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13ème législature
Question N° : 1702 de M. Christian Hutin ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Nord ) Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, emploi et santé Ministère attributaire > Travail, emploi et santé
Rubrique > santé Tête d'analyse > accès aux soins Analyse > perspectives
Question publiée au JO le : 24/01/2012 page : 734
Réponse publiée au JO le : 03/02/2012 page : 691

Texte de la question

M. Christian Hutin interroge M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur l'accès aux soins pour beaucoup de nos concitoyens qui est aujourd'hui problématique, en particulier quand il s'agit de consulter un spécialiste tant en milieu rural qu'en zone urbaine. Se pose clairement une série de questions quant à la formation des spécialistes, du fonctionnement entre médecine libérale et médecine hospitalière, de la place des médecins étrangers et de l'attractivité des carrières hospitalières. Il convient d'apporter des réponses à ces interrogations.

Texte de la réponse

ACCÈS AUX SOINS

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin, pour exposer sa question, n° 1702, relative à l'accès aux soins.
M. Christian Hutin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la famille, mes chers collègues, les séances de questions orales sans débat sont parfois un peu fastidieuses. Je vais donc me permettre de vous raconter une petite histoire. Dans la Grèce antique, le roi Mithridate avait un fils mourant. Il eut très peu de difficulté à trouver un médecin de qualité, puisqu'il s'agissait d'Hippocrate, qui, depuis l'île de Cos, s'est rapidement rendu au chevet de son fils.
Il y a en France des privilégiés, qui, par leur surface financière, ont à peu près les mêmes facilités que ce roi. Dans certains arrondissements de Paris, où encore dans des territoires qui bénéficient de ce qu'on appelle l'héliotropisme médical, il est plus facile de trouver un médecin.
Il en va autrement dans d'autres régions. Demain matin, dans mon petit cabinet de Saint-Pol-sur-Mer, je vais recevoir des patients, des anciens ou des jeunes - et cela peut avoir une incidence importante sur leur scolarité -, qui mettront entre huit mois et un an pour obtenir ne serait-ce qu'un rendez-vous en ophtalmologie. Il y a, à l'hôpital de Dunkerque, un seul titulaire en ophtalmologie, pour un bassin de 230 000 habitants.
Les choses s'aggravent en ce qui concerne la cardiologie, mais aussi la rhumatologie - on s'y attendait un peu moins. Ne parlons pas des anesthésistes : il est devenu extrêmement difficile d'en trouver. En tant que femme, madame la secrétaire d'État, vous serez également sensible à l'inégalité profonde dans l'accès aux soins de gynécologie, qui est extrêmement difficile dans des zones défavorisées. C'est un problème très grave pour les femmes.
Hier, lors des questions d'actualité, le problème du logement a été évoqué. Il faut trois années pour construire rapidement un certain nombre de logements. Un médecin, cela se construit en dix, douze, treize, quatorze ans. N'allons pas dans le mur ! Je vous concède, madame la secrétaire d'État, que le problème ne date pas d'aujourd'hui. Il date des années où j'étais moi-même en formation. Mais il est urgent d'organiser un Grenelle de la santé, afin que chacun ait accès aux soins. Cela me semble vraiment nécessaire, et même urgent.
Ma question vise donc à attirer votre attention sur cette urgence médicale et sur la gravité de la situation, en particulier dans un certain nombre de bassins, notamment dans le Dunkerquois.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur le député, l'histoire que vous nous avez racontée était fort intéressante. Cependant, elle ne reflète pas la situation que nous connaissons aujourd'hui. Ce n'est pas une question de riches ou de pauvres. Dans la France d'aujourd'hui, tout le monde peut se faire soigner. Le problème - votre collègue Jean-Paul Lecoq en parlait tout à l'heure -, c'est le numerus clausus. Le Gouvernement essaie de faire en sorte qu'il soit augmenté, de manière que nous puissions disposer de médecins. Le problème, ce n'est pas que des gens ne peuvent pas se faire soigner, c'est qu'ils ne trouvent pas de médecin. C'est de cette question que le Gouvernement s'est emparé, en se fixant pour objectif d'adapter les ressources humaines en santé aux besoins croissants de prise en charge de la population et aux évolutions de l'offre de soins.
