Texte de la QUESTION :
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M. Laurent Hénart attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur l'ensemble des propositions, sous le vocable général « Pour un urbanisme de projet ». Sans contester les objectifs généraux de ces réformes, la réunion des huit associations nationales de sauvegarde du patrimoine bâti et paysager dont Maisons paysannes de France font état de leurs profondes inquiétudes. La première concerne la modification des règles relatives aux autorisations d'urbanisme (relever de 20 à 40 m2 le seuil en dessous duquel un projet ne sera pas soumis à permis de construire mais à simple déclaration préalable). Cette disposition provoquerait un développement non maîtrisé de l'agrandissement de nombreuses constructions existantes avec ses conséquences quant aux relations de voisinage, à la maîtrise des risques naturels et technologiques et à l'esthétique des bâtiments, à la fragilité juridique de l'autorisation de tels projets. L'impact de cette mesure sera d'autant plus grand que, par ailleurs, le calcul des surfaces de référence des constructions est lui aussi modifié. La surface « hors oeuvre nette » actuelle doit en effet être remplacée par la surface des planchers, ce qui va relever de fait de 15 à 25 % les seuils fixés en application de la loi sur l'architecture de 1977 ; relèvement qui va à l'encontre de ce qui était attendu et n'encouragera pas le recours à l'architecte dont l'expérience montre pourtant l'intérêt pour la qualité tant des bâtiments que du cadre de vie de leurs habitants. L'association s'inquiète aussi de l'adaptation des servitudes publiques, notamment les règles applicables à toutes les zones de protection du patrimoine et des paysages. Cette adaptation réduirait à néant le principe même de ces protections et leur régime juridique patiemment construit au bénéfice de l'intérêt général depuis plus d'un siècle. Cette modification est d'autant plus grave qu'il est aussi prévu de réduire les effets de l'intervention de l'architecte des bâtiments de France, voire de la supprimer dans certains cas. L'association souligne que les différentes propositions limitent les possibilités de recours. Enfin, elle regrette la régularisation ipso facto au bout de dix années des constructions réalisées sans autorisation. Selon elle, les conséquences d'une telle prescription dans les zones protégées comme dans les zones à risques n'ont manifestement pas été mesurées. Il lui demande sa position sur le sujet et les mesures envisagées pour préserver la sauvegarde du patrimoine rural bâti et paysager.
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Texte de la REPONSE :
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Le 27 mai 2011, la concertation « pour un urbanisme de projet », engagée depuis un an pour passer d'un urbanisme de normes à une véritable culture de projet, s'est conclue sur la présentation d'un ensemble de mesures, dont celle de l'élargissement de la procédure de déclaration préalable à certains petits projets actuellement soumis à permis de construire. La France connaît en effet une situation de tension en matière de logement, qui nous contraint à répondre à deux enjeux. Il s'agit ainsi de faciliter l'adaptation des logements existants aux besoins de la population et ensuite de favoriser la densification dans les zones urbaines, afin de ralentir la consommation de nouveaux espaces. La simplification de l'acte de construire pour les petits projets d'extension de construction existante en zone urbaine est apparue comme un des éléments de réponse à ces enjeux, en facilitant les travaux de mise en adéquation des logements existants aux besoins évolutifs des familles et en favorisant l'utilisation des possibilités de densification offertes par les documents d'urbanisme locaux ou le règlement national d'urbanisme. C'est pourquoi un projet de décret prévoit, sous certaines conditions, d'étendre le seuil maximal des projets d'extension sur construction existante exonérés de permis de construire de 20 m² à 40 m² de surface de plancher hors oeuvre brute. Les projets concernés sont donc facilités en termes de procédure, sans pour autant être soustraits au respect des dispositions d'urbanisme et réglementations applicables en matière de construction qui continueront à s'appliquer lors de l'instruction et à pouvoir être contrôlés ensuite. Le Gouvernement, soucieux des enjeux liés à la qualité urbaine et architecturale, a également prévu des garanties pour que cette mesure de simplification administrative n'induise pas d'effets pervers en la matière. En premier lieu, cette mesure concernera uniquement les zones urbaines des communes couvertes par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. Ce choix se limite donc aux secteurs déjà urbanisés des communes accueillant l'essentiel de la construction, concourant à la densification et à la limitation de la consommation d'espaces naturels. Dans ces secteurs, les documents d'urbanisme locaux permettent d'encadrer ces travaux et rendent plus simples leur instruction. Ainsi, la diminution des délais d'instruction corrélative à cette mesure ne devrait pas avoir d'impact sur la qualité de l'instruction des projets par les services qui en ont la charge. Ensuite, ce relèvement du seuil des projets soumis à déclaration préalable ne sera pas applicable aux projets d'extension conduisant la construction à dépasser après travaux l'un des seuils actuels rendant obligatoire le recours à l'architecte. Ainsi, cette mesure n'aura pas d'impact sur les obligations en matière de qualité architecturale posées par la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture. Par exemple, un particulier construisant pour lui-même devra toujours faire établir le projet architectural par un architecte, dans le cadre d'un permis de construire, si son projet d'extension de plus de 20 m² de surface hors oeuvre brute conduit sa maison à dépasser, après travaux, 170 m² de surface hors oeuvre nette. La réforme de la surface de plancher de référence en urbanisme n'a pas, quant à elle, pour but ni pour effet de bouleverser le principe du recours à l'architecte pour un projet soumis à permis de construire. En effet, seules les personnes physiques et les exploitations agricoles déclarant