FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 114174  de  M.   Le Bouillonnec Jean-Yves ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Val-de-Marne ) QE
Ministère interrogé :  Justice et libertés
Ministère attributaire :  Justice et libertés
Question publiée au JO le :  12/07/2011  page :  7549
Réponse publiée au JO le :  04/10/2011  page :  10612
Rubrique :  professions judiciaires et juridiques
Tête d'analyse :  avocats
Analyse :  accès à la profession. juristes d'association
Texte de la QUESTION : M. Jean-Yves Le Bouillonnec attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les conditions d'accès par voie parallèle, à la profession d'avocat. L'article 98-6 du décret du 27 novembre 1991 dispense de la formation théorique et pratique du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises. Les juristes d'entreprise, malgré l'absence de définition légale, peuvent bénéficier de ce dispositif dérogatoire. Les juristes d'association, quant à eux, en sont, semble-t-il, exclus alors même que seule la structure d'exercice de la profession de juriste diffère et que cette différence ne porte pas sur les qualités professionnelles intrinsèques du juriste. En outre, la jurisprudence européenne et française évolue dans le sens de l'assimilation d'une association à une entreprise. En effet, l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 23 avril 1991 (Hoefner et Elser) énonce que « la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement ». Dans cette même logique, la Cour de cassation dans sa décision du 26 janvier 1999, a autorisé une juriste de coopérative à devenir avocate en bénéficiant de la dispense évoquée ci-dessus. Selon la définition énoncée par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, une coopérative se rapproche plus, de par son statut et ses objets, d'une association que d'une entreprise. La première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu 12 mars 2002, a assimilé une association à une entreprise aux motifs que ladite association emploie trente sept personnes et exerce une activité économique, « peu importe qu'il n'y ait pas de recherche de bénéfices ». De plus, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2006-20-21 du 20 juillet 2006 a considéré qu'une association assujettie à la TVA et à l'impôt sur les sociétés, ayant pour activité principale la prestation de services, devait être regardée comme une entreprise. Il appert de ces arrêts que la principale différence entre une association et une entreprise repose sur le but lucratif ou non des activités menées. Par conséquent, exercer une activité de juriste au sein d'une association ne saurait faire obstacle au bénéfice de la dispense prévue par le décret du 27 novembre 1991 dès lors que la condition de durée (plus de huit ans) est satisfaite. C'est pourquoi il lui demande de prendre toutes les mesures nécessaires pour étendre l'application de l'article 98 alinéa 3 du décret du 27 novembre 1991 aux juristes d'association.
Texte de la REPONSE : En application des dispositions de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, l'accès à la profession d'avocat est en principe réservé aux titulaires d'une maîtrise en droit ou d'un diplôme reconnu comme équivalent, ayant subi avec succès l'examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA), suivi une formation théorique et pratique de dix-huit mois et réussi l'examen d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA). Des voies d'accès spécifiques ou dérogatoires à la profession sont néanmoins prévues par l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. Elles permettent, sous certaines conditions, aux membres de certaines professions judiciaires ou juridiques ainsi qu'à certaines catégories de juristes d'être dispensés de la formation théorique et pratique comme de l'obtention du certificat d'aptitude à la profession d'avocat dès lors qu'ils sont titulaires d'une maîtrise en droit et justifient de huit années de pratique professionnelle du droit à titre principal. Ces textes aménageant une voie d'accès dérogatoire à la profession d'avocat, les dérogations ne doivent avoir pour effet ni de concurrencer la voie d'accès principale à la profession, déjà profondément rénovée par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques et le décret n° 2004-1386 du 21 décembre 2004 relatif à la formation professionnelle des avocats, ni de s'y substituer. En l'état actuel des règles applicables à la matière, il n'est pas prévu que les juristes exerçant leur activité dans un cadre associatif puissent bénéficier des passerelles existantes. Par ailleurs, la Cour de cassation donne une interprétation stricte des cas de dispense. Ainsi, s'agissant des personnes revendiquant l'assimilation de leurs fonctions à celles de juriste d'entreprise au sens des dispositions de l'article 98 (3°) du décret du 27 novembre 1991, la haute juridiction a précisé dans une jurisprudence désormais constante, que les fonctions ou activités juridiques alléguées doivent avoir été exercées exclusivement « dans un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci ». Toutefois, une réflexion d'ampleur est actuellement menée, en concertation avec le Conseil national des barreaux, sur la modification de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991.
S.R.C. 13 REP_PUB Ile-de-France O