Texte de la QUESTION :
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M. François Loncle s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication. À l'instar de ses prédécesseurs, le président de la République, qui est également protecteur de l'Académie française, ne cesse de se préoccuper, d'une façon très personnelle, de la promotion de la culture française. Alors qu'il n'était que candidat à la présidence, il avait ironisé sur l'inscription de La princesse de Clèves au programme d'un concours administratif, doutant qu'une guichetière puisse se passionner pour le roman de Madame de La Fayette. Devenu chef de l'État, il avait avoué avoir « beaucoup souffert sur elle ». Ces confidences médiatiques ont eu pour singulier effet de stimuler l'intérêt pour cette oeuvre fondatrice de la littérature psychologique : la lecture de ce classique a été organisée dans des lieux publics, attirant une audience fournie ; il a été adapté au cinéma et a donné matière à un documentaire ; ses ventes en librairie ont grimpé fortement. Grâce au président de la République, La princesse de Clèves a acquis une nouvelle notoriété et a élargi son lectorat, au point d'être aussi célèbre qu'une participante à une émission de téléréalité. Le chef de l'État continue de se soucier de la propagation de la culture française puisqu'il a récidivé, qualifiant récemment de « bellâtre » Fabrice Del Dongo, le héros de La chartreuse de Parme de Stendhal. Nul doute que cette déclaration congruente contribuera à accroître encore la diffusion de ce roman. C'est pourquoi il lui demande d'encourager le Président de la République à multiplier les jugements définitifs sur des oeuvres de la littérature française. Il se permet de lui soumettre quelques suggestions. Que le chef de l'État clame ne pas avoir apprécié le chevaleresque Perceval (Chrétien de Troyes), s'être piqué à La rose de Ronsard, s'être égaré dans La carte de tendre (Madame de Scudéry), avoir bâillé à Corneille, s'être endormi avec Les rêveries du promeneur solitaire (Jean-Jacques Rousseau), s'être battu avec Cinq-Mars (Alfred de Vigny), avoir été abasourdi par Les maîtres sonneurs (George Sand), avoir été assommé par Le vase brisé (Sully Prudhomme), ne pas avoir digéré Les nourritures terrestres (André gide), être resté sourd au Silence de la mer (Vercors), ne pas avoir accompagné Zazie dans le métro (Raymond Queneau), ne pas avoir passé Des journées entières dans les arbres (Marguerite Duras)... Il lui demande de conseiller au Président de la République de profiter d'une prochaine réunion de la francophonie pour donner aussi son sentiment sur des auteurs célèbres comme Julia Kristeva, Antonine Maillet, Fernando Arrabal, Andrée Chedid, Ionesco, Léopold Sédar Senghor, Albert Memmi, Vassilis Alexakis, Amin Maalouf... Il souhaite en revanche que le Président de la République ne saisisse pas l'occasion d'un sommet européen ou d'une rencontre du G 20 pour exprimer une opinion éclairée sur des écrivains étrangers. Au nom de la préservation de relations cordiales avec les autres pays, le Président de la République doit, en effet, épargner les littératures étrangères et donc s'abstenir de tout commentaire, aussi percutant soit-il, sur Shakespeare, Goethe, Cervantes, Boccace, Gogol, Watanabe, Ibsen, Steinbeck.
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