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13ème législature
Question N° : 1671 de M. Daniel Boisserie ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Haute-Vienne ) Question orale sans débat
Ministère interrogé > Défense et anciens combattants (secrétariat d'État) Ministère attributaire > Défense et anciens combattants (secrétariat d'État)
Rubrique > anciens combattants et victimes de guerre Tête d'analyse > lieux de mémoire Analyse > Oradour-sur-Glane. vestiges. préservation. Haute-Vienne
Question publiée au JO le : 24/01/2012 page : 729
Réponse publiée au JO le : 01/02/2012 page : 529

Texte de la question

M. Daniel Boisserie attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants sur le nécessaire sauvetage par l'État des ruines d'Oradour-sur-Glane. Le 10 juin 1944, 642 hommes, femmes et enfants ont été massacrés par une unité de la 2e division SS Das Reich dans cette commune de sa circonscription. Il intervient régulièrement auprès des autorités compétentes pour que les vestiges d'Oradour soient préservés et que le devoir de mémoire puisse ainsi se transmettre de génération en génération. Ce fut le cas par exemple en 2007 quand il a demandé au Gouvernement que l'effort financier de l'État visant à sécuriser l'environnement végétal du mémorial et le monument lui-même soit complété par la restauration des murs d'enceinte du village. Il s'est également fortement engagé en faveur de la création du Centre de la mémoire d'Oradour qui a ouvert ses portes en 1999. La République se doit de protéger tous les monuments historiques. Classés depuis 1946, les vestiges d'Oradour, propriété de l'État, constituent aussi un lieu de recueillement pour les deux derniers rescapés de cette tragédie et les descendants des civils martyrs. Il lui demande donc solennellement de réserver dès que possible des crédits pour la restauration des ruines d'Oradour.

