FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 24854  de  M.   Habib David ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Pyrénées-Atlantiques ) QE
Ministère interrogé :  Culture et communication
Ministère attributaire :  Culture et communication
Question publiée au JO le :  10/06/2008  page :  4807
Réponse publiée au JO le :  10/02/2009  page :  1317
Date de signalisat° :  03/02/2009
Rubrique :  patrimoine culturel
Tête d'analyse :  musées
Analyse :  gratuité. extension
Texte de la QUESTION : M. David Habib attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur le projet de gratuité des musées et sur l'expérimentation engagée en ce début d'année. À l'heure actuelle, le Gouvernement semble privilégier la piste de la gratuité totale pour les collections permanentes des musées nationaux, avec pour objectif de « provoquer le désir de rencontres artistiques chez ceux qui ne sont pas familiers de ces lieux ». La gratuité totale ne semble pourtant pas un moyen efficace de parvenir à cet objectif : l'expérience du Royaume-uni par exemple a montré ses limites. Dans un premier temps, la fréquentation des musées nationaux a considérablement augmenté dans le sens où le public habituel profite de l'aubaine pour fréquenter plus souvent les musées mais en aucun cas ça n'a permis d'attirer de nouveaux publics. Par ailleurs, la gratuité des collections permanentes s'est accompagnée de l'apparition de tarifs prohibitifs sur les expositions temporaires. Cette réforme pose également le problème du financement des musées. La perte serait considérable et risquerait de mettre en péril les activités de conservation, de restauration ou encore de publication qu'assurent les musées. En outre, les financements alternatifs, mécénat ou diversification des services proposés, ne concerneront très certainement que les musées les plus importants. D'autre part, plus de 60 % des visiteurs des musées nationaux sont des touristes étrangers pour lesquels le prix ne constitue pas un élément de décision. Enfin, une autre limite concerne la limite en temps de l'expérimentation (6 mois), qui ne permettra probablement pas de tirer des conclusions fiables. En revanche, la gratuité ciblée peut être utile pour attirer de nouveaux publics et stimuler de nouvelles pratiques culturelles. Dans cette hypothèse, l'inconvénient du financement est également écarté. Il semblerait légitime de se pencher tout d'abord sur l'accès des publics pour lesquels les musées représentent un outil incontournable. Si certains étudiants bénéficient depuis longtemps de la gratuité pour les monuments et musées nationaux, notamment dans les filières artistiques, pourquoi les étudiants en histoire n'en bénéficieraient-ils pas ? Plus largement que la seule question de l'utilité, une gratuité ciblée sur les étudiants ne permettrait-elle pas de stimuler de nouvelles pratiques culturelles ? On doit également considérer la situation sociale des étudiants : la faiblesse de leur pouvoir d'achat et la précarité dans laquelle ils doivent parfois vivre. Une gratuité ciblée sur les étudiants ou encore sur la jeunesse paraît plus adaptée que la gratuité totale. Aussi, il lui demande d'examiner la piste d'une gratuité ciblée pour l'ensemble des étudiants.
