DEBAT :
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SITUATION DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE M. le président. La parole est à M. Bernard
Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers
gauche. M. Bernard Cazeneuve. Ma question concerne la
situation de l'agriculture en France. Il y a deux jours, dans l'Orne, à
Mortagne-au-Perche, le Président de la République présentait ses voeux au monde
agricole. Le moins que l'on puisse dire est que ses déclarations ont suscité
davantage d'interrogations et de réserves que d'enthousiasme et
d'adhésion. Le monde agricole est confronté à une crise sans précédent qui
engendre partout des difficultés, de la misère et de la souffrance. Au cours des
derniers mois, entre 2008 et 2009, le prix de la production laitière et le
revenu des agriculteurs ont diminué de 34 %, ce qui provoque d'importantes
difficultés sociales et de grandes souffrances dans les milieux
agricoles. Aujourd'hui, les discours réitérés du Gouvernement et du Président
de la République sur la nécessité de la régulation ne prennent plus, et cela
pour plusieurs raisons. En premier lieu, la fin des quotas laitiers décidée
en 2003 pose un problème à tous ceux qui veulent aboutir au juste prix par une
régulation par les quantités. Monsieur le ministre de l'alimentation, de
l'agriculture et de la pêche, malgré la présidence française et les négociations
dans lesquelles vous êtes impliqués au sein de l'Union européenne, nous n'avons
pas trouvé de dispositif de régulation pouvant se substituer à celui des quotas,
qui permette de convaincre le monde agricole. En second lieu, la situation se
trouve aggravée par la dérégulation qui s'ajoute à celle de votre propre
politique. À ce titre, je cite deux exemples : celui de la fin de la possibilité
pour le CNIEL, le centre national interprofessionnel de l'économie laitière, de
réguler les prix par une entente entre les différents acteurs de la profession ;
et celui de la loi de modernisation de l'économie qui a mis les producteurs
entre les mains de la grande distribution dans le cadre d'un rapport de force
inversé. Pour les agriculteurs, cela rend d'ailleurs très aléatoire la
possibilité de réussir la contractualisation que vous semblez mettre au coeur du
projet de loi de modernisation de l'agriculture qui sera présenté prochainement
au Parlement. Monsieur le ministre, allez vous changer de politique pour
sortir enfin l'agriculture de la désespérance ? (Applaudissements sur les
bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) M. le
président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de
l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. M. Bruno Le
Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député, nous ne laisserons aucun agriculteur seul face à la
crise que traverse aujourd'hui le monde agricole. (" Très bien ! " sur les
bancs du groupe NC.) Nous apporterons des solutions en visant un objectif
: stabiliser le revenu des agriculteurs et leur permettre de toucher un revenu
décent pour le travail qu'ils fournissent. Nous ne pouvons pas continuer à
accepter qu'un producteur paie aujourd'hui 80 centimes d'euros pour produire un
kilo de pommes, qu'il le vende 60 centimes et qu'il le retrouve à 1,60 euro sur
les étals des commerçants. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. -
Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe
UMP.) La solution tient en trois réponses. Le premier est le plan
d'urgence décidé par le Président de la République à Poligny : 1 milliard
d'euros de crédits a été débloqué et 500 millions d'euros ont déjà été dépensés
par les agriculteurs, preuve que ce plan répond à une véritable demande. Pour ce
qui concerne les 500 millions d'euros restant, nous ferons en sorte que les
prêts de trésorerie soient, comme les prêts de consolidation, accessibles à
l'ensemble des agriculteurs. Il y a ensuite la loi de modernisation de
l'agriculture et de la pêche. Elle rend obligatoire la signature de contrats
entre industriels et producteurs, ce qui permettra à ces derniers de savoir
combien ils gagneront, non plus à l'horizon de deux ou huit mois, mais pour les
quatre ou cinq ans à venir. Nous ferons en sorte que ces contrats fixent
également des objectifs de prix, y compris en modifiant, s'il le faut, les
règles de la concurrence à l'échelle européenne. Enfin, la régulation
européenne des marchés constitue le troisième pilier de cette politique. À cet
égard, je ne peux pas vous laisser dire que la France n'a rien fait en ce
domaine alors que, sur la base du groupe de travail à haut niveau mis en place
par la Commission, elle a pris la tête du mouvement en faveur de nouveaux
instruments de régulation. Une intervention pour 600 millions d'euros sur le
marché du lait a permis aux prix de remonter petit à petit au cours des derniers
mois. M. le président. Merci ! M. Bruno Le
Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Nous poursuivrons cette politique. Nous voulons une régulation européenne :
c'est la condition d'un revenu décent pour les producteurs.
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