vouloir construire pour elles-mêmes peuvent être exemptées de recours à l'architecte, en deçà d'un certain seuil. Toutefois, il est vrai que la nouvelle surface de plancher, principalement parce qu'est déduite de son calcul l'épaisseur des murs extérieurs, est le plus souvent inférieure, dans une proportion de 5 % à 15 %, à la surface hors oeuvre nette (SHON), qui sert jusqu'à présent de référence. Des mesures ont de ce fait été prises pour réduire l'impact de la réforme sur le seuil de recours obligatoire à l'architecte. Ainsi, l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme est complété de manière à ce que les bâtiments agricoles et serres non constitutifs de surface de plancher soient soumis à architecte selon le critère de leur emprise au sol. Pour toutes les autres constructions, c'est à la fois la surface de plancher et l'emprise au sol qui servent de référence en lieu et place de la SHON. Ainsi, même si la nouvelle définition a un impact sur la valeur moyenne de la surface de référence pour ce seuil, pour les particuliers construisant leur maison individuelle celui-ci reste limité par la référence à la surface de plancher et à l'emprise au sol. Celle-ci a un impact pour les habitations de plain-pied et permet de prendre davantage en compte les garages. Par ailleurs, d'après le recensement général de la population de 2007, 88 % des résidences principales ont une surface habitable inférieure à 150 m². Dans la construction neuve, les maisons sont certes un peu plus grandes, en moyenne, mais la part des constructions de moins de 150 m² représente encore les trois quarts du marché. Pour ces raisons, la réforme de la surface de plancher n'aura qu'un impact marginal sur le nombre de projets non soumis au recours obligatoire à l'architecte, sachant de plus que ces projets peuvent, quoi qu'il en soit, être réalisés par des architectes, même hors du cadre de l'obligation légale. Concernant l'article 28 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « loi Grenelle 2 », il a modifié le dispositif relatif aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), pour les remplacer par des aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP). Ainsi, le régime des AVAP prend en considération non seulement les objectifs fondamentaux de préservation du patrimoine mais également ceux attachés au développement durable, comme l'exprime l'article L. 642-1 du code du patrimoine. Les AVAP conservent le caractère de servitude d'utilité publique. Les prescriptions patrimoniales qui en sont issues s'appliquent donc aux demandes d'autorisation d'urbanisme. De plus, le régime d'application des ZPPAUP n'est pas modifié, dans la mesure où tant l'architecte des Bâtiments de France (ABF), pour la motivation de ses avis, que l'autorité compétente, pour la délivrance des autorisations de travaux, sont tenus d'appliquer les dispositions réglementaires de la zone. Il faut noter que, pour rendre son avis, l'ABF s'appuiera désormais sur un règlement renforcé, ce qui représente une évolution importante par rapport aux ZPPAUP. En effet, cela se traduit par une procédure d'élaboration des AVAP plus ouverte et la mise en place d'une instance pérenne de dialogue et de suivi. Tout d'abord, il existe désormais une obligation d'organiser une concertation préalable dans les formes prévues par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme. Ensuite, une commission consultative est créée. Celle-ci sera maintenue à l'issue de la procédure d'élaboration, afin notamment de suivre l'aménagement de la zone. De plus, la loi portant engagement national pour l'environnement renforce le rôle de l'avis de l'ABF par rapport à la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite « loi Grenelle 1 ». En effet, celle-ci avait supprimé l'avis conforme de l'ABF. Ainsi, la loi Grenelle 2 n'a pas modifié le champ d'application de l'avis de l'ABF, qui reste particulièrement étendu. Chaque demande d'autorisation doit être soumise au préalable à l'appréciation de l'ABF. Comme avant la loi Grenelle 1, le rejet du projet par l'ABF s'impose à l'autorité compétente pour se prononcer sur la déclaration préalable ou délivrer le permis de construire. Seuls les délais sont modifiés. L'ABF dispose donc désormais de pouvoirs renforcés par rapport à la loi Grenelle 1, et un nouvel équilibre entre les pouvoirs de l'élu et ceux de l'ABF est instauré au sein des zones protégées. D'autres réflexions sont encore en cours. S'agissant de l'exercice du droit de recours, les réflexions menées dans le cadre de la démarche « urbanisme de projet » ne conduisent pas à envisager de restreindre l'accès au juge mais plutôt de subordonner la recevabilité du recours à l'énoncé par le requérant, qu'il soit une personne physique ou une personne morale, de l'intérêt dont il estime qu'il lui donne qualité pour agir. Ces exigences pourront facilement être satisfaites par les requérants de bonne foi et permettrait sans doute de rendre plus difficile la tâche de la petite minorité de requérants professionnels pratiquant le chantage au recours. Concernant la régularisation des constructions sans permis de construire, il convient tout d'abord de rappeler la situation. Aujourd'hui, une construction dont il n'est pas possible de produire l'autorisation d'urbanisme ayant permis sa réalisation n'est pas considérée comme régulière, et ce alors même qu'elle n'a jamais été contestée et qu'elle ne présente pas un caractère illégal au regard de sa localisation. Elle ne bénéficie donc pas du régime de prescription prévu à l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme. Cette situation est préjudiciable alors même qu'aucune action en justice n'est plus possible pour contester la construction, qu'elle n'est pas illégale au regard de la constructibilité de la zone et qu'il peut s'agir tout simplement d'une perte matérielle de l'autorisation. Elle rend complexe tout projet, y compris de rénovation, sur ces constructions existantes. La réflexion menée vise donc à assurer davantage de sécurité juridique et de simplicité pour les usagers, sans ouvrir naturellement de mesure d'amnistie qui permettrait de rendre légales des constructions illégales au regard des possibilités de construire sur la zone.
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