Texte de la REPONSE : La fréquentation des quelque 1 200 musées ayant reçu le label « musée de France » est estimée pour 2008 à plus de 52 millions de visiteurs, ce qui place nos musées au premier rang mondial. A eux seuls, les 33 musées nationaux relevant du ministère de la culture et de la communication ont accueilli près de 50 % de cette fréquentation, soit plus de 25 millions de visiteurs, tandis que les 100 monuments nationaux en recevaient de leur côté plus de 9 millions. Ces chiffres impressionnants rendent bien compte du très fort attrait de nos établissements et sites patrimoniaux. Ils sont le fruit des politiques de modernisation menées depuis de longues années sous l'impulsion de l'ensemble des collectivités publiques par les musées et les monuments de notre pays. Mais ce succès de fréquentation, qui, pour une bonne part, est le reflet de l'attrait que la France exerce sur les touristes, ne s'accompagne pas de la diversification sociale des publics dont le Gouvernement a fait une priorité. Parmi les différentes causes avancées pour expliquer cette insuffisante démocratisation culturelle, l'obstacle économique lié à la tarification de l'accès aux musées et aux monuments a souvent été évoqué, posant ainsi la question de l'accès gratuit aux collections permanentes de ces institutions. C'est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont demandé à Mme la ministre de la culture et de la communication, dans la lettre de mission qu'ils lui ont adressée le 1er août 2007, de « conduire une expérimentation de gratuité » avec un échantillon d'établissements sélectionnés. Cette expérimentation a été menée pendant six mois, du 1er janvier au 30 juin 2008. Quatorze institutions nationales, dépendant de différents ministères, ont testé la gratuité totale. L'échantillon retenu est représentatif de la grande diversité des établissements en terme de situation géographique et de contexte local, de thèmes et de période traités. De plus, quatre grands musées parisiens ont mis en place un dispositif de gratuité, un soir par semaine, à destination du jeune public adulte entre 18 et 25 ans. L'expérimentation avait pour objectif d'évaluer l'impact de la gratuité sur l'affluence mais également sur la diversification du public de ces établissements, afin de mesurer si un tel dispositif permet effectivement d'attirer des visiteurs qui n'ont pas l'habitude de s'y rendre, voire qui ne s'y sont jamais rendus. Cette expérimentation a fait l'objet de plusieurs études quantitatives et qualitatives qui ont permis au Gouvernement d'en tirer les enseignements et, sur cette base, de prendre des décisions nouvelles en faveur de la diversification des publics et de la démocratisation culturelle. Les principaux enseignements de l'expérimentation nationale sont les suivants. L'expérimentation de gratuité totale fait apparaître que le nombre de visiteurs a augmenté de 52 % en moyenne au cours des six premiers mois de 2008 en comparaison avec les six premiers mois de l'année précédente. Ce résultat positif est toutefois à relativiser par différents éléments quantitatifs identifiés : la courbe d'évolution de la fréquentation durant les six mois connaît un pic en février (+ 73 %), puis fléchit pour tomber à + 40 % en mai-juin. On peut y déceler l'indice que le succès de la gratuité est lié à l'effet de nouveauté et est donc temporaire ; - d'importantes disparités existent selon les sites, l'augmentation de la fréquentation étant beaucoup plus notable pour les établissements à faible fréquentation (moins de 50 000 visiteurs par an) que pour les plus fréquentés ; - La gratuité ne modifie guère les habitudes de visites saisonnières établies les années précédentes et ne remet donc pas réellement en cause les tendancehlourdes de la fréquentation. Au-delà de l'aspect quantitatif, les éléments de l'enquête réalisée auprès de plus de 6 500 visiteurs résidents en France font apparaître les principales caractéristiques qualitatives suivantes : l'absence d'impact de la mesure de gratuité sur la part des primo-visiteurs. Six visiteurs sur dix sont venus pour la première fois sur le site visité, ce taux moyen de primo-visiteurs étant conforme à ce qu'il est d'ordinaire dans les musées parisiens. Il est en légère augmentation dans les autres établissements en région, indiquant que l'expérimentation a mobilisé le public de proximité. Parmi les visiteurs interrogés, 85 % ont exprimé leur intention de revenir mais seulement 28 % ont conditionné ce retour à une offre de gratuité ; - les attentes des publics vis-à-vis de la gratuité se révèlent majoritairement en faveur d'une gratuité ciblée, régulière ou occasionnelle. Ce sont les visiteurs les moins familiers des musées qui se prononcent le plus pour cette forme de gratuité. Le cas particulier de l'expérimentation de nocturnes gratuites pour les jeunes de 18 à 25 ans, un soir par semaine dans quatre établissements (musée du Louvre, musée d'Orsay, Centre Pompidou, musée du quai Branly) a permis d'identifier : - une hausse du flux des jeunes de 18-25 ans fréquentant les nocturnes de + 40 % à + 64 selon les établissements ; un effet d'attraction non négligeable sur les jeunes des milieux sociaux les plus éloignés de la culture : 37 % des jeunes visiteurs des nocturnes habitant en Ile-de-France ont un père ouvrier ou employé et 5 % d'entre eux sont de jeunes actifs, ouvriers ou employés. Ce type de gratuité est un déclencheur qui introduit le musée comme pratique concurrente des autres loisirs culturels que sont le cinéma ou les sorties gratuites de type promenade. Si l'expérimentation a montré que la gratuité générale ne permet pas de faire évoluer significativement les origines sociales des visiteurs, elle a en revanche fait apparaître l'attrait d'une offre gratuite spécifique et régulière, notamment pour les jeunes et les jeunes adultes, mais aussi pour les enseignants, afin de les aider et les encourager dans leur rôle irremplaçable de « passeurs ». Le Président de la République a annoncé, lors de la présentation de ses voeux aux acteurs de la culture à Nîmes le 13 janvier 2009, « la gratuité d'accès aux musées et aux monuments nationaux pour les jeunes de moins de 26 ans ainsi qu'à leurs professeurs » Cette annonce s'appuie sur les résultats de l'étude puisque les jeunes visiteurs avaient exprimé très majoritairement leur satisfaction de pouvoir entrer librement dans les musées. Pour les enseignants, la généralisation de la gratuité s'inscrit dans le cadre de l'éducation artistique et culturelle et du développement de l'enseignement de l'histoire des arts à l'école. Est réaffirmé l'accès gratuit des enseignants de toute discipline du primaire et du secondaire afin de favoriser le développement des partenariats et des projets pédagogiques autour des arts. Ces mesures entreront en vigueur le 4 avril 2009, premier jour des vacances de printemps. Il sera demandé aux jeunes ainsi qu'aux enseignants de se présenter aux caisses des musées et des monuments pour se voir offrir un billet gratuit permettant ainsi une comptabilisation fiable. Ces nouvelles mesures de gratuité seront clairement affichées à l'accueil des musées dépendant de l'État et monuments nationaux relevant du ministère de la culture et de la communication et feront l'objet d'une information relayée par les personnels d'accueil et de surveillance - aux jeunes sera demandée une pièce d'identité - de préférence un passeport mentionnant l'appartenance à l'Union européenne - la mesure permettant l'accès gratuit des jeunes de moins de 26 ans ressortissants de l'Union européenne aux collections permanentes des musées et aux monuments ; aux enseignants sera demandée une carte professionnelle délivrée par le ministère de l'éducation nationale, validée annuellement et apportant la preuve de l'exercice actif de leur profession, la carte permettrait l'accès gratuit aux collections permanentes, aux musées et aux monuments. Ces mesures de gratuité qui, dans une grande majorité d'établissements, se substituent à un tarif réduit ou à quelques heures de gratuité par semaine, ont pour objectif, s'agissant des jeunes de plus de 18 ans, d'encourager une pratique muséale et de favoriser leur venue au musée dans un cadre non plus scolaire ni familial mais amical ou en groupe. En choisissant la voie de l'expérimentation, le gouvernement a voulu que les publics comme les musées et les monuments puissent tirer le meilleur parti de la gratuité. En ciblant la gratuité sur les jeunes de moins de 26 ans, il a retenu une mesure qui est susceptible de produire un impact durable sur la fréquentation et de constituer un authentique progrès de la démocratisation culturelle, parce que pour cette tranche d'âge qui sort du système scolaire, cette période peut-être aussi bien celle de l'enracinement dans les pratiques culturelles que celle d'un décrochage. Attirer et fidéliser les jeunes adultes est donc un enjeu majeur pour les institutions culturelles et la gratuité devrait contribuer à sa réalisation.
S.R.C. 13 REP_PUB Aquitaine O