Texte de la QUESTION :
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Mme Dominique Orliac attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur les effets toxiques du mercure contenu dans les amalgames dentaires, plus connues sous le nom de plombages. En effet, des études ont prouvé que ce mercure, libéré et absorbé par l'Homme, avait de nombreux effets néfastes sur la santé. N'est-il d'ailleurs pas surprenant que l'utilisation du mercure ait été interdite dans de nombreux domaines, reconnaissant ainsi son caractère toxique, et que son utilisation dans la dentisterie ne fasse l'objet d'aucune restriction. S'il a bien été déconseillé aux praticiens la pose d'amalgames chez la femme enceinte et chez le jeune enfant, et que les chirurgiens dentistes se sont vu obligés de récupérer et d'éliminer les déchets mercuriels, la réglementation en la matière apparaît nettement insuffisante, mettant ainsi en danger la santé de nombreux patients et de leurs praticiens. En effet, plusieurs chirurgiens dentistes, ayant inhalé des poussières d'amalgame et des vapeurs de mercure pendant des années subissent aujourd'hui les effets néfastes du mercure sur leur santé : troubles de la marche douloureux, fonte musculaire au niveau des membres supérieurs et inférieurs, troubles centraux associés à des troubles du système nerveux. On peut donc se demander pour quelles raisons les matériaux dentaires ne sont pas soumis à des normes de toxicité comme le sont par exemple les aliments. De même, pourquoi seul le secteur dentaire reste-t-il à l'écart des réductions et des précautions dans l'utilisation du mercure. La France apparaît sérieusement en retard dans ce domaine puisque nombre de pays européens ont reconnu la toxicité du mercure des amalgames, au nom notamment du principe de précaution, indispensable en terme de santé publique. Ainsi la Suède a interdit leur utilisation depuis l'an 2000 et la justice allemande a même reconnu la responsabilité d'un fabriquant d'amalgame vis-à-vis des patients. Pourtant, des substituts aux amalgames dentaires existent, comme les résines composites. Or, leur pose exige 3 à 4 fois plus de temps que la pose d'un amalgame, le coût est 5 à 6 fois plus important et la prise en charge par la sécurité sociale est très faible. Ces facteurs empêchent la généralisation du recours à ces substituts. Elle lui demande donc de prendre des mesures fortes et concrètes pour interdire l'utilisation des amalgames dentaires dont la toxicité et les effets catastrophiques sur l'organisme ne sont plus à prouver. Elle lui demande également de bien vouloir prendre en considération la demande de prise en charge par la sécurité sociale des substituts aux amalgames dentaires, telles que les résines composites, ce qui éviterait le recours massif à des produits toxiques en matière de chirurgie dentaire.
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Texte de la REPONSE :
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Le mercure est un élément naturel présent dans la croûte terrestre, et les conséquences sanitaires d'une exposition professionnelle, industrielle, alimentaire ou environnementale au mercure sont connues de longue date, de même que les seuils de toxicité, très variables selon les formes chimiques du mercure. La politique européenne (et mondiale) tendant à réduire la mise en circulation du mercure vise principalement à prévenir l'exposition des populations au mercure, en particulier sous la forme de méthyl-mercure, qui se concentre dans la chaîne alimentaire aquatique et peut provoquer des troubles chez les personnes faisant une forte consommation de poisson et de fruits de mer. La France adhère pleinement à cette politique et, de fait, l'utilisation du mercure a été fortement réduite en France, notamment dans l'industrie de la soude ou du chlore, ou encore par l'interdiction de fabrication et de commercialisation des thermomètres médicaux au mercure. L'utilisation du mercure entrant dans la composition des amalgames en chirurgie dentaire décroît elle aussi, de façon spontanée, pour plusieurs raisons : la carie est une pathologie en régression (le nombre moyen de dents cariées par personne, à l'âge de 12 ans, a été pratiquement divisé par quatre ces vingt dernières années) ; l'importance croissante attachée aux considérations esthétiques par la population entraîne une préférence fréquente pour d'autres matériaux d'obturation ; enfin, les progrès constants de la qualité des matériaux alternatifs (composites, notamment) permettent d'offrir de plus en plus souvent des solutions de remplacement acceptables et, à