FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 121944  de  M.   Terrasse Pascal ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Ardèche ) QE
Ministère interrogé :  Fonction publique
Ministère attributaire :  Fonction publique
Question publiée au JO le :  15/11/2011  page :  11922
Réponse publiée au JO le :  27/03/2012  page :  2591
Rubrique :  fonctionnaires et agents publics
Tête d'analyse :  traitement
Analyse :  service non fait. retenues. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Pascal Terrasse attire l'attention de M. le ministre de la fonction publique sur la pratique de l'État en matière de retenue sur salaire consécutive à une cessation d'activité professionnelle pour fait de grève, qui aboutit à une inégalité de traitement entre les fonctionnaires d'État et les fonctionnaires territoriaux. La loi du 13 août 2004, dans son article 104, dispose du transfert de compétences de l'État vers les départements. Cette loi a été suivie du décret du 6 novembre 2006 (article 1er) qui a procédé au transfert effectif de certains services des DDE dans des conseils généraux et notamment des services de la DDE de l'Ardèche vers le conseil général. Les agents des ex-DDE qui n'auraient pas opté pour le statut d'agent territorial restent soumis au statut général de la fonction publique (État). Ces agents sont mis à disposition par l'État, sont payés par l'État, mais sont placés sous l'autorité de l'exécutif de la collectivité départementale ; autrement dit ces agents travaillent pour le compte du département et non pas pour le compte de l'État. En matière de droit de grève, ces agents disposent des mêmes droits que les agents territoriaux, et ce pour autant que les conditions légales de mise en oeuvre de la grève aient été respectées. Néanmoins, il en va différemment en matière de retenue sur salaire à la suite du fait de grève. Historiquement, l'arrêt Boucher (CE 22 avril 1960, ministère des PTT c. Boucher) déclarait illégale une circulaire de 1954 qui précisait que toute cessation du travail pendant une fraction quelconque d'une journée donnerait lieu à la retenue de traitement pour la journée entière (application de la règle du trentième indivisible) et rétablissait le droit pour un fonctionnaire à interrompre son travail pour des durées inférieures à la journée et à ne subir qu'une retenue proportionnelle à la durée de la grève. Après diverses péripéties jurisprudentielles et quelques revirements compréhensibles eu égard à l'absence de disposition législative, la règle applicable aux fonctionnaires territoriaux (et hospitaliers) a été fixée par un jugement du tribunal administratif de Nancy (22 février 2001, Freddy Vaxelaire c. SDIS de Meurthe-et-Moselle). Ainsi, pour ce qui concerne les agents territoriaux et les agents hospitaliers, la retenue sur salaire doit être strictement proportionnelle à la durée de la grève, et ce même si la durée de la cessation du travail devait être inférieure à une heure ou à une tranche d'heure pleine. Or il est à noter que certaines collectivités opèrent des retenues sur salaire correspondant uniquement à des tranches d'heures pleines : il a en effet été considéré que des agents ayant cessé le travail 1 heure 30 pour aller manifester, se sont vu retenir l'équivalent d'une durée de cessation de travail de 2 heures. Il convient de rappeler que c'est l'article 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui garantit le droit de grève. Concernant la fonction publique d'État, hormis l'application à un moment donné de la conclusion de l'arrêt Boucher précité, le droit de grève est maintenant réglementé par la loi du 13 juillet 1983, dite loi Le Pors, portant droits et obligations des fonctionnaires, précisée notamment par la circulaire du ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire en date du 30 juillet 2003. Il convient d'observer que la règle du trentième indivisible date du XIXe siècle, qu'elle a été instaurée pour les besoins de la comptabilité publique et que la seule argumentation reposait sur une question pratique de liquidation de salaire quelle que soit la durée du mois (28, 30 ou 31 jours), mais qu'à aucun moment, elle n'a été instituée en fonction du droit de grève. Cette disposition apparaît illégitime pour trois raisons : elle est contraire à la notion de service fait, elle est contraire à la notion même de droit individuel à la grève car elle est dissuasive (les agents dont les salaires sont les plus bas ne peuvent se permettre financièrement d'être privés d'une journée entière de salaire, alors même qu'ils sont directement concernés par la grève). Enfin, même si c'est l'État qui liquide les salaires des agents transférés, c'est bien le président du conseil général qui en est l'employeur. Entériner ce dispositif de gestion des journées de grève revient en quelque sorte à entériner la cohabitation de deux régimes différents dans l'application d'un droit constitutionnel au bénéfice d'une partie de ses employés et aux dépens des autres. Aussi il souhaiterait qu'il lui indique la position du Gouvernement sur ce sujet.
Texte de la REPONSE :

 

En l’absence de service fait, les fonctionnaires se voient appliquer une retenue sur leur traitement. Le montant de cette dernière est, en ce qui concerne la fonction publique de l’Etat et en application de l’article 4 de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 de finances rectificatives pour 1961, soumis à la règle du trentième indivisible.

 

Le Conseil constitutionnel (CC, décision n° 87-230 DC du 28 juillet 1987) comme le Conseil d’Etat ont confirmé qu’à «défaut de dispositions législatives applicables aux fonctionnaires territoriaux précisant le régime de [la retenue pour participation à une grève], le montant de celle-ci doit être proportionné à la durée de la grève, en comparant cette durée aux obligations de service auxquelles les intéressés étaient soumis pendant la période au cours de laquelle l’absence de service fait a été constatée» (CE, 9 octobre 2009, n° 284278). Il y a donc bien coexistence de deux situations juridiques distinctes.

 

Par ailleurs, dans le cadre des transferts de compétences prévu par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les fonctionnaires et les agents non titulaires de l'Etat et de ses établissements publics, affectés à des services ou parties de services mis à la disposition d'une collectivité ou d'un groupement de collectivités, ont été mis à disposition des représentants des collectivités territoriales.

 

L’article 109 de cette même loi dispose que «dans le délai de deux ans à compter de la date de publication des décrets en Conseil d'Etat fixant les transferts définitifs des services, les fonctionnaires de l'Etat exerçant leurs fonctions dans un service ou une partie de service transféré à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales peuvent opter soit pour le statut de fonctionnaire territorial, soit pour le maintien du statut de fonctionnaire de l'Etat». Aussi, les personnels concernés par les transferts de compétence organisés par la loi du 13 août 2004 ont-ils été soit directement intégrés, soit détachés sans limitation de durée dans un cadre d’emplois de la fonction publique territoriale. Ils sont donc désormais soumis à l’ensemble des règles régissant les emplois de la fonction publique territoriale, y compris celle relative à la retenue sur traitement pour service non fait.

 

Néanmoins, des fonctionnaires de l’Etat peuvent encore être mis à disposition d’une collectivité. Dans ce cas, ils demeurent dans leur corps d'origine, sont réputés occuper leur emploi, continuent à percevoir la rémunération correspondante, mais exercent des fonctions hors du service où ils ont vocation à servir. Ils restent donc soumis, comme tous les autres membres de leur corps d’appartenance, aux dispositions de l’article 4 de la loi du 29 juillet 1961 précitée aux termes duquel «l’absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d’indivisibilité».

 

La spécificité de cette situation juridique et administrative justifie la différence de traitement entre agents de la fonction publique de l’Etat et agents de la fonction publique territoriale qui exercent leurs fonctions au sein d’un même service.

 

S.R.C. 13 REP_PUB Rhône-Alpes O