Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Michel Villaumé attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les bénéfices records des banques françaises et leurs pratiques à l'égard des consommateurs. En effet, malgré les conséquences persistantes de la crise économique et financière, il semble que les banques françaises renouent en 2010 avec des profits records dignes de ceux de 2007. Ainsi, selon les résultats publiés par BNP-Paribas, la banque a engrangé 1,9 milliard d'euros de profit au troisième trimestre 2010. De même, la Société générale affiche un profit multiplié par deux, soit 896 millions d'euros. Les bénéfices escomptés sont donc largement dépassés. Or il apparaît que ces résultats sont issus d'une forte progression de la vente de détail, activité de crédit et de gestion des comptes. À cet égard, l'association de défense des consommateurs UFC-Que choisir fait remarquer qu'entre 2004 et 2010 les prix des services bancaires proposés ont explosé de 8 %, de 10 % en moyenne pour les cartes bancaires classiques et même de 14 % pour l'assurance des moyens des paiement alors que la fraude a légèrement baissé pendant la même période. En outre, l'augmentation la plus significative est au niveau de la facturation des retraits effectués dans les distributeurs des banques autres que la marque de la carte puisque le coût moyen de ce retrait a augmenté de 63 %, alors que cette progression n'a aucun fondement économique. Alors que la crise économique touche encore durement les Français les plus modestes, il est regrettable et même choquant que les banques françaises engrangent des profits records par le biais des frais bancaires parfois injustifiables et malheureusement incontournables pour l'ensemble des consommateurs. L'obligation faite aux banques d'adresser à leurs clients un bilan annuel des frais bancaires n'a aucun effet quant à leur vertu en la matière puisque personne ne peut se passer d'une banque. En outre, force est de constater que si le marché bancaire est libre, la concurrence, notamment s'agissant des frais bancaires, n'est pas féroce et que la comparaison entre les différents établissements bancaires est plus que complexe. À cet égard, il convient de souligner que tant au niveau de la Commission européenne, qu'au sein de l'Autorité de la concurrence, la question de l'opacité des frais bancaires soulève de vives critiques. Il lui demande donc d'indiquer quelles mesures il entend prendre pour, d'une part, mettre fin à cette situation injustifiable et, d'autre part, lutter contre l'explosion des frais bancaires.
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Texte de la REPONSE :
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Le Gouvernement est très attentif à la question des frais bancaires qui a fait l'objet d'un intense travail réglementaire ces trois dernières années : depuis le 16 mai 2008, les frais pour incident de paiement sont plafonnés (décret n° 2007-1611 du 15 novembre 2007 pris en application de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) ; depuis le 1er janvier 2009, les banques adressent chaque année un relevé annuel des frais perçus, permettant ainsi à chaque client d'en avoir une vision complète et détaillée (loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs) ; pour renforcer la transparence, un glossaire des termes employés par les banques a été élaboré dans le cadre du comité consultatif du secteur financier (CCSF). Ce travail a été actualisé en 2010 et une attention particulière a été apportée à la définition des tarifs bancaires ; pour faciliter le changement de banque, un service d'aide à la mobilité a été mis en place dans chaque établissement. Les frais de clôture des comptes à vue, des livrets et assimilés ont aussi été supprimés ; les frais d'opposition sur carte bancaire ont été supprimés à compter du 1er novembre 2009 (ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement) ; enfin, pour faciliter l'accès des consommateurs à bas revenu aux services bancaires à des tarifs adaptés, une gamme de paiements alternatifs aux chèques (GPA) a été créée. Les banques la proposent pour environ 3 euros par mois. Ce forfait ne comprend pas de chéquier mais une carte de paiement sans dépassement (carte à autorisation systématique), ce qui limite les incidents de paiement et les frais associés. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a cependant estimé que des efforts supplémentaires étaient nécessaires. Afin de disposer d'un constat et de propositions, il a demandé à MM. Georges Pauget et Emmanuel Constans de conduire une mission d'analyse et de propositions sur les frais bancaires. La mission a rendu ses conclusions au ministre le 8 avril 2010 et son rapport a été rendu public le même jour. Il formule une trentaine de propositions. À la demande du ministre, le CCSF, qui regroupe l'ensemble des parties prenantes, en particulier les associations de consommateurs, s'est réuni le 12 juillet pour examiner les conclusions de ce rapport. Le ministre a demandé au CCSF de travailler à la mise en oeuvre concrète de ces propositions dans les meilleurs délais. Ces travaux ont porté leurs fruits dès le 21 septembre 2010. Dans le cadre d'une réunion plénière du CCSF en présence du ministre, la profession bancaire a souscrit auprès de celui-ci une série d'engagements dans le domaine de la tarification bancaire. Ces engagements portent d'abord sur l'amélioration de la transparence et de la lisibilité des tarifs bancaires, condition de la bonne information du consommateur et de la comparaison entre les différentes offres disponibles : une liste standard de dix tarifs bancaires figurera en tête des brochures (dès le 1er janvier 2011 sur Internet). Les brochures seront aussi présentées selon un sommaire type dont les dénominations seront harmonisées ; depuis le 30 juin 2011, les relevés de compte mensuels font figurer le total des frais bancaires perçus le mois précédent ; dans le cadre du Comité français d'organisation et de normalisation bancaires (CFONB), l'harmonisation des dénominations des tarifs bancaires sera renforcée. Les engagements que le ministre a obtenu des banques portent également sur la prévention et la diminution du coût des frais pour incident, qui peuvent représenter une charge excessive pour les consommateurs les plus fragiles. À compter du 30 juin 2011, un nouveau « forfait sécurité », plus complet que l'actuelle gamme de paiement alternatif, est mis en place. Destiné aux clientèles les plus fragiles, il est composé de moyens de paiement propres à maîtriser plus aisément le solde de leur compte (carte de paiement anti dépassement, absence de chéquier) et prévoit des possibilités d'alertes sur le niveau du solde, notamment par SMS. Il est enfin caractérisé par un plafonnement en nombre et en valeur des frais pour incident. Les banques se sont aussi engagées à développer une offre de forfaits plus adaptés aux besoins des consommateurs. Dans ce cadre, des forfaits personnalisables et modulaires sont mis en place, ce qui permet aux consommateurs de s'assurer que leur forfait correspond effectivement à leurs besoins en matière de services bancaires. Les banques se sont aussi engagées à garantir que les forfaits prévoient toujours un avantage tarifaire par rapport à un achat à la carte. Les engagements pris par les banques devant le ministre portent également sur un important chantier de moyen terme : la simplification des paiements au quotidien et la modernisation des moyens de paiement. En alternative au chèque, souvent facteur d'incidents, la création d'un nouveau « virement de proximité » à la main des consommateurs permettra de faire des virements à des proches ou pour le paiement d'un achat ou d'une facture depuis un distributeur de billets ou un téléphone portable de manière sécurisée et simplifiée. Enfin, le ministre a souhaité s'assurer de l'effectivité et de la portée de ces engagements, pris dans le cadre du CCSF. Dans ce but, il a ajouté deux dispositions à la loi de régulation bancaire et financière adoptée en octobre : l'une confie au CCSF une mission d'observatoire des tarifs bancaires, ce qui permet d'assurer un suivi régulier des résultats des mesures prises dans ce domaine et de disposer d'un constat public et objectif sur l'évolution des tarifs ; l'autre prévoit que le ministre en charge de l'économie pourra demander à l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) de vérifier le respect par les établissements des engagements souscrits dans le cadre du CCSF. Cet audit fera l'objet d'un rapport remis au ministre, mais aussi au CCSF, qui mentionnera, notamment, engagement par engagement, la proportion des établissements qui le respectent. Le ministre a décidé de faire usage pour la première fois de cette nouvelle procédure d'audit afin de vérifier que la profession bancaire a bien respecté les engagements qu'elle a pris en matière de mobilité bancaire en mai 2008.
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