FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 109961  de  M.   Perez Jean-Claude ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Aude ) QE
Ministère interrogé :  Travail, emploi et santé
Ministère attributaire :  Travail, emploi et santé
Question publiée au JO le :  31/05/2011  page :  5700
Réponse publiée au JO le :  11/10/2011  page :  10907
Rubrique :  pharmacie et médicaments
Tête d'analyse :  Distilbène
Analyse :  conséquences. santé
Texte de la QUESTION : M. Jean-Claude Perez attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur l'étude du professeur Charles Sultan révélant des effets transgénérationnels nocifs du distilbène. D'après l'étude menée par l'équipe du CHU de Montpellier, les effets nocifs du distilbène peuvent s'observer chez les petits-enfants des personnes qui y ont été exposées. Ce médicament aurait été prescrit à près de 200 000 femmes pendant la période 1948-1976, pour prévenir les fausses couches. Entre 100 000 et 160 000 enfants seraient nés de mères exposées et les risques de tumeurs, de troubles psychiatriques et de malformation sont très importants. L'étude révèle que, chez les garçons, les risques de malformations génitales sont 50 fois plus élevés pour un enfant dont la grand-mère prenait du distilbène. Par ailleurs, d'autres anomalies sont suivies de près par cette étude, comme l'entrée précoce dans la puberté pour les filles, ou encore l'obésité. Le distilbène agit comme un perturbateur endocrinien, au même titre que le bisphénol ou les pesticides dont les effets peuvent se retrouver sur quatre générations. Il lui demande quelle est sa position sur le sujet et quelles sont les mesures sanitaires précises qui prévalent désormais s'agissant du distilbène.
Texte de la REPONSE : Le diéthylstilbestrol (DES) est un estrogène de synthèse non stéroïdien. Il a été utilisé en France entre 1948 et 1977, sous les noms des spécialités Distilbène et Stilboestrol-Borne, chez les femmes enceintes pour prévenir les avortements spontanés, les hémorragies gravidiques, ainsi que dans d'autres complications de la grossesse (notamment toxémie gravidique et diabète gestationnel). C'est aux États-Unisen 1971 que les premiers cas de cancer du vagin chez des jeunes filles qui avaient été exposées in utero au DES ont attiré l'attention. Un des premiers cas français d'adénocarcinome vaginal chez une jeune fille a été publié en 1975. En France, l'indication « avortements spontanés à répétition » a été supprimée en 1976, et la contre-indication d'utilisation chez la femme enceinte a été ajoutée en 1977. Depuis, d'autres complications génitales et obstétricales de l'exposition in utero au DES ont été observées et ont fait l'objet d'informations successives, notamment par la diffusion de brochures informatives destinées aux professionnels de santé puis au public. Le DES est actuellement commercialisé sous le nom de Distilbène dans une seule indication, le traitement du cancer de la prostate. S'agissant des risques liés à l'exposition au DES, ils concernent en premier lieu les personnes, et principalement les femmes, qui ont été exposées in utero au DES et sont âgées aujourd'hui de 33 ans à 63 ans. Il est également nécessaire de poursuivre la surveillance dans la descendance de ces personnes. Concernant les personnes exposées in utero au DES : certains risques sont connus et documentés : les principales complications chez la fille exposée in utero au DES sont l'adénocarcinome à cellules claires du vagin et du col de l'utérus (cancers utéro-vaginaux), les anomalies structurales, morphologiques et fonctionnelles du vagin, du col et du corps de l'utérus et des trompes ainsi que des problèmes de fertilité et des complications obstétricales. Les principales complications chez le garçon exposé in utero au DES sont des atteintes de l'appareil uro-génital, essentiellement anomalies testiculaires et anomalies de position du méat urinaire. D'autres risques liés à l'exposition in utero au DES sont évoqués sans pouvoir être confirmés au vu des données actuellement disponibles. Ainsi, des données de la littérature suggèrent une augmentation du risque de cancer du sein chez les filles exposées au DES in utero, mais les résultats des études sont contradictoires. Par ailleurs, certaines associations de patients soutiennent la possibilité de survenue de troubles psychiatriques à la post-adolescence. Ce risque n'a pas été confirmé par une étude financée par l'AFSSAPS, mais la préoccupation de certains patients sur ce sujet restant