Texte de la QUESTION :
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M. Damien Meslot attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les amendements adoptés par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi DADVSI. Ils aboutissent en effet à consacrer juridiquement le principe de l'échange de fichiers, le « peer-to-peer » dans le cadre d'une approche de licence globale. Le Syndicat national de la vidéo locative (SNVL) représente les professions de la vidéo, qui comptent notamment 5 000 points de location, et qui sont autant de commerces de proximité contribuant à créer du lien social jusque dans les quartiers dits sensibles. En France, leurs métiers représentent 15 000 emplois, un chiffre d'affaires annuel de 300 millions d'euros et 8 % du revenu de l'édition vidéo. La vidéo locative est un acteur totalement intégré à la filière audiovisuelle française et elle contribue ainsi au financement de la création cinématographique. Les métiers travaillant autour du cinéma ont récemment rappelé leur attachement à la chronologie des médias à la faveur d'un accord interprofessionnel intervenu sous l'égide du ministère de la culture. Les pratiques du « peer-to-peer » remettent en cause cette chronologie des médias, et menacent directement leurs métiers. En outre, ils redoutent que soit permis l'accès - avec la capacité de diffusion des nouvelles technologies - à des films avant même leur sortie officielle sur le marché français, ce qui porterait préjudice à l'ensemble de l'économie du secteur. La chronologie des médias fonde l'existence des différents canaux de distribution des produits de l'industrie cinématographique en France. En cela, elle contribue à offrir une vaste liberté de choix aux consommateurs quant à la manière de visionner un film. Bien plus, elle assure un financement efficace du cinéma auquel la licence globale ne saurait se substituer. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui faire part de son sentiment sur l'application de la loi DADVSI, et plus particulièrement sur le cas des professionnels de la location de vidéos.
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Texte de la REPONSE :
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La création culturelle vit un tournant majeur avec le développement des technologies numériques et de l'internet à haut débit. Cette révolution est évidemment riche de possibilités, grâce aux nouveaux services en ligne, mais aussi de risques importants, liés à la contrefaçon numérique. Sans la rémunération à laquelle les créateurs ont droit, la création elle-même est menacée. Un grand nombre d'internautes qui téléchargent gratuitement des oeuvres audiovisuelles sur les réseaux n'ont pas réellement conscience d'être dans l'illégalité ni de causer du tort aux créateurs, d'autres éprouvent un sentiment d'impunité. Face à ce problème complexe, la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information du 1er août 2006 a écarté le mécanisme de « licence globale » qui aurait consisté à légaliser les échanges sur les réseaux de pair à pair, en contrepartie d'une rémunération forfaitaire versée par les fournisseurs d'accès à internet. La loi repose sur le postulat suivant lequel chaque internaute doit être pleinement conscient et responsable de ses actes et la petite minorité de ceux qui sont à l'origine des systèmes de piratage doivent être clairement empêchés d'agir. En ce qui concerne la piraterie audiovisuelle, deux instruments sont à la disposition des pouvoirs publics : la dissuasion par le droit et le développement d'offres légales attractives. Ces deux aspects sont indissociables ; c'est parce que le droit protège leurs intérêts que les ayants droit peuvent s'engager dans des politiques volontaristes susceptibles de détourner les internautes des pratiques illicites. Cette double approche se trouve au coeur de l'accord de l'Élysée pour le développement et la protection des oeuvres et programmes culturels sur les nouveaux réseaux signé le 23 novembre 2007 par les pouvoirs publics, les représentants des ayants droit et les fournisseurs d'accès à internet qui participe de la mise en oeuvre des recommandations du rapport sur le « développement et la protection des oeuvres culturelles sur les nouveaux réseaux ». Cet accord vise à garantir la mise en place d'un environnement juridique favorable à l'essor de l'offre légale et à sa substitution rapide au piratage, afin que les auteurs, les artistes et ceux qui les soutiennent puissent vivre du produit de leur travail. Les professionnels du cinéma se sont ainsi engagés à mettre les films à disposition des internautes plus rapidement : six mois après la sortie en salle au lieu de sept mois et demi, dès la mise en place du dispositif anti-piratage prévu par cet accord ; puis, dans un délai d'un an, l'ensemble des « fenêtres » de la chronologie des médias sera revue pour se rapprocher des durées moyennes en Europe (environ quatre mois dans la cas de la vidéo à la demande). L'autre volet de cet accord, la prévention et la lutte contre le piratage, nécessite l'intervention d'une loi pour garantir l'équilibre des droits de chacun : le droit des créateurs, d'une part, et la protection de la vie privée des internautes, d'autre part. C'est l'objet du projet « Création et internet » qui a été présenté en conseil des ministres et déposé sur le bureau du Sénat le 18 juin 2008. Alors que l'internaute s'expose aujourd'hui à une poursuite pénale au premier téléchargement illégal, sans qu'il soit possible de l'informer des risques qu'il encourt, la lutte sera désormais essentiellement préventive, puisque des avertissements précéderont toute sanction. Ce dispositif sera mis en oeuvre par une haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet, dont la composition et le fonctionnement font l'objet de multiples garanties d'indépendance, d'impartialité et de confidentialité. Le premier avertissement de la haute autorité prendra la forme d'un courriel et le second d'une lettre recommandée, de façon à s'assurer que l'abonné a pris connaissance du manquement reproché. En cas de renouvellement du manquement, les sanctions encourues par les internautes prendront une forme - la suspension d'abonnement pour une durée de trois mois à un an - moins répressive que les sanctions pénales, qui peuvent atteindre jusqu'à trois ans de prison et 300 000 euros d'amende. En outre, les internautes pourront réduire très fortement la durée de leur suspension en acceptant une transaction par laquelle ils s'engagent à ne plus renouveler leur comportement. Dans le cas des entreprises, la haute autorité pourra recourir à une sanction alternative, sous la forme d'une injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement. Si le contrevenant récidive après cette série de recommandations, l'autorité pourra alors prendre, sous le contrôle du juge, une sanction adaptée à la nature du comportement auquel il s'agit de mettre fin : la suspension temporaire de l'abonnement internet, assortie de l'interdiction de se réabonner pendant la même durée. En principe, la suspension est d'une durée d'un an mais la haute autorité pourra proposer à l'abonné une transaction aboutissant à réduire cette durée à un mois ou, en cas de nouvelle répétition du manquement, à six mois. Cette dimension transactionnelle est de nature à accentuer l'aspect pédagogique du dispositif. Par ailleurs, conscient du rôle important que continue de jouer le DVD dans l'accès aux oeuvres et l'économie du cinéma, le Centre national de la cinématographie soutient activement l'édition vidéo au travers d'un fonds d'aide, dont les capacités d'intervention ont été maintenues, ces dernières années, à un niveau élevé. Dans ce contexte de concurrence accrue, la pérennité de l'activité des vidéoclubs repose avant tout sur l'évolution de la qualité du service que ces derniers fournissent aux consommateurs. Les efforts de modernisation entrepris par les loueurs en matière de distribution, de diversification des offres et de qualité de conseil vont ainsi dans le bon sens. Enfin, le développement de la haute définition en DVD devrait, à terme, stimuler l'activité de ce secteur.
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