Texte de la QUESTION :
|
M. Pierre Moscovici interpelle Mme la ministre du logement et de la ville sur l'incertitude juridique et l'inégalité sociale qui résultent de la variation de la jurisprudence des tribunaux administratifs concernant les demandes d'annulation formées par les préfets à l'encontre des arrêtés municipaux dits « anti-coupures ». Ces arrêtés sont destinés à interdire les coupures d'eau, de gaz et d'électricité pour les personnes défavorisées l'hiver, dès lors qu'il est établi que tous les moyens de prévention et de résorption de la dette prévus au titre de la solidarité nationale n'ont pas été mis en oeuvre. Ils sont donc une mesure de justice sociale. Il rappelle que la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a permis de compléter l'article 115-3 du code de l'action sociale et des familles en spécifiant que « du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l'année suivante, les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz et les distributeurs d'eau ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz ou de la distribution d'eau », pour les ménages en difficulté, sous conditions. Par la suite, plusieurs maires de France ont pris des arrêtés « anti-coupures ». Or, la jurisprudence des tribunaux administratifs sur les demandes d'annulation formulées par les préfets à l'encontre de ces arrêtés varie sur le territoire. Ainsi, si le tribunal administratif de Melun a validé le 16 mars 2007 l'arrêté municipal « anti-coupures » du maire de Champigny-sur-Marne, la cour administrative d'appel de Lyon a pour sa part soutenu la demande du préfet du Rhône en août 2007 (alors que le tribunal administratif de Lyon l'avait dans un premier temps rejetée). Enfin, le 27 décembre dernier, le tribunal administratif de Lille a accepté la demande de suspension de l'arrêté municipal « anti-coupure » pris par le maire de Liévin et en a contesté l'application, sans toutefois remettre en question l'arrêté lui-même. La diversité des moyens invoqués par les parties reflète d'ailleurs le flou juridique en la matière. Il souligne que la variation de la jurisprudence administrative vis-à-vis des arrêtés municipaux « anti-coupures » cause deux problèmes majeurs : d'une part, elle est source d'incertitude juridique ; d'autre part, elle ne permet pas une application uniforme du droit sur le territoire, et génère ainsi des inégalités de traitement entre les ménages de revenus modestes. C'est pourquoi il lui demande de combler cette lacune, par la loi ou par le règlement, dans un sens favorable aux familles à revenus modestes.
|
Texte de la REPONSE :
|
Le Gouvernement, conscient de l'augmentation des charges énergétiques liées au logement, veille avec la plus grande attention à la prévention des difficultés rencontrées par les ménages défavorisés pour faire face à leurs dépenses d'énergie et d'eau. Cependant, l'énergie et l'eau sont des biens précieux et rares. Ils ne sauraient donc être gratuits au risque de déresponsabiliser les ménages consommateurs. Le Gouvernement est donc vigilant à ce que les personnes et familles défavorisées ne soient pas privées de leur bénéfice et également à ce que ce système de protection ne favorise pas les abus de la part de personnes de mauvaise foi capables de payer. La prévention des coupures d'eau et d'énergie est prévue dans la loi et notamment par l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles qui a été complété dans le cadre de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL) et de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (DALO). L'actuel encadrement législatif définit, d'une part, les droits des ménages et, d'autre part, les dispositifs dont sont responsables l'État et les collectivités territoriales : plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) copilotés par l'État et les départements et le fonds de solidarité pour le logement (FSL) sous la responsabilité des conseils généraux depuis le 1er janvier 2005. L'article 1er de la loi du 31 mai 1990 modifiée visant à la mise en oeuvre du droit au logement opposable indique que toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir et pour disposer dans son logement de la fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques. Cette aide est notamment accordée par les FSL depuis le 1er janvier 2005, suite à la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui a étendu les compétences des FSL aux aides aux impayés d'eau, d'électricité et de