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13ème législature
Question N° : 1725 de M. André Chassaigne ( Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme ) Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur, outre-mer, collectivités territoriales et immigration Ministère attributaire > Intérieur, outre-mer, collectivités territoriales et immigration
Rubrique > bois et forêts Tête d'analyse > communes Analyse > bois communaux. vente de bois. bénéfices. répartition
Question publiée au JO le : 21/02/2012 page : 1423
Réponse publiée au JO le : 29/02/2012 page : 1511

Texte de la question

M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur l'application de la réglementation en vigueur concernant l'utilisation des bénéfices des biens de sections de commune, notamment sur le partage de revenus aux ayants droit, plus particulièrement, après la vente de bois, la répartition aux ayants droit de reliquats financiers après qu'ont été réalisés les investissements décidés au profit de la section et de ses habitants, tel que prévu par le code forestier.

Texte de la réponse

RÉPARTITION DES BÉNÉFICES
DES BIENS DE SECTIONS DE COMMUNES

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour exposer sa question, n° 1725, relative à la répartition des bénéfices des biens de sections de communes.
M. André Chassaigne. Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Depuis quelques mois, les représentants de l'État déclarent illégales les délibérations des conseils municipaux partageant les revenus provenant des produits des sections de communes, notamment l'affectation à des particuliers du revenu de l'exploitation des forêts sectionnales.
Le bien sectionnal est un bien privé collectif, soumis à des règles de droit et à une jurisprudence qui en précise l'application.
Sur l'utilisation du produit de la vente de l'affouage des bois d'une section de communes, le code forestier définit les conditions d'affectation entre les bénéficiaires de l'affouage, notamment dans son article L.145-3.
Un état spécial est annexé au budget de la commune ou il y a un budget spécifique quand la section possède une commission syndicale.
L'instruction budgétaire et comptable M 14 précise l'imputation des produits de la vente à un compte spécifique.
L'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales dispose que : " les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale ".
Les dispositions de cet article, comme celles de l'article 542 du code civil, n'interdisent donc pas une distribution de revenus dès lors qu'elle respecte les priorités d'affectation.
Cependant, sur le fondement de cet article, le juge administratif a relevé l'illégalité d'une délibération prévoyant le partage des revenus de la section entre ayants droit. À noter que la procédure portait sur des revenus de locations de pâturages et non sur des revenus forestiers. Les revenus en espèces ne pourraient être employés que dans l'intérêt collectif des ayants droit qui la composent.
S'appuyant sur cette jurisprudence fondée sur un cas spécifique, et sans attendre le recours engagé devant le Conseil d'État, les services préfectoraux rejettent désormais l'ensemble des délibérations des conseils municipaux ayant acté la répartition en espèces aux ayants droit d'une partie des revenus de la section. Il s'agit pourtant seulement de simples excédents, après les affectations prioritaires prescrites par le CGCT et le code forestier.
Cette remise en cause des usages locaux, outre qu'elle prive d'un revenu complémentaire des familles rurales souvent modestes, aura des conséquences préjudiciables à la bonne gestion des forêts sectionnales.
Le produit d'une coupe étant dans la plupart des cas supérieur aux besoins collectifs des sections, le volume de bois prélevé sera réduit, affaiblissant l'économie forestière. Des coupes inscrites dans les plans de gestion sont d'ores et déjà bloquées.
C'est la raison pour laquelle je sollicite le ministre afin qu'il demande aux services de l'État de respecter les délibérations des conseils municipaux, dans l'attente d'une clarification législative et juridique sur les points litigieux. Le contrôle de légalité ne pourrait-il pas porter sur le respect des affectations prioritaires et l'attestation pour l'ONF de la réalisation du plan de gestion avant tout partage aux ayants droit ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants.
M. Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur Chassaigne, je ne reviendrai pas sur ce que sont les sections de communes ni sur la façon dont elles sont administrées, vous l'avez parfaitement rappelé.
