FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 25042  de  M.   Urvoas Jean-Jacques ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Finistère ) QE
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Défense
Question publiée au JO le :  17/06/2008  page :  5024
Réponse publiée au JO le :  25/11/2008  page :  10180
Date de changement d'attribution :  05/08/2008
Rubrique :  anciens combattants et victimes de guerre
Tête d'analyse :  déportés
Analyse :  revendications. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le combat mené devant les juridictions administratives par de nombreuses victimes de la déportation et leurs familles, afin que soit enfin reconnue la responsabilité de l'État dans les transferts vers les camps de transit et camps de concentration et d'extermination, notamment à partir de Drancy et Pithiviers. M. le Président de la République prétend s'inscrire en la matière dans la droite ligne de son prédécesseur qui, lors son allocution commémorative du 16 juillet 1995, avait admis la complicité des Français et de l'État français dans la folie meurtrière de l'occupant. La responsabilité de l'administration dans la mise en oeuvre de la politique nazie est donc largement admise aujourd'hui par nos dirigeants. Aussi, et alors même que les recours engagés revêtent un caractère principalement symbolique, il est incompréhensible que l'administration ait osé opposer aux demandes de réparation des victimes ou de leur famille, afin d'échapper à toute condamnation financière, l'exception de prescription quadriennale, sans même tenir compte de la question de l'engagement de la responsabilité étatique, qui n'est ni contestée ni contestable. Un tel comportement constitue un déshonneur pour la France et une nouvelle atteinte aux droits des victimes, juives notamment ; et ce, d'autant plus que l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, tels que la déportation, fait partie intégrante de notre droit. La « dette imprescriptible » que nous avons à leur égard, soulignée par Jacques Chirac en 1995, ne peut dignement être balayée de la sorte. On ne peut à la fois évoquer en public, à l'instar du Président Nicolas Sarkozy lors du dîner annuel du CRIF le 13 février dernier, « les principes, valeurs et vertus dont la violation, par le passé, a fait vivre à notre pays ses pages les plus noires » et, devant la Justice, esquiver par un artifice de procédure la responsabilité historique de l'État. Il lui demande donc si le Gouvernement entend réellement se retrancher derrière cette règle procédurale qui ne peut, en l'espèce, être légitimement invoquée, ou si, au contraire, sa position est susceptible d'évoluer sur cette question particulièrement sensible.
Texte de la REPONSE : L'État ne conteste pas la responsabilité qui est la sienne à raison des actes ayant concouru à la déportation, accomplis par les autorités françaises au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, dans un discours prononcé le 16 juillet 1995 à l'occasion de la commémoration de la rafle du « Vel d'Hiv », le Président de la République avait solennellement reconnu la responsabilité de l'État français dans la déportation des juifs de France. Récemment encore, le 22 juillet 2007, le Premier ministre a rappelé, au nom du Président de la République et du Gouvernement, la responsabilité de la France dans la rafle et la déportation de juifs durant la Seconde Guerre mondiale. De même, lors de la commémoration du 63e anniversaire de la victoire du 8 mai 1945, le chef de l'État a réaffirmé que, en ce qui concerne le second conflit mondial, « aucune faute, aucun crime ne doit être oublié ». Cette reconnaissance de responsabilité s'est notamment traduite par la création en 1997 de la mission d'étude sur la spoliation des juifs de France, dont les recommandations ont conduit à la mise en place de mécanismes particuliers de réparation : création par le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 d'une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; institution par le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 d'une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. De plus, une aide financière a été instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Certaines personnes ont en outre choisi, au cours des années récentes, d'engager des actions contentieuses selon le droit commun. Ces actions sont soumises aux règles générales applicables aux requêtes indemnitaires, et notamment à l'application des règles de prescription établies par la loi. L'article 6 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription quadriennale des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics, dispose ainsi que « les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ». La mise en oeuvre des règles de prescription à ces demandes particulières d'indemnisation soulève toutefois des questions juridiques très délicates, dont le Conseil d'État est aujourd'hui saisi par un jugement de renvoi pour avis rendu par le tribunal administratif de Paris, et sur lesquelles il devrait se prononcer prochainement.
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