Texte de la QUESTION :
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M. Laurent Hénart attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur la biodiversité. Sous l'égide de l'ONU, tous les pays ont décidé au travers d'une convention mondiale sur la biodiversité de faire une priorité de la protection et restauration de la diversité du vivant, considérée comme une des ressources vitales du développement durable. D'ici 2010, il s'agit d'enrayer le déclin de la biodiversité en Europe et rétablir les habitats et les écosystèmes naturels. De nombreux textes de la communauté européenne ou mondiaux (traité de Rome, FAO
) insistent sur l'extrême urgence et l'importance à préserver le patrimoine cultivé de l'humanité. Des associations ont dès lors proposé aux jardiniers, aux paysans, d'être autonomes et responsables, face au vivant. Mais pour être légalement commercialisée, une variété potagère doit être inscrite sur le catalogue officiel des espèces et variétés de légumes. Alors que l'on cherche à promouvoir la vie et la continuité des savoirs, il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de mettre en oeuvre cette préservation, et notamment s'il entend favoriser les alternatives techniques et semencières autonomes.
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Texte de la REPONSE :
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La Convention pour la diversité biologique (Sommet de la Terre, Rio de Janeiro, 1992) a fixé trois grands objectifs à ses parties contractantes : la conservation de la biodiversité tant sauvage que domestique, son utilisation durable, et le partage juste et équitable des bénéfices tirés de l'utilisation des ressources génétiques. Le maintien de la diversité domestique animale et végétale est, dans ce cadre, un défi majeur car la biodiversité domestique nous fournit à tous des biens et services essentiels. Pour répondre aux différents besoins alimentaires d'aujourd'hui et de demain dans un contexte de changement global, la conservation de la diversité des plantes cultivées et des animaux domestiques est indispensable au maintien d'un potentiel d'adaptation qu'il nous sera nécessaire de mobiliser dans un avenir plus ou moins proche. L'utilisation des semences, leur conservation et le maintien de leur diversité sont des éléments-clefs pour le maintien de la biodiversité cultivée. Le modèle semencier français est un modèle fort, dont les succès en termes de commerce extérieur sont importants et qui est une source d'emplois dans le secteur agro-alimentaire. Toutefois, les nouveaux enjeux agricoles, et en particulier le maintien de la biodiversité cultivée, pointés lors du Grenelle de l'environnement, supposent des infléchissements du cadre actuel. La nécessité d'une adaptation de la politique agricole (dont son volet de politique génétique) à ces nouveaux enjeux est un objectif partagé au sein du Gouvernement comme avec la Commission européenne. Les critères actuels de reconnaissance des nouvelles variétés ne sont en effet pas adaptés à l'inscription de variétés rustiques ou de variétés potagères développées de manière indépendante par des agriculteurs ou des jardiniers. Un catalogue annexe au catalogue officiel existe et permet d'inscrire des variétés avec des critères plus souples. Mais, étant réservé aux seules espèces potagères standard, il répond surtout aux intérêts des jardiniers amateurs et non à la totalité des besoins des acteurs. Il convient donc à présent de faire évoluer le système de sélection et production variétale en France, en reconnaissant la place de différents marchés des semences de niche et des semences libres de droit, commercialisées en volumes variables ainsi que l'existence d'une production variétale à la ferme. Le marché des semences en France ne peut ainsi plus être restreint au catalogue officiel tel que celui-ci existe actuellement : pour favoriser la biodiversité dans l'agriculture, la reconnaissance d'autres types de catalogues et une révision des critères d'évaluation des semences doivent être mises en place. L'ensemble de la réglementation européenne et nationale relative aux semences visait initialement à assurer la sécurité et l'honnêteté des transactions commerciales. Au regard des nouveaux enjeux de biodiversité, c'est cet ensemble juridique qu'il s'agit de faire évoluer, et le Gouvernement s'y emploie actuellement, suite aux décisions du Grenelle de l'environnement sur cette thématique. Un ensemble de directives européennes est en cours d'élaboration afin d'inscrire, à côté du catalogue officiel des semences, la possibilité de créer une liste des « semences de conservation ». Cette liste comprendrait des variétés locales ou anciennes, bien identifiées, ne pouvant pas évoluer et dont la production et la diffusion seraient limitées dans la version actuelle des textes, à la région d'origine ou d'adoption. Le Gouvernement suit avec attention l'élaboration de cette directive et en particulier la question de la limitation géographique de la production ou de la diffusion, qui semble trop restrictive pour correspondre à l'intégralité des nouveaux enjeux. Le projet de directive concerne ainsi, dans son état actuel, des variétés locales intégrées dans des collections ou des banques de gènes qui, plus que le maintien de la biodiversité cultivée, assurent la matière première nécessaire à l'industrie des semences pour développer de nouvelles variétés. D'autres pistes complémentaires sont actuellement à l'étude en France et y font l'objet d'un débat, comme la reconnaissance de la semence de ferme, la commercialisation plus facile de variétés ou semences rares ou libres de droit destinées aux amateurs ou encore le développement de la conservation de la variabilité génétique pour l'ensemble des espèces cultivées, en parallèle de l'inscription des variétés anciennes dans une annexe du catalogue officiel. L'ambition du Gouvernement est donc bien, sans nuire aux intérêts économiques, de développer, y compris dans un contexte européen, une politique de conservation de la diversité du vivant sauvage comme domestique afin de garantir l'avenir des patrimoines et de valoriser les savoir-faire.
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