FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 116150  de  M.   Vercamer Francis ( Nouveau Centre - Nord ) QE
Ministère interrogé :  Affaires étrangères et européennes
Ministère attributaire :  Affaires étrangères et européennes
Question publiée au JO le :  02/08/2011  page :  8254
Réponse publiée au JO le :  04/10/2011  page :  10537
Rubrique :  politiques communautaires
Tête d'analyse :  commerce extracommunautaire
Analyse :  peines capitales. produits anesthésiants. exportations
Texte de la QUESTION : M. Francis Vercamer attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le commerce vers les pays tiers de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les États membres de l'Union européenne ont ratifié le 30 juillet 2006 un règlement du Conseil de l'Union européenne visant à interdire le commerce de biens infligeant la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cependant, un rapport d'Amnesty International et de la Omega Research Foundation intitulé « From Words ta Deeds : Making the EU ban on the trade in et 'tools of torture' a reality » met en évidence un certains nombres de lacunes dans la mise en oeuvre de ce Règlement. En effet, des substances chimiques comme le thipental, fabriquées dans l'Union européenne sont encore utilisées dans des exécutions capitales aux États-Unis par exemple, car si l'annexe II du règlement prévoit l'interdiction de l'exportation de biens tels que les systèmes d'injection automatique utilisés pour les exécutions capitales, la Commission européenne, quant à elle, a spécifié que cette réglementation ne s'appliquait pas aux produits chimiques utilisés. L'annexe III du règlement européen prévoit une liste de biens devant être soumis à un contrôle à l'exportation et le thiopental (et tout produit similaire) n'en fait pas partie. Il lui demande dans un premier temps si le Gouvernement pense demander une mise à jour des annexes du règlement concerné pour que celui-ci soit renforcé dans sa mise en oeuvre et réellement appliqué ; dans un deuxième temps quelles mesures il envisage concernant tous les éléments ne figurant pas dans les annexes et qui pourtant peuvent contribuer à infliger la peine capitale, la torture, d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Texte de la REPONSE : Le règlement 1236/2005 du Conseil de l'Union européenne du 27 juin 2005 concernant le commerce de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est entré en vigueur en 2006. Ce règlement a pour objectif la mise en place d'un régime de contrôle spécifique visant à contribuer à la prévention de la violation du droit fondamental de tout être humain de ne pas être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il s'appuie sur divers textes internationaux : le pacte international relatif aux droits civils et politiques, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention des Nations unies de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il répond au souhait que la France avait exprimé, pour prévenir la dissémination des biens pouvant servir à torturer ou exécuter les personnes. Ce règlement instaure des mécanismes de prohibition, de contrôle et de retenue des marchandises qui n'ont aucune autre utilisation pratique que celle d'infliger la peine capitale ou la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'exportation et l'importation de ces biens peuvent être autorisées s'il est prouvé que ces biens seront utilisés exclusivement à des fins d'exposition publique dans un musée, en raison de leur signification historique. Par ailleurs, est également instauré un dispositif de contrôle pour l'exportation de produits qui peuvent être utilisés pour la peine capitale ou à des fins de torture, mais qui ont aussi des utilisations légitimes. Pour ces équipements, une autorisation préalable d'exportation est exigée. Au niveau national, le non-respect de cette réglementation constitue une violation d'une mesure de prohibition, au sens de l'article 38 du code des douanes, et, par conséquent, un délit douanier qui est prévu aux articles 417 à 428 de ce code (contrebande, importation ou exportation sans déclaration en cas de fausse déclaration en douane ayant pour but ou pour effet d'éluder la mesure de prohibition) et qui est sanctionné par les dispositions de l'article 414 du code des douanes (peine de prison de trois ans, amende comprise entre une et deux fois la valeur des marchandises, confiscation des marchandises avec une aggravation de ces sanctions en cas d'infraction commise en bande organisée). Ce dispositif est d'ailleurs mentionné dans le rapport de l'Omega Research Foundation (« Appendice premier : législation nationale introduite par les États membres en matière pénale »), qui indique que « l'article 38 du code des douanes rend illégales l'importation ou l'exportation des biens interdits, y compris ceux couverts par le règlement 1236/2005 de l'Union européenne. Les articles 414 et 417-428 du code des douanes en définissent le régime pénal. » Concernant les formalités douanières, le règlement prévoit une procédure de demande d'autorisation d'exportation ou d'importation de biens énumérés à l'annexe II et à l'annexe III du règlement 1236/2005 du Conseil du 27 juin 2005. Le formulaire de demande (CERFA 12722*01) a été mis en ligne et est accessible à tous les opérateurs. Le rapport des ONG Amnesty international et de l'Omega Research Foundation souligne, à juste titre, qu'il s'agit du premier dispositif multilatéral de contrôle du commerce de ce type dans le monde, permettant ainsi de combler un vide substantiel dans la protection des droits de l'Homme à travers le contrôle des exportations. Ce dispositif vient d'ailleurs de recevoir sa complète traduction en droit interne, avec la publication au Journal officiel du 18 août 2011 du décret n° 2011-975 du 16 août 2011. Si l'évaluation de la mise en oeuvre de l'actuelle réglementation des exportations faisait apparaître des lacunes ou des failles, le Gouvernement, conjointement avec la Commission européenne et les autres États membres de l'Union européenne, rechercherait les pistes de réforme permettant de s'assurer que certains biens ne se transforment pas en instruments illicites. Elle proposera notamment à ses partenaires une révision de la liste des biens visés en annexe III du règlement 1236/2005 de l'Union européenne, qui peuvent être utilisés pour la peine capitale ou à des fins de torture mais qui ont aussi des utilisations légitimes, ainsi que de leur régime de délivrance d'autorisation d'exportation.
NC 13 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O