DEBAT :
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VISITE DE M. KADHAFI EN FRANCE M. le
président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le groupe
socialiste, radical, citoyen et divers gauche. M. Arnaud
Montebourg. Monsieur le ministre des affaires étrangères et
européennes, la République française est en train d'offrir une réhabilitation
retentissante et dorée sur tranche au colonel Kadhafi (Exclamations sur les
bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), dont le régime a
torturé des êtres humains et rançonné, encore récemment, la communauté
internationale. Pour justifier cet écart par rapport au message universel de
la France, vous avez prétendu que ce dictateur, à la tête d'un État voyou,
serait devenu respectable. Pourtant, il y a quelques jours encore, à Lisbonne,
l'intéressé faisait devant les gouvernements européens l'apologie du
terrorisme. M. Patrick Ollier. C'est faux ! M.
Arnaud Montebourg. Vous avez prétendu que cette réconciliation ferait
progresser les droits de l'homme en Libye. Pourtant, hier, M. Kadhafi nous a
fait l'affront de dire que la question des droits de l'homme n'avait jamais été
évoquée au cours de ses entretiens avec le Président de la République, traitant
ainsi la France, au plus haut niveau, de menteuse. Vous avez enfin prétendu,
pour justifier cette pénible visite officielle, qu'elle rapporterait à la France
des contrats d'une valeur totale de 10 milliards d'euros. Le Président de la
République avait lui-même donné ce chiffre, lequel, vérification faite, s'avère
ne pas correspondre à la réalité (Exclamations sur les bancs du groupe de
l'Union pour un mouvement populaire), puisque le montant total des contrats
signés lors de cette visite ne s'élève qu'à 300 petits millions d'euros :
l'essentiel a été signé avant, ou n'a pas été signé du tout ! Entre affronts,
humiliations et zizanies, cette visite tourne à la farce tragi-comique
! M. Lucien Degauchy. Quel cinéma ! M. Arnaud
Montebourg. Elle ridiculise la France, affaiblit la force de sa parole
et ternit l'universalité de son message. Que des relations diplomatiques
normales soient rétablies avec la Libye, cela se conçoit ; mais que la France
fasse à son régime le cadeau d'une réhabilitation à grands frais, c'est une
maladresse qui nous coûtera ! (Exclamations sur les bancs du groupe de
l'Union pour un mouvement populaire.) Monsieur le ministre, vous avez dit
récemment qu'il fallait savoir de temps en temps " avaler son chapeau " :
jusqu'où irez-vous dans la négation de vous-même ? (Applaudissements sur les
bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques
bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) M. le
président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et
européennes. M. Bernard Kouchner, ministre des affaires
étrangères et européennes. Monsieur le député, j'irai le moins loin possible
! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et
divers gauche.) M. Jean-Paul Bacquet. Vous êtes allé
déjà trop loin ! M. le ministre des affaires étrangères et
européennes. Vous avez cité certaines prises de position de M. Kadhafi
; sachez que je les réprouve, tout comme l'ensemble des députés ici présents !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement
populaire et du groupe Nouveau Centre.) Certes, la pauvreté pousse
parfois au terrorisme, mais justifier ce dernier, comme M. Kadhafi a eu l'air de
le faire à Lisbonne en disant qu'il était l'arme des pauvres, cela nous le
condamnons ! M. Arnaud Montebourg. Il n'a pas " eu l'air ",
il l'a fait ! M. le ministre des affaires étrangères et
européennes. Lorsque M. Kadhafi a dit qu'il n'était pas favorable aux
accords de paix entre Israël et la Palestine, il a eu tort, et nous le
condamnons ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Lorsqu'il a
appelé au respect des droits de l'homme ici, en France et en Europe, c'était
pitoyable, et nous le condamnons ! (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre -
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers
gauche.) M. Arnaud Montebourg. Alors, pourquoi le
recevoir ? M. le ministre des affaires étrangères et
européennes. Monsieur Montebourg, il y a les paroles, que nous
condamnons, mais il y a aussi, depuis quelques années, une réelle évolution du
régime ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen
et divers gauche.) M. Michel Pajon. Les paroles sont
celles d'aujourd'hui ! M. le ministre des affaires étrangères et
européennes. En 2003, le colonel Kadhafi a cessé de fabriquer des armes
de destruction massive ; la même année, il renonçait au terrorisme et rendait
les stocks d'armes qu'il possédait. En 2006, il a supprimé la peine de mort :
depuis, aucun condamné n'a été exécuté. (Exclamations sur les bancs du groupe
socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) M. Michel
Sapin. Tu es pathétique, Bernard ! M. le ministre des
affaires étrangères et européennes. Depuis, il a fait encore plus : en
2007, grâce à la pression de l'Europe et de la France, il a relâché les
infirmières bulgares. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste,
radical, citoyen et divers gauche.) Cette évolution est suffisamment
importante pour que, dans le cadre d'une diplomatie de la réconciliation, nous
jugions possible une visite en France ; d'ailleurs, M. Kadhafi se rendra en
Espagne samedi, et M. Zapatero ne dira pas autre chose ! (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe
Nouveau Centre - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical,
citoyen et divers gauche.) Alors que le terrorisme frappe
quotidiennement, hier en Algérie, aujourd'hui à Beyrouth, il convient de
favoriser l'évolution d'un homme qui le condamne - et qui s'est d'ailleurs élevé
hier contre les deux attentats d'Alger. M. Bernard Perrut.
Très bien ! M. le ministre des affaires étrangères et
européennes. Certes, c'est un pari. Mais si on ne les encourage pas,
que dira-t-on aux pays qui cherchent à évoluer - comme, par exemple, l'Iran
? Nous ne sommes pas naïfs, nous n'avons rien abandonné, nous défendons
toujours les droits de l'homme - mais il est parfois plus difficile encore de se
contraindre à certaines actions, lorsque c'est à ses dépens. En retour, nous
n'exigeons pas d'enthousiasme de votre part, monsieur Montebourg, mais nous
souhaitons qu'il n'y ait pas non plus d'hypocrisie. (Applaudissements sur de
nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe
Nouveau Centre - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical,
citoyen et divers gauche et sur quelques bancs et du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine.) M. Jean-Pierre Balligand.
C'est Talleyrand ! M. Jean Glavany. Un caméléon !
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