À cet effet, il a recours au numerus clausus déterminant le nombre d'étudiants admis à poursuivre des études de médecine. Celui-ci a évidemment augmenté depuis 2000 - et vous avez raison de souligner que ce n'était pas le cas à l'époque de votre formation -, passant de 3 850 places à 7 500 en 2012. Vous voyez que la progression est réelle. C'est pourquoi je crois que nos concitoyens peuvent nous faire confiance.
Par ailleurs, le Gouvernement a instauré en 2010 un dispositif de filiarisation complète du troisième cycle des études de médecine au travers des quotas par spécialités offerts à l'issue des épreuves classantes nationales. Le problème de la gynécologie, monsieur le député, c'est que les médecins ne veulent plus assumer les gardes, qui sont contraignantes, parce que les femmes ne choisissent pas d'accoucher le jour plutôt que la nuit. Et, à cet égard, les sages-femmes ont les mêmes contraintes que les médecins.
Sur la base des propositions établies par les ARS en fonction des besoins de soins et examinées par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, le nombre de postes offerts pour chaque spécialité et chaque subdivision est fixé de manière quinquennale et revu chaque année. Ainsi, le nombre de postes offerts pour les spécialités médicales a été relevé de 825 en 2007 à 1 357 en 2011, avec un objectif de 1 500 places en 2014. Nous sommes donc sur une trajectoire ascendante.
Ces dispositifs garantissent la liberté d'installation tout en favorisant une répartition plus équilibrée des professionnels de santé afin d'améliorer l'accès aux soins. Car il est évident que la plupart des médecins vont s'installer dans des secteurs urbains et oublient totalement les zones rurales, qui sont très éloignées et considérées, apparemment, comme peu attractives. Je vous assure pourtant qu'on y vit très bien.
Conjugués à des mesures incitatives, ces dispositifs contribuent à un pilotage renforcé de la démographie médicale. Ainsi, le Gouvernement a mis en place en 2011 un contrat d'engagement de service public à destination des étudiants en médecine qui, en contrepartie d'une bourse pendant toute la durée de leurs études, s'engagent à exercer en zone sous-dense, c'est-à-dire en zone rurale.
La promotion de l'exercice regroupé des professionnels de santé, notamment en maisons de santé pluridisciplinaires, répond également au souhait des professionnels d'un cadre d'exercice rénové, qui optimise le temps médical et évite l'isolement.
Il s'agit d'un cadre d'exercice plus attractif pour les jeunes professionnels et qui contribue à pérenniser l'offre de santé sur le territoire. Un statut juridique spécifique de société interprofessionnelle de soins ambulatoires a été créé pour faciliter le déploiement des maisons de santé pluri-professionnelles, qui sont désormais au nombre de 250 et que nos concitoyens réclament.
Afin d'adapter les modes de rémunération aux nouveaux modes d'organisation des professionnels de santé libéraux et de valoriser par une rémunération plus adaptée certaines missions telles que la prévention, le suivi de pathologies chroniques, l'éducation thérapeutique ou la coordination, des expérimentations sont également en cours sur les nouveaux modes de rémunération.
Vous le voyez, le Gouvernement active de très nombreux leviers pour garantir l'accès au soin sur tous les points du territoire, et nous y sommes très sensibles.
M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.
M. Christian Hutin. Déontologiquement, je souhaitais vous donner des nouvelles du fils de Mithridate : il a guéri. Il se languissait d'amour pour une concubine de son père, le père s'est sacrifié, et j'espère que nos concitoyens les plus défavorisés guériront comme le fils de Mithridate.
M. le président. Cela dit, je crains qu'il ne soit plus en très grande forme. (Sourires.)

 

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