15 avril 1991 pris en application de l'article 23 de la loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 et à un projet d'arrêté relatif aux visites techniques des véhicules automobiles, les dérogations accordées aux réseaux sont justifiées par l'intérêt général qui s'attache à l'incitation à la création de réseaux, seuls capables d'assurer une implantation suffisante des centres de contrôle sur la totalité du territoire. Les réseaux, pour être agréés, doivent comporter des centres de contrôle de véhicules légers répartis dans au moins quatre-vingt-dix départements et pour le contrôle technique des véhicules lourds, au moins trente centres de contrôle répartis dans au moins vingt régions et exploiter eux-mêmes les centres de contrôle qui leur sont rattachés (art. R. 323-8 du code de la route) et doivent, en conséquence, être implantés sur l'ensemble du territoire. Il leur a ainsi été accordé la possibilité d'ouvrir des centres auxiliaires afin de leur permettre d'assurer un maillage suffisant du territoire. La possibilité accordée aux seuls réseaux d'ouvrir des centres auxiliaires « afin d'assurer une meilleure couverture géographique, de répondre aux besoins des usagers ou, s'agissant des véhicules lourds, de réduire les déplacements » (art. R. 323-13) est bien justifiée par un impératif d'intérêt général. Enfin, la différence de traitement n'est pas manifestement disproportionnée. En effet, afin de limiter le recours à la possibilité dérogatoire d'exploiter des installations auxiliaires dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile, le code de la route prévoit (art. R. 323-17 III) qu'un « contrôleur agréé ne doit pas effectuer, par trimestre, plus de 35 % du nombre de ses contrôles techniques dans des installations auxiliaires. De plus, un contrôleur ne doit pas effectuer, par trimestre, plus de 35 % des contrôles techniques de véhicules lourds réalisés dans une même installation auxiliaire. » Ainsi, seuls 4,7 % des contrôles de poids lourds effectués en 2009 l'ont été dans des installations auxiliaires. L'Autorité de la concurrence a souligné dans son avis du 14 janvier 2011 relatif au projet de décret modifiant le code de la route aux fins d'introduire le contrôle technique des cyclomoteurs que « l'instruction du présent avis n'a pas permis de démontrer que les centres indépendants auraient pu pâtir d'avantages éventuellement conférés aux réseaux ». La modification de l'article R. 323-13 du code de la route n'apparaît donc pas justifiée au seul motif que le tribunal et la cour administrative d'appel de Lyon ont rejeté son application.
UMP 13 REP_PUB Picardie O