Texte de la QUESTION :
|
M. Gérard Voisin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, à propos de la démarche de certains officiers du ministère public, par exemple celui de Saint-Germain-en-Laye, qui n'hésitent pas à se pourvoir en cassation contre la décision d'un juge de proximité relaxant un automobiliste ayant commis un excès de vitesse n'excédant pas 1 km/h. La Cour de cassation est ainsi saisie d'affaires dont l'objet apparaît quelque peu dérisoire. Plus généralement, les compteurs de vitesse étant gradués par tranche de 5 km/h, il est difficile, pour de très faibles excès de vitesse, de caractériser l'élément intentionnel de l'infraction. Dès lors, des instructions pourraient être données aux parquets pour que les officiers du ministère public prennent en compte ce fait lors des réclamations formulées par les justiciables. Cela permettrait de régler un problème qui suscite l'incompréhension de nos concitoyens - la sanction d'excès de vitesse de 1 ou 2 km/h - sans remettre en cause la politique de sécurité routière, et éviterait d'encombrer inutilement la justice. Il lui demande de bien vouloir lui faire part de sa position à ce sujet.
|
Texte de la REPONSE :
|
SANCTION DES TRÈS FAIBLES EXCÈS DE VITESSE Mme la présidente. La parole est à M. Gérard
Voisin, pour exposer sa question, n° 1459, relative à la sanction des très
faibles excès de vitesse. M. Gérard Voisin. Monsieur le
garde des sceaux, ministre de la justice, un comité interministériel s'est réuni
mercredi 11 mai, à l'initiative du Premier ministre, pour décider des
dispositions à prendre afin d'enrayer l'augmentation, ces derniers mois, du
nombre de tués sur les routes, après plusieurs années d'amélioration des
chiffres. Une série de mesures cohérentes ont été annoncées et accueillies
favorablement, sauf en ce qui concerne le retrait des panneaux indicateurs de
radar. Elles renforcent les sanctions mais concernent aussi la prévention et
s'attaquent au problème essentiel de la forte mortalité chez les conducteurs de
deux roues. Je partage bien évidemment cet objectif d'améliorer le dispositif
de répression, notamment en ajustant les sanctions à la gravité des faits, comme
le Gouvernement a décidé de le faire pour les excès de vitesse de plus de 50
km/h. Il faut distinguer le comportement délibéré de qui met en danger la vie
d'autrui de celui du conducteur qui commet un dépassement de vitesse très faible
et non intentionnel, ainsi que nous en avons décidé récemment en offrant la
possibilité de récupérer plus vite un point perdu. La grande majorité de nos
concitoyens s'attache en effet à respecter les limites des vitesses autorisées.
Pourtant, nombre d'entre eux peuvent se retrouver avec un nombre réduit de
points à la suite de très petits excès de vitesse. Je souhaite donc vous
interroger aujourd'hui sur la démarche de certains officiers du ministère public
- par exemple celui de Saint-Germain-en-Laye -, qui n'hésitent pas à se pourvoir
en cassation contre la décision d'un juge de proximité relaxant un automobiliste
ayant commis un excès de vitesse n'excédant pas un kilomètre-heure. La Cour de
cassation est ainsi saisie d'affaires dont l'objet apparaît quelque peu
dérisoire. Plus généralement, les compteurs de vitesse étant gradués par
tranche de 5 km/h, il est difficile, pour de très faibles excès de vitesse, de
caractériser l'élément intentionnel de l'infraction. Dès lors, des instructions
pourraient être données aux parquets pour que les officiers du ministère public
prennent en compte ce fait dans le traitement des 250 000 réclamations formulées
chaque année par les justiciables et qui encombrent inutilement la justice de
proximité. Cela permettrait de régler un problème qui suscite l'incompréhension
de nos concitoyens - la sanction d'excès de vitesse d'un ou deux kilomètres par
heure -, sans remettre en cause la politique de sécurité routière. Enfin, le
système des radars automatisés ne sera pleinement accepté par les Français que
s'ils sont convaincus qu'il est juste et équitable. À cet égard, il est
également nécessaire que soit réglé le plus rapidement possible le problème des
étrangers qui ne respectent pas les limites de vitesse, soit un quart des
infractions relevées, et qui bénéficient d'une impunité de fait. Mme
la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux,
ministre de la justice et des libertés. M. Michel Mercier,
garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le
député Gérard Voisin, comme vous l'avez vous-même rappelé, la lutte contre la
vitesse excessive est une obligation morale, que nos concitoyens approuvent dans
leur grande majorité, car il s'agit moins de distribuer des sanctions que de
sauver des vies humaines. Vous abordez la question très particulière des
voies de recours contre les décisions prononcées par un tribunal de police et
les juges de proximité. Je veux rappeler que le législateur a limité la faculté
d'interjeter appel des jugements de police. S'il y a pourvoi direct devant la
Cour de cassation, c'est qu'on ne peut faire appel, le législateur ayant
supprimé, il y a longtemps déjà, la possibilité de faire appel des décisions du
tribunal de police en deçà d'un certain montant d'amende ou d'un certain degré
de peine. Dès lors, l'officier du ministère public ne dispose que de la voie
du pourvoi en cassation pour faire réformer un jugement. Ce pourvoi n'a pas pour
objectif un réexamen au fond de l'affaire, mais il permet de s'assurer que la
juridiction a fait une juste application de la loi. Sont ainsi soumises à examen
de la Cour de cassation les décisions susceptibles de comporter des erreurs de
droit ou soulevant des difficultés d'ordre juridique. Il est donc légitime
que l'officier du ministère public exerce les voies de recours offertes par la
loi à l'encontre de telles décisions. Cependant, cet officier est placé sous
l'autorité du procureur de la République, et la décision de former un pourvoi
est prise en concertation avec lui. Au demeurant, on ne saurait considérer
qu'aucune infraction n'a été commise au motif que l'excès de vitesse paraît
faible, étant précisé par ailleurs que cet excès n'est caractérisé qu'après
l'application d'une correction liée à la marge d'erreur de l'appareil de
contrôle, ce qui explique des excès d'un kilomètre par heure. Il importe par
ailleurs de souligner qu'en matière d'excès de vitesse le législateur n'exige
pas la caractérisation d'un quelconque élément intentionnel et que la
contravention est purement matérielle. Il doit enfin être rappelé que le
non-respect des limitations de vitesse est à l'origine de nombreux accidents et
que ces derniers mois ont vu une augmentation importante du nombre de personnes
tuées sur nos routes. L'action publique doit donc être, en matière d'excès de
vitesse, conduite avec fermeté, y compris en ce qui concerne l'exercice des
voies de recours.
|