DEBAT :
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DISPARITION D'IBNI OUMAR MAHAMAT SALEH M. le président. La parole est à M. Gaëtan
Gorce, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers
gauche. M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre des affaires
étrangères, le 3 février 2008, trois opposants au régime tchadien d'Idriss Deby
étaient arrêtés dans des conditions douteuses. Un seul n'est pas réapparu : Ibni
Oumar Mahamat Saleh, scientifique réputé et respecté, opposant intègre, honnête
et pacifique, dont l'esprit non-violent n'a jamais pu être mis en cause. Par
la voix de votre secrétaire d'État, vous m'aviez répondu, lorsque je vous avais
interrogé voici quelques mois, que la France mettrait tout en oeuvre pour
connaître la vérité. Le 5 août 2008, une commission d'enquête a rendu un rapport
accablant pour les autorités tchadiennes. Indiscutablement, nous sommes en
présence d'un assassinat politique, monsieur le ministre. Aux sollicitations que
nous lui avons adressées avec mon collègue sénateur Jean-Pierre Sueur, le
Président de la République a répondu par la même volonté de faire aboutir les
choses. Mais depuis, rien n'a été entrepris - en tout cas rien n'a été
obtenu. Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire. Ce n'est pas la même chose ! M. Gaëtan
Gorce. Il y a un an, ma question était d'ordre humanitaire ; voici
qu'elle devient politique. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous affirmer,
compte tenu de la présence auprès du Président Deby de conseillers français, que
la France n'a été, ni de près ni de loin, mêlée à cette affaire ?
(Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je pose des questions, chers
collègues ! Pouvez-vous nous affirmer que la France n'a jamais disposé
d'informations sur les conditions de son arrestation, sur le lieu de sa
détention et sur le sort qui lui a été réservé ? (Mêmes mouvements allant
s'amplifiant.) En avez-vous parlé, puisque vous étiez au Tchad voici deux
jours, avec le gouvernement d'Idriss Deby ? Enfin, que comptez-vous faire
concrètement pour que les auteurs de cet assassinat politique soient identifiés,
recherchés, arrêtés et condamnés ? (Applaudissements sur les bancs des
groupes SRC et GDR.) M. le président. La parole est à M.
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. M.
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, je vous remercie de me poser cette question. (" Pas
comme cela ! "sur les bancs du groupe UMP.) Je vous assure que la France
n'est pour rien ni dans cette arrestation ni dans l'assassinat ; en revanche,
elle est pour beaucoup dans la recherche que nous poursuivons. Trois
personnes ont disparu lors de l'attaque - il faut le rappeler - par des éléments
rebelles de la capitale N'Djamena : M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, le président
Lol Mahamat Choua, que j'ai rencontré et qui préside désormais le comité de
suivi de l'accord politique du 13 août 2007, et M. Yorongar que nous avons
retrouvé au Cameroun. Sur trois personnes, deux ont donc été retrouvées, dont
l'une - le président Lol Choua - par nos soins. Le rapport d'enquête que vous
avez évoqué a été suivi de comités interministériels et le Premier ministre, M.
Youssouf Saleh Abbass, a décidé que tous les éléments seraient livrés à la
justice et que l'investigation serait poursuivie. Elle est encore en cours. Il y
a deux jours, à l'occasion de ma visite aux 3 300 soldats de l'EUFOR, j'ai très
précisément demandé au Président Deby où en étaient les recherches. Je suis
désolé de dire qu'elles n'ont donné aucun résultat. Selon le ministre de la
justice, M. Jean Alingue, qui appartient au même parti que M. Ibni Oumar Mahamat
Saleh, la Coalition des partis politiques pour la défense de la Constitution -
le CPDC compte aujourd'hui quatre représentants au Gouvernement, dont le
ministre de la justice--, dix juges et trente policiers continuent d'enquêter
sur la disparition de cet homme. M. le président. Il faut
conclure, monsieur le ministre. M. Bernard Kouchner,
ministre des affaires étrangères. Bien sûr, nous avons reçu la famille
d'Ibni Oumar Mahamat Saleh et lui avons offert asile. Nous continuons de nous y
intéresser et ne cesserons pas de le rechercher. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe UMP.)
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