FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 1459  de  M.   Voisin Gérard ( Union pour un Mouvement Populaire - Saône-et-Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  Justice et libertés
Ministère attributaire :  Justice et libertés
Question publiée au JO le :  10/05/2011  page :  4630
Réponse publiée au JO le :  18/05/2011  page :  3108
Rubrique :  sécurité routière
Tête d'analyse :  permis de conduire
Analyse :  retrait de points. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Gérard Voisin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, à propos de la démarche de certains officiers du ministère public, par exemple celui de Saint-Germain-en-Laye, qui n'hésitent pas à se pourvoir en cassation contre la décision d'un juge de proximité relaxant un automobiliste ayant commis un excès de vitesse n'excédant pas 1 km/h. La Cour de cassation est ainsi saisie d'affaires dont l'objet apparaît quelque peu dérisoire. Plus généralement, les compteurs de vitesse étant gradués par tranche de 5 km/h, il est difficile, pour de très faibles excès de vitesse, de caractériser l'élément intentionnel de l'infraction. Dès lors, des instructions pourraient être données aux parquets pour que les officiers du ministère public prennent en compte ce fait lors des réclamations formulées par les justiciables. Cela permettrait de régler un problème qui suscite l'incompréhension de nos concitoyens - la sanction d'excès de vitesse de 1 ou 2 km/h - sans remettre en cause la politique de sécurité routière, et éviterait d'encombrer inutilement la justice. Il lui demande de bien vouloir lui faire part de sa position à ce sujet.
Texte de la REPONSE :

SANCTION DES TRÈS FAIBLES EXCÈS DE VITESSE

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Voisin, pour exposer sa question, n° 1459, relative à la sanction des très faibles excès de vitesse.
M. Gérard Voisin. Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, un comité interministériel s'est réuni mercredi 11 mai, à l'initiative du Premier ministre, pour décider des dispositions à prendre afin d'enrayer l'augmentation, ces derniers mois, du nombre de tués sur les routes, après plusieurs années d'amélioration des chiffres. Une série de mesures cohérentes ont été annoncées et accueillies favorablement, sauf en ce qui concerne le retrait des panneaux indicateurs de radar. Elles renforcent les sanctions mais concernent aussi la prévention et s'attaquent au problème essentiel de la forte mortalité chez les conducteurs de deux roues.
Je partage bien évidemment cet objectif d'améliorer le dispositif de répression, notamment en ajustant les sanctions à la gravité des faits, comme le Gouvernement a décidé de le faire pour les excès de vitesse de plus de 50 km/h. Il faut distinguer le comportement délibéré de qui met en danger la vie d'autrui de celui du conducteur qui commet un dépassement de vitesse très faible et non intentionnel, ainsi que nous en avons décidé récemment en offrant la possibilité de récupérer plus vite un point perdu. La grande majorité de nos concitoyens s'attache en effet à respecter les limites des vitesses autorisées. Pourtant, nombre d'entre eux peuvent se retrouver avec un nombre réduit de points à la suite de très petits excès de vitesse.
Je souhaite donc vous interroger aujourd'hui sur la démarche de certains officiers du ministère public - par exemple celui de Saint-Germain-en-Laye -, qui n'hésitent pas à se pourvoir en cassation contre la décision d'un juge de proximité relaxant un automobiliste ayant commis un excès de vitesse n'excédant pas un kilomètre-heure. La Cour de cassation est ainsi saisie d'affaires dont l'objet apparaît quelque peu dérisoire.
Plus généralement, les compteurs de vitesse étant gradués par tranche de 5 km/h, il est difficile, pour de très faibles excès de vitesse, de caractériser l'élément intentionnel de l'infraction. Dès lors, des instructions pourraient être données aux parquets pour que les officiers du ministère public prennent en compte ce fait dans le traitement des 250 000 réclamations formulées chaque année par les justiciables et qui encombrent inutilement la justice de proximité. Cela permettrait de régler un problème qui suscite l'incompréhension de nos concitoyens - la sanction d'excès de vitesse d'un ou deux kilomètres par heure -, sans remettre en cause la politique de sécurité routière.
Enfin, le système des radars automatisés ne sera pleinement accepté par les Français que s'ils sont convaincus qu'il est juste et équitable. À cet égard, il est également nécessaire que soit réglé le plus rapidement possible le problème des étrangers qui ne respectent pas les limites de vitesse, soit un quart des infractions relevées, et qui bénéficient d'une impunité de fait.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député Gérard Voisin, comme vous l'avez vous-même rappelé, la lutte contre la vitesse excessive est une obligation morale, que nos concitoyens approuvent dans leur grande majorité, car il s'agit moins de distribuer des sanctions que de sauver des vies humaines.
Vous abordez la question très particulière des voies de recours contre les décisions prononcées par un tribunal de police et les juges de proximité. Je veux rappeler que le législateur a limité la faculté d'interjeter appel des jugements de police. S'il y a pourvoi direct devant la Cour de cassation, c'est qu'on ne peut faire appel, le législateur ayant supprimé, il y a longtemps déjà, la possibilité de faire appel des décisions du tribunal de police en deçà d'un certain montant d'amende ou d'un certain degré de peine.
Dès lors, l'officier du ministère public ne dispose que de la voie du pourvoi en cassation pour faire réformer un jugement. Ce pourvoi n'a pas pour objectif un réexamen au fond de l'affaire, mais il permet de s'assurer que la juridiction a fait une juste application de la loi. Sont ainsi soumises à examen de la Cour de cassation les décisions susceptibles de comporter des erreurs de droit ou soulevant des difficultés d'ordre juridique.
Il est donc légitime que l'officier du ministère public exerce les voies de recours offertes par la loi à l'encontre de telles décisions. Cependant, cet officier est placé sous l'autorité du procureur de la République, et la décision de former un pourvoi est prise en concertation avec lui.
Au demeurant, on ne saurait considérer qu'aucune infraction n'a été commise au motif que l'excès de vitesse paraît faible, étant précisé par ailleurs que cet excès n'est caractérisé qu'après l'application d'une correction liée à la marge d'erreur de l'appareil de contrôle, ce qui explique des excès d'un kilomètre par heure. Il importe par ailleurs de souligner qu'en matière d'excès de vitesse le législateur n'exige pas la caractérisation d'un quelconque élément intentionnel et que la contravention est purement matérielle.
Il doit enfin être rappelé que le non-respect des limitations de vitesse est à l'origine de nombreux accidents et que ces derniers mois ont vu une augmentation importante du nombre de personnes tuées sur nos routes. L'action publique doit donc être, en matière d'excès de vitesse, conduite avec fermeté, y compris en ce qui concerne l'exercice des voies de recours.

UMP 13 REP_PUB Bourgogne O