Texte de la QUESTION :
|
M. Christian Vanneste interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la liberté d'expression, et sur le rôle du Défenseur des droits quant à cette liberté. Selon l'article 71-1 de la Constitution, le Défenseur des droits « veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ». Or la liberté d'expression est consacrée notamment par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, selon lequel « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi ». L'exercice de cette liberté peut toutefois être soumis à des formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, lorsqu'elles sont justifiées par un intérêt public lié notamment à la sécurité nationale, la sûreté publique, la prévention du crime, la protection de la santé ou de la morale, de la réputation ou des droits d'autrui. Dans ce contexte, il lui demande s'il n'y a pas lieu de s'inquiéter d'un double risque susceptible d'affecter le bon accomplissement de cette mission par le Défenseur des droits. Il s'agit, d'une part, des effets potentiellement indésirables pour la liberté d'expression que peuvent occasionner d'autres compétences confiées au Défenseur des droits, bien que non prévues par l'article 71-1 de la Constitution, à savoir la promotion de l'égalité et la lutte contre les discriminations « directes ou indirectes », missions qui ont par le passé donné lieu à de nombreux abus de nature à pénaliser tout discours s'écartant du conformisme du « politiquement correct » notamment dans les domaines philosophique, politique ou historique (cf. à titre d'exemple l'étude effectuée en 2008 sur la « place des stéréotypes et discriminations dans les manuels scolaires » avec force concours d'associations annoncées comme « représentatives des catégories sociales retenues pour l'étude » et dont le coût pour le contribuable a excédé plus de 40 000 euros). Il s'agit, d'autre part, du rôle crucial que continueront à jouer, au sein du Défenseur des droits, certaines associations de « lutte contre les discriminations », au discours inconsidérément victimaire, qui détiennent le pouvoir de mettre en oeuvre l'action publique et font en général preuve d'une appréciation sélective de la liberté d'expression. Les notions vagues d'incitation à la discrimination et à la haine raciale se prêtent en effet aisément à toutes les interprétations, même les plus futiles, qui peuvent conduire à des procès et à des condamnations au pénal, comme l'ont expérimenté déjà des membres du Gouvernement, notamment lors du débat sur l'identité nationale, des parlementaires ou encore des journalistes. Comme on le sait, la liberté d'expression vaut aussi pour les idées « qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture, sans lesquels il n'est pas de société démocratique » selon les termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH, 7 décembre 1976, affaire Handyside c/ Royaume-uni). Il lui demande par conséquent s'il n'est pas devenu urgent de réexaminer l'ensemble des règles de mise en oeuvre de l'action publique par ces associations, bien peu représentatives de l'opinion publique, afin que ne leur soit plus conférés des privilèges juridiques qui font d'elles le bras séculier des pouvoirs publics, sans qu'elles n'en assument jamais la responsabilité ni n'en détiennent la légitimité.
|