Texte de la REPONSE :
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La notion de « dette odieuse » est régulièrement mise en avant par la société civile, dans le but d'éviter que le poids du remboursement de prêts ayant donné lieu à des détournements de fonds publics ou des violations massives des droits de l'homme ne repose sur les populations des pays en développement. Elle se fonde sur une doctrine juridique, élaborée en 1927, qui considère nuls et non avenus les prêts accordés délibérément à des régimes dictatoriaux contre l'intérêt de leur population. La notion, plus large, de « dette illégitime » correspond pour sa part à des situations plus diversifiées : projets mal conçus ou obéissant à d'autres objectifs que le développement. C'est, par exemple, sur ce fondement que la Norvège a procédé à l'annulation de créances reconnues par elle-même comme des erreurs. Ces concepts souffrent, en dépit de leur cohérence intellectuelle, du caractère encore limité de leur fondement juridique. Cette fragilité conduit à douter de leur applicabilité, à l'heure actuelle, sur des bases objectives. Or, en l'absence de définition juridique internationalement reconnue de la notion d'« autorité légitime », la remise en cause de dettes souveraines sur la base du caractère illégitime des autorités auxquelles sont accordés les prêts seraient susceptibles d'entraîner une réduction importante des flux de financement en direction des pays en développement. Compte tenu de cette applicabilité très limitée, le concept de dette odieuse ou illégitime n'est, à l'heure actuelle, pas reconnu par la France. Il apparaît, compte tenu de l'état actuel du débat international sur le sujet, plus efficace pour les populations concernées de fonder les décisions d'annulations de dette sur l'analyse de la situation objective des pays connaissant un problème de soutenabilité de leur dette, en particulier dans le cadre de l'« initiative pays pauvres très endettés » (PPTE) et de l'« initiative d'annulation de la dette multilatérale » (IADM). C'est cette approche que la France promeut dans les enceintes multilatérales, et en premier lieu dans le cadre du Club de Paris. Cette méthode objective, adaptant les efforts d'annulation aux besoins réels, est actuellement nécessaire pour obtenir des autres créanciers de ces pays, et notamment des créanciers privés, une participation à l'effort d'annulation de dettes qui soit d'une ampleur comparable à celle opérée par la France. Le principe de « comparabilité » de traitement est ainsi de la plus haute importance, en ce qu'il garantit aux pays débiteurs l'obtention d'un allégement de sa dette de la part de l'ensemble de ses créanciers, et en ce qu'il protège les contribuables des pays créanciers, dont les efforts d'annulation ne sont ainsi pas détournés pour subventionner d'autres bailleurs. Les concepts juridiques de dette odieuse ou illégitime ne pourront, dans un avenir proche, répondre aux efforts d'annulation de dette nécessaires à la poursuite des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), auxquels vise explicitement l'initiative IADM. La France entend donc privilégier la poursuite d'un travail de conviction et de mobilisation en vue de l'adoption par l'ensemble des bailleurs internationaux de conduites soucieuses de la soutenabilité de l'endettement des pays en voie de développement, qui seules permettront de mieux satisfaire les OMD et d'éviter de nouvelles crises de la dette.
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