services téléphoniques. L'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles précité prévoit : le maintien des fournitures d'eau, d'énergie et d'un service téléphonique restreint en cas de non-paiement des factures, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la demande d'aide auprès du FSL ; le service téléphonique restreint comporte la possibilité, depuis un poste fixe, de recevoir des appels ainsi que de passer des communications locales et vers les numéros gratuits, et d'urgence. Pour l'électricité, il est prévu un maintien avec une puissance minimale de 3 kVA (art. R. 261-1 du code de l'action sociale et des familles ; du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l'année suivante, les fournisseurs d'eau, d'électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles mentionnées au premier alinéa et bénéficiant ou ayant bénéficié, dans les douze derniers mois, d'une décision favorable d'attribution d'une aide du FSL. Enfin, la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a étendu, pour la fourniture d'eau, à toute l'année cette interdiction de coupure dont bénéficient les ménages ayant été aidés par le fonds de solidarité pour le logement (FSL) dans les 12 derniers mois. Le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau (paru au JO du 14 août 2008), pris en application de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, concerne les impayés d'énergie sous forme d'électricité, de gaz et de chaleur et les impayés d'eau. Ce décret définit le cadre des relations et des échanges d'informations relatives aux ménages en situation d'impayés, menacés de coupure entre, d'une part, les départements qui sont en charge des FSL et, d'autre part, les fournisseurs d'eau et d'énergie. Il prévoit de mettre en place des traitements différenciés selon les personnes en situation d'impayés, avec un système d'alerte à deux niveaux permettant de cibler les actions des FSL sur les ménages défavorisés. Il prévoit en outre que les conventions passées entre le conseil général et les fournisseurs définissent les modalités locales d'articulation entre l'action des fournisseurs et les FSL. Tous les fournisseurs d'énergie et d'eau sont concernés par les dispositions de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles et devront conclure ces conventions. Les communes sont invitées à être parties prenantes de ces conventions afin que les services sociaux communaux soient associés à cette politique de prévention et y contribuent à côté des services sociaux départementaux. En termes de bilan, il est indéniable que les FSL contribuent effectivement à la prévention de la précarité énergétique. En 2006, 318 000 ménages ont été aidés au titre des impayés d'énergie, soit 60 % des ménages aidés financièrement par les FSL, les aides aux impayés d'énergie ont représenté 20,4 % du total des aides, soit 60,2 MEUR. De plus, les ménages défavorisés peuvent bénéficier d'un tarif réduit pour l'électricité et le gaz. En effet, un tarif social de l'électricité a été mis en place par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité dans les conditions définies au décret n° 2004-325 du 8 avril 2004 relatif à la tarification spéciale de l'électricité comme produit de première nécessité (TPN). La mise en application du décret n° 2008-778 du 13 août 2008 relatif à la fourniture de gaz naturel au tarif spécial de solidarité a débuté dès 2008. Enfin, des travaux de réflexion ont été menés par le groupe de travail sur la précarité énergique mis en place le 1er octobre 2009 dans le cadre du plan bâtiment Grenelle. Le rapport remis officiellement le 6 janvier 2010 propose d'améliorer la prévention de la précarité énergétique en étendant à toutes les formes d'énergie les aides actuellement accordées par le biais des tarifs sociaux ; d'autres mesures ont été proposées et sont à l'étude pour que des diagnostics et, le cas échant, des travaux d'économie d'énergie soient réalisés là où des situations de précarité sont présumées, notamment grâce aux 500 MEUR financés par le « Grand Emprunt » et qui sont confiés à l'Agence nationale de l'habitat. Ce cadre juridique permet, tout en évitant la déresponsabilisation des ménages, d'améliorer la situation des personnes défavorisées, grâce à la mobilisation des divers acteurs, notamment les collectivités territoriales. Toute modification éventuelle de ces dispositifs est donc prématurée et ne pourrait être envisagée qu'après de premières évaluations.
|