Texte de la QUESTION :
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M. Maxime Gremetz interroge Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur l'inquiétude des entreprises concernant les délais de paiement que l'on compte fixer à 60 jours dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'économie. Une entreprise du marché du bricolage et de l'aménagement lui rappelle la pratique du paiement à 90 jours convenu avec les fournisseurs. Celle-ci nous informe que la question des délais de paiement doit être examinée à la lumière de celle des stocks en magasin. Les stocks sont importants sur le secteur d'activité du bricolage, ceci afin de proposer à la clientèle un large choix. La vitesse de rotation de ces stocks est par conséquent plus lente que dans le secteur alimentaire. On les évalue en moyenne à 120-150 jours et cela peut avoisiner les 300 jours pour des produits saisonniers invendus. Citons pour exemple les climatiseurs et les chaudières. Ainsi, même avec un délai de paiement à 90 jours, les magasins de bricolage ont un besoin de trésorerie d'exploitation de l'ordre de 40 à 60 jours pour financer leur activité. La négociabilité des délais de paiement et leur maintien à des niveaux élevés dans le secteur sont une nécessité absolue pour la pérennité des entreprises de ce secteur. Une diminution à 60 jours aurait des conséquences variables en fonction de la rentabilité des entreprises : affaiblissement de la capacité d'emprunt ; augmentation de l'endettement ; frein au développement et à la création d'emplois ; hausse des prix ; pression accentuée sur les fournisseurs pour approvisionner les magasins en flux tendus ; augmentation des importations ; sélection de fournisseurs sur des critères intégrant la vitesse de rotation de leurs gammes et le déréférencement progressif des fournisseurs ne garantissant pas ce critère ; fermeture de magasins implantés en zone rurale et renforcement des centres commerciaux. Le commerce indépendant serait le plus affaibli. Leurs fonds propres sont globalement destinés au financement des immobilisations. Pour les indépendants, l'encours fournisseur représente environ 60 % de la valeur du stock. Les 40 % restants sont financés par l'emprunt bancaire. La réduction des délais de paiement soulèverait d'énormes difficultés de financement probablement fatales à nombre de petits commerçants de ce secteur. Il cite en exemple Leroy-Merlin, leader sur le marché français, employant 16 000 personnes et réalisant un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros en 2007. Son modèle économique est fondé sur une largeur de gamme permettant à la clientèle un large choix de produits, des produits performants innovants de plus en plus respectueux de l'environnement, une véritable culture de formation des collaborateurs, des services clients tels que la pose de produits, des ateliers de formation, le financement, une tradition de partenariat durable et équilibrée avec plus de 3000 fournisseurs. L'instauration d'un délai de paiement à 60 jours aurait pour conséquences immédiates pour cette entreprise : une perte structurelle de trésorerie de 450 millions d'euros ; un coût financier de 17 millions d'euros ; une perte de dix points de la rentabilité. Cette mesure remettrait en cause le modèle économique de cette entreprise qui serait dans l'obligation de revoir les équilibres établis avec les fournisseurs et notamment avec ses fournisseurs français. Or ces fournisseurs offrent les produits les plus innovants. Si la rentabilité sur ce type de produits est remise en cause, ils seraient contraints de les abandonner de resserrer leurs gammes et de rechercher sur d'autres marchés des produits équivalents offrant la même rentabilité, une nouvelle conséquence qui serait dramatique sur le monde fournisseur qui n'aurait plus la capacité d'investir dans ce type de recherche et verrait sa pérennité gravement remise en cause. Leroy-Merlin se verrait dans l'obligation d'augmenter ses prix de vente. Il lui demande si le Gouvernement en a bien mesuré les conséquences et s'il ne pense pas que le retrait de cette proposition s'impose ou bien encore quelles mesures compte prendre celui-ci pour compenser les incidences funestes de cette mesure en terme d'emploi, de productivité et de développement des petites et moyennes entreprises.
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Texte de la REPONSE :
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Les pouvoirs publics sont particulièrement attentifs à la question des délais de paiement qui sont, en France, supérieurs de 10 jours à la moyenne européenne. Ils souhaitent encourager toutes les initiatives pour améliorer les délais de règlement entre professionnels. Le Gouvernement encourage la négociation au sein des filières et, sous réserve du respect des règles de la concurrence, les démarches fondées sur la concertation afin que l'ensemble des professions puisse trouver des accords adaptés aux situations propres à chaque filière. Il est favorable à des accords de branche dans les secteurs qui le souhaitent, comme cela a été engagé dans l'aéronautique et l'automobile. La voie législative est toutefois nécessaire quand la négociation au sein des filières ne permet pas de progresser suffisamment. La loi du 5 janvier 2006 a ainsi plafonné les délais dans lesquels les opérateurs de transport de marchandises doivent être payés de leurs prestations pour tenir compte du fait que le secteur du transport routier de marchandises connaissait depuis au moins trois ans des difficultés financières sérieuses dues notamment à une dégradation de la trésorerie des entreprises et regroupe des entreprises dont la petite taille leur fait parfois obstacle à l'établissement de contrats totalement équilibrés, avec leurs débiteurs, qu'il s'agisse de la détermination des délais de paiement ou des clauses de révision du prix des charges de carburant. Le Gouvernement propose, dans le projet de loi sur la modernisation de l'économie, qui est examiné par le Parlement, une disposition limitant les délais de paiement à 60 jours, assortie d'un doublement des pénalités en cas de manquement. Cette mesure n'interférera pas avec les dispositions législatives ou réglementaires existantes concernant certains produits pour lesquels les délais sont déjà plus courts, ni avec les accords interprofessionnels qui pourraient être conclus et qui se traduiraient par des paiements différents, au moins de façon temporaire. Elle devrait ainsi permettre de rééquilibrer la relation entre clients et fournisseurs.
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