Texte de la QUESTION :
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M. Michel Liebgott interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi relatif à la rétention de sureté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Le projet de loi mis en discussion par le Gouvernement en urgence ce 3 janvier 2008, portant disposition sur la rétention de sureté de personnes atteintes de troubles mentaux, pose un grave problème de droits de l'homme face à la réparation de la faute. Tout un chacun ne peut bien entendu qu'être choqué et profondément indigné par des actes commis sur mineurs de moins de quinze ans par des personnes affectées de troubles mentaux, souvent de nature sexuelle et approchant de la barbarie la plus abjecte. Se pose cependant la question de savoir s'il est légitime, voire constitutionnel, de prolonger la peine d'auteurs de tels faits au-delà de leur détention, sur simple avis psychiatrique. La peine étant purgée, tout citoyen, fut-il atteint de troubles mentaux, est considéré comme ayant payé sa dette à la société. Rajouter à cette peine une peine d'emprisonnement supplémentaire au nom du principe de précaution reviendrait à classer définitivement et de façon irréversible ces personnes dans la catégorie « délinquants ». Toute possibilité de repentance ou de guérison serait de façon automatique exclue du champ des possibilités post-détention, laissant place nette à de possibles dérives arbitraires quant à la durée de détention supplémentaire. D'autres mesures seraient plus en phase avec la conception française du respect de la dignité humaine, telles que le bracelet électronique, le suivi psychiatrique drastique des détenus ayant commis des crimes sur mineurs de moins de quinze ans, ou d'autres encore. Mettre ce projet en oeuvre nous ramènerait en plein xixe siècle avec ses asiles d'aliénés dont on ne sortait que par la mort. Il lui demande donc de réfléchir aux conséquences de l'application d'un tel texte et d'envisager des mesures prophylactiques plus en phase avec les droits de l'homme et sans doute plus efficaces d'un point de vue sécuritaire.
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Texte de la REPONSE :
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La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur d'indiquer à
l'honorable parlementaire que la rétention de sûreté, instituée par la loi
n° 2008-174 du 25 février 2008, est totalement conforme aux
principes énoncés par la Constitution et par la Convention européenne des droits
de l'homme. En effet, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision
n° 2008-562 DC du 21 février 2008, cette rétention ne constitue
pas une peine destinée à sanctionner l'auteur d'une infraction, mais une mesure
de sûreté destinée à prévenir la récidive des crimes les plus graves, et
notamment les viols et meurtres commis sur des victimes mineures ou, avec des
circonstances aggravantes, sur des victimes majeures. Elle permet ainsi que les
auteurs de tels crimes condamnés à au moins quinze ans de réclusion et dont il
est établi qu'ils présentent toujours, à la fin de l'exécution de leur peine,
une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de
récidive parce qu'ils souffrent d'un trouble grave de la personnalité, soient
placés dans un centre socio-médico judiciaire de sûreté, relevant du ministère
de la justice et du ministère de la santé, et dans lequel ils feront l'objet de
façon permanente d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique
destinée à diminuer leur dangerosité et à permettre la fin de la mesure. Cette
rétention est valable un an, et ne peut être renouvelée que si la dangerosité de
la personne le justifie. Cette nouvelle mesure est enserrée dans des garanties
procédurales extrêmement strictes, destinées à assurer qu'elle ne sera prononcée
et prolongée que dans les cas où elle est absolument indispensable pour empêcher
la récidive. Elle exige en effet une décision expresse de la cour d'assises
autorisant une éventuelle rétention à l'issue de la peine, une évaluation
pluridisciplinaire de la dangerosité en fin de peine, une proposition motivée de
la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, et enfin une décision
motivée et susceptible de recours prise, après débat contradictoire et en
présence obligatoire d'un avocat, par la juridiction régionale de la rétention
de sûreté composée de magistrats de la cour d'appel. Dans sa décision précitée
du 21 février 2008, le Conseil constitutionnel a ainsi considéré que
la rétention de sûreté était conforme à la Constitution. Il a toutefois estimé
que cette rétention, au regard de sa nature privative de liberté, renouvelable
sans limite, et prononcée après une condamnation par une juridiction, ne saurait
être appliquée à des personnes condamnées pour des fais commis avant la
publication de la loi. En revanche, si ces personnes font l'objet, après leur
libération suite à l'exécution de leur peine de réclusion, d'une surveillance
judiciaire ou d'un suivi socio judiciaire, elles pourront, à l'issue de cette
surveillance ou de ce suivi, être placées sous surveillance de sûreté. Cette
mesure de sûreté, également créée par la loi du 25 février 2008,
permet de maintenir ces personnes, pendant des périodes d'un an renouvelables si
leur dangerosité le justifie, sous le contrôle et la surveillance des autorités
publiques, notamment en faisant l'objet d'une injonction de soins et d'un
placement sous surveillance électronique mobile. Si ces personnes ne respectent
pas leurs obligations, elles pourront alors être placées en rétention de sûreté.
Ces nouvelles dispositions ne tendent donc nullement, comme le soutient
l'honorable parlementaire, à rajouter à la peine de prison subie par ces
personnes une nouvelle peine d'emprisonnement, puisqu'elles ont toutes comme
première finalité un suivi médical, social ou psychologique aussi efficace que
possible, afin de réduire la dangerosité de ces personnes et leur risque de
récidive. Un tel suivi doit d'ailleurs commencer dès le début de l'exécution de
la peine, et plusieurs dispositions de la loi du 25 février 2008,
complétant sur ce point celles issues de la loi du 10 août 2007
renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, vont dans ce
sens. Ainsi, il est prévu que l'année qui suit leur condamnation, ces personnes
doivent faire l'objet pendant six semaines d'un examen pluridisciplinaire dans
un service spécialisé, afin de déterminer les modalités de la prise en charge
sociale et sanitaire au cours de l'exécution de leur peine, cette prise en
charge pouvant le cas échéant justifier une hospitalisation. Les nouvelles
dispositions permettent ainsi, dans le respect des exigences constitutionnelles
et conventionnelles qui garantissent le respect des libertés fondamentales et
des droits de l'homme, de concilier ces exigences avec les nécessités de la
lutte contre la récidive des infractions les plus graves, selon des modalités du
reste très similaires à ce qui existe dans de nombreuses législations
étrangères.
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