Texte de la réponse

PRÉSERVATION DES VESTIGES D'ORADOUR-SUR-GLANE

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie pour exposer sa question, n° 1671, relative à la préservation des vestiges d'Oradour-sur-Glane.
M. Daniel Boisserie. Je regrette l'absence de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants. C'est pourtant une question importante. Mais j'ai plaisir, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, à vous la poser.
Je veux vous parler d'Oradour. C'est sous l'impulsion du général de Gaulle que le site du village martyr est devenu propriété de l'État. C'est à ce moment là qu'il fut décidé, au plus haut niveau, de conserver le site à l'état de ruines, et d'entretenir celles-ci.
Depuis le 10 juin 1944, les murs en pierre subissent les intempéries. Depuis quelques années, ils deviennent très dangereux et peuvent blesser grièvement les très nombreux visiteurs, notamment les enfants. Au-delà du problème humain, la responsabilité de l'État, propriétaire du site, serait alors engagée. Celle du maire, responsable de la sécurité sur la commune, le serait également.
L'association des familles martyres et la municipalité réclament une réunion plénière pour décider de l'avenir du site. Ils souhaitent qu'il soit conservé en l'état, et sécurisé.
Le village, c'est leur sanctuaire, chacune de ces familles retrouvant les restes de sa maison.
Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, Oradour, ce sont au moins 300 000 visiteurs par an, qui sont envahis par l'émotion lorsqu'ils sillonnent le village pour essayer de comprendre.
Occasionnellement, un rescapé, M. Hebras, âgé de 86 ans, et parfois un membre de l'association des familles martyres se rendent sur place pour témoigner du drame.
Mais à Oradour, pas de guide, pas d'explications, et pas de sanitaires.
Je vous rappelle qu'Oradour est, en Europe, le seul site conservé en ruines pouvant témoigner de l'horreur que faisait subir le régime nazi.
Dans tous les espaces historiques, l'État met à disposition des personnels chargés de l'information, sauf à Oradour.
Oradour, témoin de la folie des hommes, mérite pourtant plus que tout autre que ses visiteurs comprennent ce qui s'est passé.
Le devoir de mémoire, c'est aussi, le devoir de l'État. Je vous demande, par conséquent, de prendre toutes les dispositions pour que ce site, classé monument historique, reste une leçon de l'histoire de l'Europe, et de réunir le plus rapidement possible les parties concernées afin de définir ce que sera l'avenir d'Oradour.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé. Monsieur le député, je voue prie d'excuser l'absence de Marc Laffineur, qui m'a demandé de vous transmettre la réponse suivante.
Il vous remercie d'attirer notre attention sur la nécessité de préserver les vestiges d'Oradour-sur-Glane. Ils sont en effet les témoins du crime contre l'humanité perpétré par la barbarie nazie. Ils portent les stigmates du massacre du 10 juin 1944, qui coûta la vie à 642 innocents et fit d'Oradour-sur-Glane un champ de ruines. Ils exigent, à ce titre, d'échapper à l'usure du temps, afin que ces pages sombres de l'histoire ne soient jamais menacées par l'oubli. C'est là une responsabilité que nous partageons, et je sais, monsieur le député, que vous avez à coeur de l'honorer. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Le Gouvernement, pour sa part, n'a jamais manqué à son devoir de préserver les ruines du village martyr. La loi du 10 mai 1946 a en effet classé celui-ci parmi les monuments historiques et confié la responsabilité de sa conservation et de sa gestion au ministère de la culture. Celui-ci veille donc à la conservation physique du site par la réalisation régulière de travaux d'entretien et de restauration, à sa bonne gestion et à son ouverture au public. Pour autant, la conservation de ce monument très spécifique pose des problèmes particuliers puisqu'il s'agit non pas de le restaurer, mais de le conserver à l'état de ruine, au plus proche de la situation d'après le 10 juin 1944.
Il y a donc une doctrine de conservation particulière à Oradour-sur-Glane, que le ministère de la culture applique en concertation étroite avec la mairie et les représentants des familles.
Ces interventions comprennent d'abord des travaux de conservation et d'entretien, accomplis sous la responsabilité de l'architecte des Bâtiments de France, chef du service départemental de l'architecture et du patrimoine, qui consiste à reprendre ponctuellement et avec le maximum de discrétion les maçonneries présentant des altérations prononcées pouvant constituer un danger pour le public, comme vous l'avez signalé, monsieur le député.
En 2011, la DRAC - la direction régionale des affaires culturelles - a ainsi affecté 160 000 euros à la conservation du site. En 2012, le budget réservé à ces interventions est supérieur à 200 000 euros.
Par ailleurs, des opérations de plus grande ampleur sont placées sous la maîtrise d'oeuvre de l'architecte en chef des Monuments historiques. La dernière en date a concerné la restauration du mémorial que l'association des familles de victimes avait appelée de ses voeux. L'opération a été menée en 2009-2010, grâce à un financement lié au plan de relance. Le chantier s'est élevé à 465 000 euros hors taxe. Ces travaux sont intégralement financés par le budget du ministère de la culture.
Vous pouvez donc être rassuré, monsieur le député ; le Gouvernement continuera de veiller à la conservation des vestiges d'Oradour-sur-Glane, qui font partie intégrante de notre patrimoine mémoriel.
M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.
M. Daniel Boisserie. Le sujet est sensible et Mme la secrétaire d'État, qui vient de me faire part de la réponse de Marc Laffineur, a parlé de crime contre l'humanité. C'est la première fois qu'un membre du Gouvernement parle de crime contre l'humanité et je partage tout à fait cette analyse. Cela me permettra peut-être d'intervenir au plus haut niveau européen, auprès de la Cour européenne, afin que la tragédie d'Oradour-sur-Glane soit reconnue comme un crime contre l'humanité.
J'ai bien entendu ce que vous avez dit, madame la secrétaire d'État. Ce n'est pas suffisant, et il faut voir sur place. J'adresserai parallèlement au ministère des anciens combattants ou au ministère de la culture - je ne sais si les deux ministères sont concernés - une demande faisant part de la nécessité d'avoir sur place des personnes qui puissent expliquer ce drame. Car il n'y a pas de guide sur le site, seulement trois gardiens qui ne peuvent répondre aux 300 000 visiteurs annuels.
J'adresserai donc une demande aux ministres concernés de façon à avancer sur ce sujet.

 

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