Texte de la QUESTION :
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M. Alain Bocquet attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur les préoccupations des professionnels de la santé concernant la situation et l'avenir du secteur privé de l'analyse de biologie médicale. Dans une déclaration récente, les ordres nationaux des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des masseurs-kinésithérapeutes se sont exprimés clairement contre « la mainmise des investisseurs financiers sur les professionnels et les services de santé ». Ensemble, ils contestent l'idée que les autorités françaises puissent, comme c'est le cas, céder à « la pression de la Commission européenne et de certains grands investisseurs ». Ensemble, ils dénoncent les « dangers les plus graves pour la santé publique » qui en résulteraient : création de groupes dominants ; détournement d'une partie des ressources de l'assurance-maladie « au profit d'investisseurs extérieurs (fonds de pensions étrangers ou internationaux, fonds souverains), soucieux uniquement de maximiser leurs dividendes » ; ingérences dans l'organisation des soins ; aggravation des inégalités d'accès aux soins dans les zones peu attractives ; disparition progressive de l'exercice libéral des professions de santé ; risque d'utilisation « des données individuelles de santé par des assureurs ou des banques appartenant aux groupes investisseurs ». Faut-il le souligner, le marché français de la biologie médicale, qui représente 4 milliards d'euros, est le premier d'Europe. Il excite les convoitises et de très grands groupes sont prêts à fondre sur les 4 000 laboratoires d'analyses qui existent dans notre pays, alors qu'il n'en subsiste qu'à peine 200 en Allemagne. Tous ces éléments ont conduit par exemple les biologistes de la région Nord Picardie à évoquer le risque d'un tsunami sur la biologie médicale française. Ils savent que « l'ouverture aux non-professionnels, du capital des sociétés exploitant un ou plusieurs laboratoires », à laquelle paraît décidé le gouvernement, pourrait faire passer « tout le monde de la santé (...) sous le contrôle des financiers ». Ils rappellent que le Président de la République, dans sa campagne électorale de 2007 « s'était engagé à ne pas accepter la mainmise de groupes financiers sur la biologie ». Tenant compte de l'ensemble de ces éléments, des dangers qu'ils constituent pour l'organisation de notre système de santé, pour le droit à la santé et pour l'égalité des soins, pour l'avenir des 4 000 laboratoires d'analyses de biologie médicale et des dizaines de milliers d'emplois qui s'y attachent, il lui demande quelles dispositions le Gouvernement entend prendre, y compris dans le cadre de la Présidence française de l'Union européenne, pour écarter ces menaces et celles d'une déréglementation totale de la profession.
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Texte de la REPONSE :
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Le diagnostic biologique d'une maladie est une étape déterminante de sa prise en charge. La biologie ne saurait être considérée comme un service de type commercial et la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative a défendu avec vigueur son exclusion du champ de la directive « services » en cours de transposition dans le droit français. Le rôle médical de la biologie ne saurait donc être remis en cause et il importe de le renforcer pour lui donner sa pleine mesure. Le large chantier de réforme que la ministre a lancé associe, sous la coordination de Michel Ballereau, l'ensemble des acteurs impliqués dans cet exercice et en premier lieu les biologistes. Dans un rapport d'avril 2006, l'Inspection générale des affaires sanitaires et sociales (Igas) soulignait en effet que la loi du 11 juillet 1975 régissant les laboratoires d'analyse de biologie médicale (LABM) n'était plus, trente ans après son adoption, pleinement adaptée aux enjeux actuels de qualité, de compétitivité et de financement du secteur et préconisait d'engager une réforme globale du système actuel. L'évolution des besoins, des technologies, des connaissances médicales et des exigences de continuité des soins, qui nécessitent un décloisonnement tant entre professionnels de santé qu'entre ville et hôpital, ainsi que l'environnement européen : autant d'éléments qui imposent de repenser l'organisation de cette discipline, son rôle au sein du parcours de soins, les règles qui la régissent, les garanties qui doivent être apportées aux patients et l'efficience du financement. Chacun doit pouvoir avoir accès à une biologie médicale de qualité prouvée, payée à sa juste valeur. La qualité de l'offre de soins doit être garantie de la même façon en ville et à l'hôpital. Cette réforme s'inscrit donc pleinement dans l'esprit du projet de loi, Hôpital, patients, santé, territoires, en pleine concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux, ainsi qu'avec les parlementaires. Un groupe de travail spécifique sur la biologie a d'ailleurs été constitué afin d'avancer ensemble et en cohérence sur ce chantier. Le Gouvernement associe étroitement depuis plusieurs mois l'ensemble des syndicats de biologistes, libéraux, hospitaliers et internes, aux travaux de cette mission et aux réflexions sur l'évolution du secteur. Ces travaux doivent bien sûr prendre en compte la réglementation européenne. La Commission européenne conteste, depuis 2005, sur la base de l'article 43 du Traité de Rome, notamment la limitation actuelle à 25 % du capital des sociétés d'exercice libéral de LABM pouvant être détenus par des non-biologistes. Elle considère que cette limitation constitue une entrave à la liberté d'établissement, non proportionnée à l'intérêt général. Sans mouvement de réforme sur ce sujet, la Commission s'apprêtait à saisir la Cour de Justice des Communautés européennes, afin de constituer une jurisprudence sur ce principe. La réforme doit donc intégrer ce paramètre et en tenir compte pour construire la biologie de demain. Il n'est cependant pas question de remettre en cause les fondamentaux et notamment le caractère médical de la profession de biologiste, qui sera au contraire renforcé.
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