Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Louis Gagnaire attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur la récente campagne de publicité du Gouvernement relative au dépistage de la dépression. Cette campagne publicitaire renvoyait à un site Internet encourageant la prise d'antidépresseurs sans développer sérieusement les effets secondaires de ces médicaments. Il s'étonne qu'une telle campagne soit financée avec des fonds publics. La dépression est un problème très délicat qui nécessiterait un traitement beaucoup plus ambitieux qu'une campagne d'information des citoyens ou de publicité auprès des consommateurs. Dans le cas de cette dernière campagne, la limite entre ces deux perceptions apparaît comme très ténue. Pourquoi s'adresser aux consommateurs alors même que l'on prévoit une baisse de 36 % du nombre de psychiatres d'ici à 2025. Le Gouvernement souhaite-t-il plus de psychotropes et moins de psychiatres. Selon les chiffres de l'assurance maladie, 10 % de la population prend des antidépresseurs et 4 à 5 % de la population est dépressive. Les antidépresseurs sont largement surprescrits ! En trente ans, le nombre de dépressions déclarées a été multiplié par six ! La France est le plus grand consommateur de psychotropes d'Europe, parfois très loin devant des pays présentant la même proportion de personnes souffrant réellement de dépression. En parallèle, beaucoup de cas réels de dépression ne sont pas diagnostiqués, et les personnes en souffrance ne peuvent ainsi pas bénéficier des traitements adéquats. Face à une situation de surprescription massive et de cas non diagnostiqués, une politique publique responsable consisterait à se pencher sur les prescriptions et non à encourager la consommation d'antidépresseurs. Les pouvoirs publics ne peuvent pas prendre le risque d'augmenter encore le phénomène de surprescription de médicaments qui peut conduire jusqu'au suicide. Il y aurait pourtant beaucoup à faire sous l'angle des prescriptions. Environ 80 % des prescriptions sont formulées par des généralistes et non par des psychiatres spécialistes, dont les effectifs sont par ailleurs orientés à la baisse. En outre, la formation et l'information des généralistes seraient probablement beaucoup plus pertinentes que l'encouragement du public à la prise de médicaments. Dans le contexte de surmédicalisation systématique des moindres difficultés de l'existence qui caractérise malheureusement la France, il apparaît comme très risqué de mener ce type de campagnes publicitaires. La confusion entre la pathologie et le léger trouble passager est ainsi très inopportunément renforcée. La banalisation de médicaments potentiellement dangereux n'est bien évidement pas souhaitable. Ne doutant pas que ce regrettable épisode ne constitue pas pour le Gouvernement le début d'une politique fondée sur l'encouragement à la consommation, il lui demande si le Gouvernement envisage des mesures pour améliorer la qualité de la prescription qui permettrait à la fois de favoriser la prise d'antidépresseurs par les malades non diagnostiqués et de limiter la surconsommation.
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Texte de la REPONSE :
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La consommation d'antidépresseurs et de psychotropes en France est paradoxale : elle est importante mais souvent inappropriée. C'est la raison pour laquelle la haute autorité de santé (HAS) et l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), régulièrement sollicitées par la direction générale de la santé, ont mis en ligne et diffusé à l'attention des professionnels de santé des recommandations de bonnes pratiques cliniques ou de bon usage des antidépresseurs. Dans le cadre des affections de longue durée (ALD), des guides médecins (et patients) sur les troubles anxieux graves ont été mis en ligne sur le site internet de la HAS et diffusés notamment par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Des guides sur l'ALD relative à la dépression chronique et aux troubles bipolaires sont actuellement en cours d'élaboration. Des référentiels d'auto-évaluation sur les pratiques de prise en charge d'un épisode dépressif isolé chez l'adulte ont été édités à l'attention du médecin généraliste et du psychiatre. Dans le cadre du plan « psychiatrie et santé mentale 2005-2008 », dont un des objectifs vise à décloisonner la prise en charge des troubles mentaux et à rompre l'isolement du médecin généraliste, souvent en première ligne dans leurs repérages et leurs prises en charge, la direction générale de la santé a sollicité, en 2007, la HAS afin qu'elle travaille sur des recommandations visant à préciser les modalités de coordination des médecins généralistes avec les médecins psychiatres. La campagne nationale de l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) contre la dépression rappelle au plus grand nombre que la dépression passagère (les moments de cafards, le « coup de blues ») n'est pas une dépression et ne relève pas d'un traitement par antidépresseurs et que le traitement de première intention d'une dépression d'intensité légère ou moyenne n'est pas le traitement médicamenteux. Elle ne vise pas à augmenter la prescription et la consommation d'antidépresseurs mais à limiter leur usage aux seules personnes pour lesquelles ils peuvent être utiles après une analyse bénéfices/risques dont les éléments de discussion ont fait l'objet de recommandations éditées par la HAS ou l'AFSSAPS.
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