Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les problèmes posés, d'une part, par la destruction du patrimoine minier national et, d'autre part, par la mise en sécurité des mines anciennes et de leurs installations, certaines constituant des sites archéologiques d'une haute valeur scientifique et technique. Dans le cadre de l'instruction par les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) des procédures d'abandon des concessions orphelines de leur territoire, une mission nationale d'expertise est chargée d'organiser des expertises, visant, en théorie, à émettre un avis pour sauvegarder certains sites. Cette mission qui s'exerce en priorité sur les concessions orphelines concerne en réalité plusieurs milliers de sites miniers. Leur nombre s'élèverait à près de 3 000 avec les mines abandonnées qui, suite à la loi du 30 mars 1999, relèvent désormais de la responsabilité de l'État. En outre, le recensement des risques miniers réalisé par la DRIRE sur ces sites anciens ne fait qu'accroître le nombre de sites à mettre en sécurité. Jusqu'à récemment, les vestiges et la mémoire du travail des hommes marquaient les mentalités, mais aussi les paysages qui constituaient autant de clés de lecture d'une histoire partagée. Aujourd'hui, ces paysages sont gravement menacés par des directives gouvernementales. Au début des années 1990, le ministère de l'industrie a décidé la « mise en sécurité » de l'ensemble des mines du territoire national, parallèlement à l'abandon des exploitations encore en concession. Une modification du code minier, en 1999, fixe la responsabilité de l'exploitant en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et de prévention des risques miniers après la fin d'exploitation, ce qui n'est pas sans conséquences pour le patrimoine : « Une mine est dangereuse et les vestiges bâtis, non entretenus, le sont également. En conséquence, au nom d'un principe de précaution, pour qu'un concessionnaire puisse engager la procédure de renonciation de sa concession il doit éliminer tout risque potentiel, ce qui équivaut à la disparition des sites » : foudroyage des entrées de galeries, comblement des puits et, enfin, destruction des carreaux de mine et des installations annexes (bâtiments, installations techniques, vestiges, machines...). Ce programme est à la charge des concessionnaires pour les concessions valides et à la charge de l'État pour les « mines orphelines ». Or, depuis 1988, à la suite d'un jugement rendu à Besançon faisant jurisprudence, les sites miniers et leurs abords sont considérés comme des sites archéologiques, quelle que soit leur datation et, à ce titre, ils sont protégés par la loi. En conséquence, en 1999 les ministères de l'industrie et de la culture optaient pour une politique commune visant à concilier au mieux les intérêts de l'archéologie et les impératifs de sécurité publique. En 2003, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dressait l'inventaire national des titres miniers en cours d'abandon visés par cette procédure (3 000 titres). L'évaluation devait permettre d'identifier ceux dont l'intérêt patrimonial et le potentiel archéologique justifieraient une conservation ou une mise en valeur. Malgré ces déclarations d'intention, rien n'a réellement été fait pour préserver ces sites et ces paysages, en raison notamment de l'ampleur des moyens nécessaires pour procéder aux études. À aucun moment, alors qu'ils relevaient officiellement de la sous-direction de l'archéologie et de l'inventaire général, les instances de tutelle n'ont effectivement pris en compte l'intérêt de ce patrimoine. L'engorgement chronique des services régionaux de l'archéologie, seuls habilités à traiter les dossiers de mise en sécurité, ne conduit que très rarement à des prescriptions archéologiques avant destruction. Les mines ont pourtant joué un rôle majeur dans notre pays et ce depuis les temps les plus reculés. La destruction annoncée de plusieurs milliers de sites industriels miniers sans que ne soient octroyés aux scientifiques les moyens de leur mission constitue un manquement à la convention européenne de Malte signée par la France. De fait, dans la plupart des pays de l'Union, ces sites font l'objet d'une large concertation et sont valorisés. La France a choisi de détruire cette mémoire industrielle au nom du principe de précaution en injectant à cette fin des financements considérables qui pourraient être utilisés pour l'étude et la promotion de ce patrimoine. Il lui demande dès lors quelles dispositions il compte prendre afin de ralentir ce processus de destruction. Dans le cas où les opérations devraient se poursuivre, il l'interroge sur les mesures qu'il envisage pour donner aux scientifiques les moyens de remplir cette nouvelle mission d'archéologie préventive, dans un contexte d'anéantissement d'un pan entier de notre patrimoine historique et scientifique.
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