forte, l'AFSSAPS prévoit de procéder à une audition des associations et de leurs experts pour examiner à nouveau leurs données. Concernant les enfants de parents exposés in utero au DES, les complications sont essentiellement inhérentes à la prématurité. Cependant, chez les garçons, une augmentation du risque d'hypospadias a été mise en évidence, à des degrés divers, par certaines études épidémiologiques. Le rôle exact de l'exposition maternelle au DES reste à mieux définir, dans un contexte où des travaux récents révèlent une augmentation de la fréquence d'hypospadias au fil du temps dans la population générale et où le rôle d'autres contextes pathologiques ou facteurs hormonaux dans l'environnement de la conception est pointé. Le mécanisme expliquant les complications observées chez les petits enfants de femmes exposées au DES au cours de leur grossesse est en cours d'investigation, les données disponibles ne permettent pas de parler d'effet transgénérationnel au sens strict. À ce jour, il n'a pas été mis en évidence d'anomalie de l'appareil génital des filles de mères exposées in utero. Cependant, la surveillance doit être poursuivie pour confirmer ces résultats. S'agissant des mesures sanitaires mises en oeuvre, l'AFSSAPS porte une attention particulière aux conséquences de l'exposition au DES et à leur prise en charge. Plusieurs démarches ont été entreprises en étroite collaboration avec les experts cliniciens, toxicologues, pharmacologues et épidémiologistes et l'association de patients Réseau DES France. L'AFSSAPS a également reçu à plusieurs reprises l'association HHORAGES. L'objectif est d'assurer une veille de toutes les problématiques à prendre en compte pour permettre une actualisation permanente, la mise en place de mesures appropriées et une meilleure prise en charge des patients susceptibles de développer une complication liée à l'exposition au DES. Ainsi, l'AFSSAPS et le Réseau DES France ont mis en place un partenariat dès 2001. Dans ce cadre, une fiche permettant le signalement des effets indésirables a été élaborée en 2004 et est diffusée aux patients par le Réseau DES France. À ce jour, environ mille fiches ont été recueillies. Le Réseau DES France est également invité à participer aux travaux des groupes d'experts siégeant auprès de l'AFSSAPS. En juin 2011, l'AFSSAPS a diffusé auprès des professionnels de santé concernés une mise au point actualisée sur les complications liées à l'exposition in utero au DES, leurs modalités de dépistage et de prise en charge, afin de renouveler la sensibilisation sur ce sujet qui reste d'actualité. En effet, les résultats d'une enquête sur l'état des connaissances relatives aux effets indésirables liés à l'exposition in utero au DES, réalisée à l'automne 2010 auprès des gynécologues a mis en évidence une connaissance imparfaite des conséquences chez les filles exposées in utero, une recherche d'exposition non systématique dans des situations évocatrices, et une faible connaissance des complications chez les garçons exposés in utero et des risques dans la troisième génération. La mise au point est disponible sur le site Internet de l'AFSSAPS. En premier lieu, elle recommande de dépister une exposition au DES afin d'orienter le la patient(e) vers un spécialiste ayant l'habitude de ce type de prise en charge. Certains signes évocateurs chez une femme née avant 1977, tels que des malformations utérines évocatrices d'une exposition au DES, des avortements à répétition, une grossesse extra-utérine ou des accouchements prématurés, doivent faire suspecter une exposition. Même en l'absence de tout symptôme, les femmes exposées in utero au DES doivent faire l'objet d'un suivi annuel spécifique par un gynécologue. De plus, en cas de problème de fertilité, un bilan particulier doit être intégré au bilan général de la fertilité du couple. Enfin, même si dans un grand nombre de cas elle se déroule de façon tout à fait normale, toute grossesse chez une femme exposée in utero au DES doit être considérée a priori comme une grossesse à risque et faire l'objet d'une attention particulière. Un repos précoce est recommandé, car le risque de prématurité est du même ordre de grandeur qu'en cas de grossesse gémellaire. Le repos constitue un des éléments essentiels de prévention des fausses couches et de la prématurité. C'est la raison pour laquelle l'assurance maladie a mis en place un congé maternité exceptionnel pour les grossesses liées à l'exposition au DES.
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