Qu'en est-il des conditions d'utilisation des revenus en espèces ou en nature d'une section de commune par ses ayants droit ?
Dans sa décision du 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a considéré qu'en application des articles L.2411-1 et L. 2411-10 du CGCT, les membres de la section ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur les biens ou droits d'une section de commune, mais seulement d'un droit de jouissance.
Ainsi, ces ayants droit ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la seule jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, tel que le droit d'affouage prévu par le code forestier.
L'emploi des revenus en espèces de la section de communes fait l'objet d'une disposition particulière. L'article L. 2411-10 du CGCT dispose que " Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section, ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale ".
Ainsi, les fonds dont dispose la section, à la suite de la vente de coupes de bois, par exemple, doivent servir en priorité à la bonne conservation des biens de la section et à leur mise en valeur et, dans le cas où une commission syndicale a été constituée, à la réalisation d'équipements qu'elle aura projetés.
Dans l'hypothèse où il reste des fonds après les opérations d'entretien obligatoires, ceux-ci ne peuvent être employés que " dans l'intérêt des membres de la section ".
Cette expression a pu être parfois interprétée, dans la pratique, comme permettant aux membres de la section de percevoir, à titre personnel, une part des revenus en espèces.
Une telle pratique reposait sur des bases juridiques fragiles : des arguments plus solides tendaient en effet à établir la nature collective de l'intérêt auquel se réfère l'article L.2411-10 précité.
Ainsi, on peut relever que l'article L.2411-15 du CGCT précise que " le produit de la vente des biens de la section ne peut être employé que dans l'intérêt de la section ".
De plus, si la jurisprudence administrative sur la question du versement d'espèces aux ayants droit était peu fournie, une jurisprudence ancienne du Conseil d'État écartait un reversement aux ayants droit des revenus en espèces de la section de commune. Le Conseil d'État a en effet jugé que les habitants d'une section ne peuvent répartir entre eux le produit d'une indemnité et que les sommes produites par les biens sectionnaux doivent être utilisées dans l'intérêt exclusif des habitants - Conseil d'État, 21 juillet 1907, section de Savigna.
Il est vrai que ces arrêts du début du siècle dernier pouvaient apparaître comme datés ; l'arrêt rendu le 28 juin 2011 par la cour administrative d'appel de Lyon, dont vous avez fait mention, n'en a que plus d'intérêt puisqu'il se prononce explicitement sur la question d'un droit à percevoir les revenus en espèces de la section de communes au bénéfice de ses ayants droit.
La cour administrative d'appel de Lyon a jugé " qu'un tel droit ne peut être déduit ni des dispositions de l'article 1401 du code général des impôts, ni de l'article L.145-3 du code forestier, ni du principe allégué de la règle du partage qui prévaudrait en matière de section de commune, ni de la méconnaissance du droit de propriété alors que les ayants droit ne détiennent pas de droit de propriété sur les biens des sections... qu'en l'absence d'un tel droit, la distribution des revenus de la section de commune aux ayants droit constitue une libéralité méconnaissant le principe faisant interdiction aux personnes publiques d'accorder des libéralités aux personnes privées ".
L'invocation des usages locaux n'est pas de nature à faire échec à cette jurisprudence. Si la reconnaissance de tels usages découle expressément du premier alinéa de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales en ce qui concerne les modalités de jouissance des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, cette référence aux usages locaux n'est en effet pas reprise dans le dernier alinéa relatif aux revenus en espèces de la section.
En toute logique, la clarification du régime juridique des sections de communes à laquelle le juge administratif a procédé conduit désormais les préfets à demander à des conseils municipaux une mise en cohérence avec l'état du droit de certaines de leurs délibérations relatives au partage des revenus d'une section de commune. Je tiens à souligner que cela ne signifie pas que les ayants droit ne peuvent plus continuer à bénéficier des revenus en nature d'une section de communes : le partage en nature des produits de la coupe de l'affouage pour la satisfaction des besoins ruraux ou domestiques des ayants droit est toujours permis.

 

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