Texte de la QUESTION :
|
M. François Lamy attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la réforme de la garde à vue. La convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales impose aux États membres, dont la France, d'assurer l'accès à un procès équitable à tout justiciable. En matière pénale, ce droit se traduit notamment, aux termes de l'article 6 de ladite convention, par le droit pour tout accusé de « se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ». Sur ce fondement, la Cour européenne des droits de l'Homme est intervenue à plusieurs reprises depuis le 27 novembre 2008 pour préciser quel devait être le rôle de l'avocat auprès des personnes privées de libertés. Ainsi, dans un arrêt "Dayanan contre Turquie" du 13 octobre 2009, la Cour a précisé qu'un « accusé doit, dès qu'il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu'il subit [...]. À cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer ». Le 19 octobre 2010, la Cour de cassation a reconnu à son tour la nécessité, pour une personne privée de liberté, de l'assistance effective de l'avocat « dans des conditions lui permettant d'organiser sa défense et de préparer avec lui les interrogatoires ». Dans ses arrêts du 15 avril 2011, la Cour de cassation a ajouté que « les États membres de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation ». Parallèlement, le Parlement a voté la loi réformant la procédure de garde à vue et prévoyant la présence de l'avocat dès la première heure et au cours des interrogatoires. Cette loi devant entrer en vigueur au plus tôt le 1er juin, une circulaire a été adressée aux forces de l'ordre afin qu'elle soit mise en application de manière anticipée dans le but de répondre aux exigences de la convention européenne. Cependant, l'application de cette loi ne répond pas aux exigences posées par la Cour européenne des droits de l'Homme. Dans ces conditions, comment l'État entend t-il répondre aux exigences de la Cour européenne des droits de l'Homme alors que : la présence de l'avocat telle que prévue par la loi ne permet pas un accès au dossier ? La présence de l'avocat n'est prévue que durant les interrogatoires, mais pas durant l'ensemble des actes de l'enquête auxquels le gardé à vue participe activement ? L'avocat ne dispose alors pas de moyens réels pour assister son client de manière efficace. Par ailleurs, pour être effective, l'assistance de l'avocat impose que ce dernier soit justement rémunéré pour son intervention. À ce titre, il convient de préciser que l'intervention de l'avocat en garde à vue nécessite dans la majeure partie des cas un déplacement important, ce qui aboutit souvent à ce que l'avocat soit contraint de se consacrer pleinement à l'assistance d'un gardé à vue pendant toute la durée de celle-ci qui peut être de 24 heures, voire 48 heures en cas de renouvellement. La distance importante empêche en effet l'avocat de retourner à ses autres activités entre deux interrogatoires. De plus, il est important de rappeler que sur l'indemnisation versée par l'État aux avocats intervenant au titre de la commission d'office, ces derniers en reversent environ 50 % au titre des différentes charges nécessaires à l'exploitation d'un cabinet. Dans ces conditions, il souhaite savoir comment l'État entend assurer l'effectivité de l'assistance de l'avocat tout au long de la garde à vue de manière égalitaire pour chacun des justiciables par l'allocation d'une véritable rémunération et non par le versement d'un forfait de 300 euros brut par 24 heures.
|