FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 123266  de  Mme   Bourragué Chantal ( Union pour un Mouvement Populaire - Gironde ) QE
Ministère interrogé :  Justice et libertés
Ministère attributaire :  Justice et libertés
Question publiée au JO le :  29/11/2011  page :  12453
Réponse publiée au JO le :  20/03/2012  page :  2474
Rubrique :  professions judiciaires et juridiques
Tête d'analyse :  experts
Analyse :  exercice de la profession. politiques communautaires
Texte de la QUESTION : Mme Chantal Bourragué attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation des experts de justice en France au sujet desquels la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) s'est prononcée à l'occasion d'un renvoi préjudiciel exercé sur le fondement de l'article 267 du TFUE par la Cour de cassation. Suite à ce récent arrêt rendu le 17 mars 2011, la réglementation française est appelée à évoluer afin de se conformer à ce que les juges de Luxembourg ont dit pour droit, à savoir : les missions accomplies par les experts de justice sont des prestations de services au sens de l'article 50 TCE (article 57 TFUE) ; un expert de justice est un professionnel justifiant de la ou des qualifications requises pour réaliser la mission définie par le juge ; un expert de justice est un professionnel capable de démontrer ses compétences et expériences acquises auprès de cours suprêmes en France ou dans tout autre État membre de l'Union européenne ; les décisions de refus d'inscription initiale doivent être motivées et être susceptibles d'être contestées utilement par la voie d'un recours juridictionnel. Aussi, d'une part, le principe même des listes établies par des cours d'appel est remis en cause dans la mesure où le lieu de résidence ou d'exercice professionnel du demandeur à l'inscription peut aboutir à créer une discrimination à l'égard des professionnels des autres États membres de l'Union ; d'autre part, on peut s'interroger sur les conséquences de la qualification de « prestations de services » au sens de l'article 50 TCE (article 57 TFUE) quant au statut de collaborateur occasionnel du service public de la justice reconnu aux experts de justice, notamment par le Conseil d'État dans sa décision de section du 26 février 1971 Aragon, au R. 172. Dans ses conditions, et au vu de ce qui précède, il lui est demandé de préciser quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour mettre en conformité la législation et la réglementation nationales relatives aux experts de justice (loi n° 71-498 du 29 juin 1971 modifiée et le décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires) avec le droit de l'Union européenne tel qu'il ressort de l'arrêt précité de la CJUE ; s'il considère que la qualité de collaborateur occasionnel du service public est remise en cause par l'arrêt Penarroja ; si le Gouvernement entend soutenir la proposition de loi n° 3740 modifiant la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires qui vise justement à réformer l'expertise devant les juges en adaptant le système d'inscription sur une liste et en dotant l'expert de justice d'un véritable statut respectueux des intérêts des justiciables et des experts eux-mêmes. Plus particulièrement, il souhaiterait savoir si le Gouvernement est favorable à ce que le point de départ de l'action en responsabilité dirigée contre un expert se prescrive à compter de la fin de la mission, comme c'est le cas pour les avocats.
Texte de la REPONSE :

Dans son arrêt rendu le 17 mars 2011, dans l’affaire dite « Penarroja », la Cour de justice de l’Union européenne, n'a pas remis en cause le statut des experts judiciaires tel qu'il résulte de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires et du décret du 23 décembre 2004 qui  font de l'expert judiciaire, lequel exerce par ailleurs sa profession (médecin, architecte…), un collaborateur occasionnel de la justice qui doit être inscrit sur l'une des listes dressées par les cours d'appel ou par le bureau de la Cour de cassation. Les exigences posées par la Cour de justice de l’Union européenne, dans l'arrêt susmentionné relatif aux experts traducteurs, ne portent que sur l'obligation de motivation des décisions de refus d’inscription initiale tant sur une liste de cour d’appel que sur la liste nationale et sur la nécessité de prendre en compte, lors de l'instruction d'une demande d'inscription, l'expérience acquise dans un autre Etat membre de l'Union européenne. L'exigence de motivation des décisions de refus d'inscription est également une préconisation du rapport de la commission de réflexion sur l’expertise, co-présidée par Madame Bussière, Première Présidente de la Cour d’appel de Bordeaux et Monsieur Autin, Procureur Général près la Cour d’appel de Pau. Un amendement d'origine parlementaire prévoyant que les refus d’inscription initiale sur les listes devront être motivés et que, lors de l'examen des demandes d'inscription, l'expérience acquise dans un autre Etat membre de l'Union européenne devra être prise en compte, a été adopté par l'Assemblée nationale, le 12 janvier dernier, à l’occasion du vote en première lecture du projet de loi de programmation relative à l'exécution des peines, qui a depuis lors été définitivement adopté par le Parlement le 29 février 2012.  Ces dispositions vont dans le sens d'une amélioration de la procédure d'inscription des experts sur les listes dressées pour l'information des juges. Les décisions de refus d'inscription seront désormais plus transparentes et donc mieux comprises. En outre, cette mesure privilégie la diversité des profils des experts et permettra ainsi de mieux répondre aux besoins des juridictions. L'objet de la proposition de loi n° 3740 modifiant la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires n'est pas de tirer les conséquences de l'arrêt susmentionné mais de réécrire entièrement le statut des experts. Cette proposition de loi bouleverserait inopportunément la conception française de l'expert judiciaire qui est un collaborateur occasionnel de la justice. En posant des critères de qualification, de spécialisation et de connaissance des procédures qui rigidifient les conditions d’inscription sur les listes, ce texte aurait pour effet de créer des professionnels de l'expertise judiciaire, alors que la Cour de justice de l'Union européenne a justement estimé que les dispositions de loi de 1971 n’instituaient pas une profession réglementée. Par ailleurs, ce texte revient sur des améliorations du statut de l'expert judiciaire introduites à juste titre par la loi du 11 février 2004 en supprimant la condition d’inscription initiale à titre probatoire des experts et leur réinscription sur avis d’une commission au vu de l’expérience et des connaissances acquises. S'agissant du régime de la prescription, celui-ci a été réformé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile qui intègre les experts judiciaires dans le régime de droit commun comportant un délai raccourci à cinq ans ayant pour corolaire un point de départ glissant. Un retour vers un régime dérogatoire au profit des experts judiciaires après l'adoption de cette loi récente dont l’objectif était d’harmoniser les régimes de prescription n'est pas envisagé.

UMP 13 REP_PUB Aquitaine O