terme, seront probablement en mesure de remplacer complètement les amalgames. Cependant, à ce jour et compte tenu des données disponibles, il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à interdire les amalgames. En effet, l'amalgame dentaire à base de mercure, qui est utilisé pour le traitement des caries depuis plus de cent cinquante ans, est un matériau d'obturation de bonne qualité et demeure le mieux adapté dans de nombreux cas, en particulier pour la restauration des dents permanentes postérieures, en cas de prévalence carieuse élevée et de lésions multiples et étendues, notamment chez l'enfant, l'adolescent et l'adulte jeune. En outre, les doses de mercure libérées dans l'organisme par les amalgames dentaires sont infimes et, en tout état de cause, très en deçà des seuils auxquels des effets toxiques pourraient être observés. Aucune étude scientifique n'a pu démontrer d'effets néfastes des obturations en amalgame sur l'état de santé général des patients et, malgré les milliards d'amalgames dentaires posés à travers le monde depuis des décennies, on ne connaît pas un seul cas avéré d'intoxication mercurielle d'un patient par les amalgames dentaires dont il est porteur. Parmi les chirurgiens-dentistes et le personnel des cabinets dentaires, aucun cas d'intoxication professionnelle au mercure n'a été recensé en France ces vingt dernières années. En l'état actuel des connaissances, on ne peut donc pas considérer que les amalgames dentaires présentent un risque sérieux pour la santé de la population. Il faut d'ailleurs souligner à cet égard que les pays qui ont interdit (Norvège) ou restreint (Suède, Danemark) l'utilisation des amalgames dentaires l'ont fait en se fondant sur des considérations environnementales, et non pas en raison d'une éventuelle toxicité des amalgames sur les personnes soignées. En France, par précaution et malgré cette absence de risque avéré, plusieurs mesures réglementaires relatives aux amalgames dentaires ont été prises et certaines recommandations formulées pour diminuer encore les doses de mercure diffusées dans l'organisme et dans l'environnement : ainsi, les seuls amalgames commercialisés en France sont des amalgames de type « non gamma 2 », qui libèrent très peu de mercure ; ils sont conditionnés en capsules prédosées, évitant l'excès de mercure dans l'amalgame et la diffusion de vapeurs de mercure dans l'atmosphère ; les cabinets dentaires doivent être équipés d'un séparateur d'amalgame empêchant que les déchets mercuriels ne soient rejetés avec les effluents ; le retraitement des déchets d'amalgames par des sociétés spécialisées est obligatoire. Il existe des matériaux alternatifs à l'amalgame : principalement les composites. Ceux-ci sont de plus en plus utilisés en raison de leurs qualités esthétiques (leur couleur est très proche de celle des dents), en particulier pour traiter les caries des dents antérieures et les caries de petit volume chez les patients ne présentant pas de risque carieux élevé. Les composites ne sont pourtant pas complètement substituables aux amalgames : leurs qualités mécaniques ne sont pas les mêmes, ils sont moins durables, ils n'ont pas d'action bactériostatique et leur biocompatibilité est moindre que celle des amalgames. En outre, ils sont plus complexes et plus coûteux à mettre en oeuvre que les amalgames. Ainsi, bien que les progrès des composites soient rapides (amélioration des caractéristiques mécaniques, d'adhérence, de durabilité et de biocompatibilité) et permettent d'étendre progressivement le champ de leurs indications, les avantages à long terme de ces matériaux alternatifs à l'amalgame n'ont pas, à ce jour, été établis par des études d'un niveau de preuve suffisant. L'interdiction de l'amalgame et son remplacement systématique par des matériaux alternatifs auraient aujourd'hui pour conséquences une moindre qualité de certains soins et un risque accru de récidives de caries sous obturation et de complications infectieuses. Une telle interdiction n'est donc pas envisagée. Enfin, la prise en charge des obturations dentaires par l'assurance maladie est exactement la même, que ces obturations soient en amalgame ou en composite : les patients paient le même montant d'honoraires dans les deux cas et perçoivent un remboursement identique (70 %). Une information objective et très complète sur ce sujet est disponible dans le rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) d'octobre 2005, intitulé « Le mercure des amalgames dentaires » (téléchargeable sur : http ://agmed.sante.gouv.fr).
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