Texte de la QUESTION :
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M. Alain Rousset appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les inquiétudes exprimées par les apiculteurs et de nombreux concitoyens. Alors que l'apiculture est confrontée depuis 2005 aux dégâts engendrés par l'introduction du frelon asiatique en France, l'autorisation accordée par le Gouvernement, d'utiliser l'insecticide cruiser, dont on ne mesure pas encore le risque pour les abeilles, est perçue comme un nouveau coup de semonce porté à cette profession qui s'estime de fait déconsidérée. De toute évidence, la dimension économique et sociale de l'apiculture peut paraître négligeable au regard de l'ensemble de la production agricole française. Mais loin des données économiques, les apiculteurs sont avant tout des artisans qui font vivre les territoires ruraux et qui sont au coeur d'une véritable «démarche environnementale». Baromètre de la qualité de l'environnement et garante de la biodiversité, l'abeille est à la qualité de l'air ce que la truite est à la qualité de l'eau. Or, l'introduction du frelon asiatique en France et son comportement de prédation a conduit les apiculteurs à s'organiser, pour faire face à son inéluctable expansion. Mais à terme, la survie des élevages de colonies d'abeilles et la préservation de la faune pollinisatrice n'est pas garantie. À titre d'exemple, en 2007, la destruction de plusieurs ruchers a été enregistrée en Gironde, Dordogne et Lot-et-Garonne. En autorisant l'utilisation de l'insecticide cruiser, le Gouvernement ajoute, à cette préoccupation lancinante pour les apiculteurs, une nouvelle source d'inquiétude qu'aucun argument avancé par le ministre de l'agriculture et de la pêche ne permet d'apaiser. Tout d'abord, l'insecticide cruiser qui contient du thiaméthoxam, appartient à la même famille que le régent et le gaucho, dont la filière apicole avait obtenu l'interdiction en 2004, en raison de leur impact néfaste sur les abeilles. Selon elle, l'utilisation de ces insecticides sur les grandes cultures serait l'une des causes principales de la disparition progressive de plusieurs millions d'abeilles depuis une dizaine d'années. Ensuite, s'il est vrai que l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), saisie pour évaluer les effets de cet insecticide sur les abeilles a donné un avis favorable à cette commercialisation, il n'est pas sans compter sur un assortiment de préconisations qui ne peuvent que susciter la crainte des apiculteurs comme des consommateurs. Aussi, il se demande si les «conditions de précaution maximales» prévues par le Gouvernement ne sont pas le signe d'un doute persistant sur l'impact environnemental de ce produit. S'il conçoit que la monoculture de maïs est à l'origine de cette dépendance à l'égard de la culture aux pesticides, il s'interroge sur les gages apportés par le Gouvernement pour assurer qu'aucun risque n'est à craindre de la commercialisation de ce produit, pour les abeilles comme pour les consommateurs. De plus, alors que le principe d'une réduction de l'usage des pesticides avait été validé par le Gouvernement lors du Grenelle de l'environnement, et qu'un plan de réduction est en oeuvre depuis le 15 novembre 2007, il lui demande de bien vouloir préciser sa position sur cette mesure qui va à l'encontre de ces engagements. Enfin, au regard de l'inéluctable expansion du frelon asiatique sur notre territoire, il souhaite connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour assurer la pérennité de la profession d'apiculteur et de fait, la préservation de notre patrimoine environnemental.
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Texte de la REPONSE :
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Le Gouvernement vient d'autoriser dans le cadre de la procédure de la reconnaissance mutuelle une préparation phytopharmaceutique, le Cruiser, utilisée pour le traitement des semences de maïs et contenant du thiametoxam. Cette décision, qui fait suite à un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et à une consultation interministérielle, a été présentée aux associations de protection de l'environnement et aux représentants de la profession apicole. Certaines organisations apicoles font le rapprochement entre ce dossier et les dossiers relatifs aux retraits du Gaucho puis du Régent au début des années 2000. Il convient de souligner que le contexte réglementaire est aujourd'hui totalement différent : le thiametoxam a été évalué complètement et inscrit au niveau communautaire ; le dispositif d'évaluation du risque en France a été profondément réformé. L'AFSSA a été saisie en septembre 2007 pour évaluer deux préparations phytopharmaceutiques, le Poncho et le Cruiser. Ces préparations autorisées en Allemagne et utilisées en traitement de semences de maïs, contiennent des substances actives autorisées au niveau communautaire. Sur la base d'une analyse scientifique approfondie, notamment des effets sur les abeilles, l'AFSSA a donné un avis favorable pour le Cruiser en assortissant de mesures de précaution son utilisation et, à ce stade, un avis défavorable pour le Poncho compte tenu d'un risque de contamination des eaux souterraines qui, au regard des données disponibles, ne pouvait pas être exclu. En suivant ces avis, le Gouvernement a décidé d'autoriser la préparation Cruiser dans les conditions de précaution, prévoyant notamment : une autorisation limitée à un an suivie d'une nouvelle évaluation ; une limitation de la période avant le 15 mai afin de réduire la période de floraison ; une utilisation autorisée uniquement sur le maïs ensilage, le maïs grain et le maïs porte-graine femelle. La décision d'autorisation a été présentée aux associations de protection de l'environnement et aux représentants de la profession apicole. À la demande de certains d'entre eux, un scientifique et d'un expert apicole ont été auditionnés par l'AFSSA à l'occasion du comité d'experts spécialisé du 15 janvier dernier. L'AFSSA considère que les éléments qui ont été présentés ne sont pas de nature à modifier les conclusions de l'évaluation sur le risque à long terme pour les abeilles de l'utilisation de la préparation Cruiser en traitement de semences. Cette autorisation permettra aux agriculteurs d'utiliser des préparations dont l'évaluation a été effectuée conformément aux procédures communautaires et nationales. Le ministre de l'agriculture et de la pêche a par ailleurs imposé la mise en place d'un suivi et d'une surveillance des ruchers portant sur trois régions minimum. Les modalités de ce suivi seront définies en concertation avec les représentants des apiculteurs et avec les associations protectrices de l'environnement. Deux réunions du comité de pilotage de l'étude des troubles des abeilles (assisté d'un comité scientifique et technique) se sont tenues les 15 février et le 10 avril derniers. Le ministre a par ailleurs rencontré lors d'une réunion le 21 février les organisations professionnelles apicoles et les ONG concernées. Il leur a réaffirmé sa volonté de conduire durant l'année 2008 cette observation contradictoire en lien étroit avec toutes les parties concernées. Enfin, une mission sur la filière apicole a été confiée à M. Martial Saddier, député de Haute-Savoie. Son objectif est la mise en place d'un plan d'action apicole portant sur l'organisation de la surveillance de l'état des ruchers, l'aménagement du territoire et sur l'accompagnement technique, scientifique et économique durable de la filière.
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