Texte de la QUESTION :
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M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur l'attention que nous devons porter aux risques de voir s'étendre les méthodes délictueuses d'écoutes téléphoniques par la presse. En effet, le dossier du scandale de « News of the World » vient de montrer que ce phénomène d'écoutes n'est pas toujours issu des pouvoirs publics, mais peut parfois émaner des médias eux-mêmes. Cette affaire britannique qui secoue l'opinion de ce pays met en cause les pratiques de certains tabloïds qui n'ont pas hésité à espionner les communications téléphoniques de parents de victimes de soldats tués en Iraq ou en Afghanistan, ou d'autres personnes, pour donner lieu à des articles à scandale. Cette affaire outre manche devrait donner lieu à une sensibilisation par les pouvoirs publics auprès des dirigeants de presse français qui pourraient être tentés par de telles pratiques dans notre pays. Certes, cette suggestion peut paraître inutile, mais elle peut s'avérer préventive pour éviter des dérapages qui porteraient atteinte à l'image des médias grand public, qui pourraient ressembler aux tabloïds britanniques. Il lui demande donc de lui indiquer son avis sur cette action de prévention.
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Texte de la REPONSE :
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L'affaire de l'hebdomadaire britannique « News of the World », appartenant au groupe de presse de M.Ruppert Murdoch, a mis en lumière les pratiques condamnables de ce journal consistant à procéder à des écoutes téléphoniques pour obtenir de la matière pour ses articles. La découverte de ces écoutes illégales a profondément bouleversé l'opinion, y compris en France, et il est légitime d'insister sur les garde-fous qui existent dans notre pays pour empêcher que des telles pratiques ne s'y développent. Rappelons que si la liberté de la presse est un principe démocratique fondamental en France, elle s'exerce dans le cadre de la loi, afin de ne pas empiéter sur d'autres droits fondamentaux comme le droit au respect de la vie privée par exemple. La pratique d'écoutes téléphoniques portant atteinte à la vie privée est notamment sanctionnée par le code pénal : les articles 226-1 et 226-2 du code précisent en effet que sont punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende « le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel » (...) ou « le fait de rendre public ces enregistrements obtenus frauduleusement ». Le code précise que, lorsque ces délits sont commis par voie de presse, les dispositions de la loi de du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse permettent de déterminer les personnes responsables. Cette loi prévoit un régime de responsabilité pénale dit en « cascade » qui repose en premier lieu sur le directeur de la publication, à défaut sur l'auteur de l'article, à défaut sur l'imprimeur du journal, permettant de toujours trouver un responsable qui sera poursuivi en cas d'infraction. En outre, la presse française consolide depuis de nombreuses années son engagement en faveur de la déontologie du journalisme et de l'information. De nombreux journaux se sont dotés de chartes éditoriales ou d'instances de régulation ou de médiation spécialisées en leur sein. Ces chartes internes permettent une meilleure visibilité des règles déontologiques déjà prévues dans la charte de Munich de 1971, signée par les syndicats de journalistes. La législation française, qui garantit la liberté de la presse tout en assurant la préservation des libertés privées, est bien connue des différents éditeurs de presse et régulièrement appliquée sous le contrôle du juge judiciaire. De fait, on observe que les pratiques en matière de presse à scandale sont beaucoup plus modérées en France qu'en Grande-Bretagne. C'est pourquoi il ne paraît pas nécessaire d'ajouter à ce dispositif une démarche de prévention ou d'information des médias à l'initiative des pouvoirs publics, qui pourrait être perçue par les éditeurs comme une ingérence dans les pratiques éditoriales.
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