FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 1320  de  M.   Cohen Pierre ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Haute-Garonne ) QOSD
Ministère interrogé :  Justice et libertés
Ministère attributaire :  Justice et libertés
Question publiée au JO le :  22/02/2011  page :  1588
Réponse publiée au JO le :  02/03/2011  page :  1311
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  carte judiciaire. réformes. conséquences. Toulouse
Texte de la QUESTION : M. Pierre Cohen attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la menace pour la filière des métiers juridiques à Toulouse que fait peser un certain nombre de délocalisations. En novembre et décembre 2009, les chambres spécialisées d'appel traitant les litiges relatifs à la propriété intellectuelle, aux contentieux des pratiques concurrentielles ou commerciales ainsi que ceux liés à la commande publique ont été délocalisées à Bordeaux. Toulouse a ainsi largement participé, sans contrepartie, à la réforme de la carte judiciaire initiée en 2008. Début 2010, une nouvelle menace s'est portée sur la chambre régionale des comptes, fort heureusement interrompue à l'automne. Plusieurs propos ministériels au cours des deux dernières années, contradictoires entre eux, laissent entendre la possibilité de prolonger ce mouvement de délocalisation à d'autres chambres spécialisées d'appel et, en particulier, les chambres traitant des catastrophes aériennes et des transports aériens. L'importance de l'activité économique toulousaine dans ce domaine n'étant plus à démontrer, il lui demande de préciser sa position quant à l'avenir de la filière juridique à Toulouse.
Texte de la REPONSE :

AVENIR DE LA FILIÈRE DES MÉTIERS JURIDIQUES
À TOULOUSE

M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour exposer sa question, n° 1320.
M. Pierre Cohen. Monsieur le garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences du retrait de la pleine compétence du tribunal de grande instance de Toulouse en matière de propriété intellectuelle et des menaces qui pèsent, dans notre juridiction, sur d'autres compétences ou institutions judiciaires.
Alors que Toulouse dispose d'une direction régionale de l'Institut national de la propriété intellectuelle, que 59 % des avocats du Sud-Ouest spécialisés dans ce domaine sont inscrits au barreau de Toulouse, que 65 % des professionnels du conseil en propriété intellectuelle sont installés dans la même ville, où sont également enregistrés 69 % des brevets déposés par les entreprises du Sud-Ouest, comment expliquer que le tribunal de Toulouse ne dispose toujours pas de la pleine compétence pour cet ensemble de régions ?
Au-delà, les menaces de transferts vers d'autres villes - qu'elles concernent la spécialité transports aériens, ce qui était vraiment très surprenant, ou l'implantation de la chambre régionale des comptes, projets qui, depuis deux ans, ont été tour à tour annoncés puis abandonnés - ont fait connaître une insécurité économique bien inutile à tous les acteurs de la filière juridique de la métropole toulousaine.
Avec trois spécialités qui lui ont été enlevées - les commandes publiques, les pratiques concurrentielles et la propriété intellectuelle -, Toulouse a déjà largement participé à la réforme de la carte judiciaire entreprise en 2008. Aussi, monsieur le ministre de la justice, pouvez-vous préciser à quelle échéance les acteurs toulousains peuvent espérer voir revenir la pleine compétence de leurs tribunaux en matière de propriété intellectuelle ? Pouvez-vous nous rassurer et rassurer les acteurs de la justice en Haute-Garonne et Midi-Pyrénées sur l'avenir des spécialisations et des institutions judiciaires au sens large dont Toulouse continue de bénéficier ?
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député, je vous remercie du soin que vous prenez de l'institution judiciaire dans votre ville. Toulouse revêt en effet à nos yeux une grande importance, tant pour son tribunal de grande instance que pour son système pénitentiaire, dont nous serons probablement amenés à reparler bientôt.
Dès 2002, le rapport de la commission des lois du Sénat sur l'évolution des métiers de la justice préconisait, " afin de renforcer l'efficacité et la crédibilité du service public de la justice et de permettre aux magistrats de rendre une justice de qualité, [...] la création de nouveaux pôles et la poursuite du mouvement actuel de spécialisation dans des matières complexes ".
Vous avez évoqué les récents mouvements de spécialisations dans trois types de contentieux : litiges relatifs à la propriété intellectuelle, contentieux des pratiques anticoncurrentielles, contentieux liés à la commande publique. Ces regroupements correspondent à la volonté du législateur d'accroître la qualité de la réponse judiciaire et de garantir une meilleure sécurité juridique.
L'organisation judiciaire retenue pour le contentieux de la propriété intellectuelle, hors le cas des brevets réservé au tribunal de grande instance de Paris qui connaissait déjà plus de 80 % de ce contentieux, correspond au schéma retenu pour les juridictions interrégionales spécialisées - les JIRS.
En ce qui concerne la spécialisation des juridictions en matière de pratiques restrictives de concurrence, le dispositif reprend, dans un souci de lisibilité et de cohérence de l'organisation judiciaire, celui qui existe en matière de pratiques anticoncurrentielles, lui-même calqué sur celui des JIRS.
S'agissant des contestations concernant les obligations de publicité et de mise en concurrence des contrats de droit privé relevant de la commande publique, le même souci de cohérence de l'organisation judiciaire a conduit à retenir le schéma des JIRS.
Par ailleurs, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles, déposé au Sénat le 3 mars 2010, prévoit, comme vous l'avez craint, de spécialiser en matière pénale un tribunal de grande instance pour le ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour les grandes catastrophes en matière de transport ou liées à un risque technologique. La loi devrait être soumise assez vite à la discussion parlementaire et la liste des tribunaux, qui n'est pas arrêtée, sera fixée par décret. L'idée est que, comme pour les JIRS, ces juridictions puissent être saisies sur décision du procureur général près la cour d'appel en cas d'homicide ou de blessures involontaires, lorsque l'affaire comportera une pluralité de victimes et apparaîtra d'une grande complexité.
Je voudrais insister sur le fait que les transferts de contentieux ainsi opérés ne portent toutefois que sur un nombre d'affaires extrêmement limité et qu'ils ne sont donc pas susceptibles de mettre en péril la filière des métiers juridiques à Toulouse, qui, comme vous l'avez dit, prospère d'excellente façon. Mais, au moment où ce décret devra être pris, j'aurai présent à l'esprit ce que vous m'avez dit ce matin.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
M. Pierre Cohen. J'aurais aimé une réponse plus claire, monsieur le garde des sceaux, en ce qui concerne la juridiction de la propriété intellectuelle.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. C'était déjà pas mal !
M. Pierre Cohen. Vous avez mentionné le décret qui doit définir la liste des tribunaux compétents, notamment, pour les risques industriels. En l'espèce, il me semble que vous ne pouvez trancher qu'en faveur de Toulouse. Faut-il vous rappeler le très grand procès que nous avons eu autour d'AZF ? La compétence qu'a démontrée en cette occasion l'ensemble de la juridiction toulousaine prouve qu'il n'y a pas d'autre choix. Nous espérons donc que votre décision sera favorable à Toulouse.
S.R.C. 13 REP_PUB Midi-Pyrénées O