FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 30615  de  M.   Brottes François ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Isère ) QE
Ministère interrogé :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère attributaire :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Question publiée au JO le :  16/09/2008  page :  7934
Réponse publiée au JO le :  24/02/2009  page :  1854
Rubrique :  droits de l'homme et libertés publiques
Tête d'analyse :  fichiers informatisés
Analyse :  EDVIGE. création. contenu
Texte de la QUESTION : M. François Brottes attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le décret n° 2008-632 du 28 juin 2008 qui autorise le Gouvernement à mettre en place une nouvelle base de données d' « Exploitation Documentaire et Valorisation de l'Information Génerale » (EDVIGE) , afin de collecter des informations à caractère personnel sur certaines personnes publiques ou individus et groupes "susceptibles de porter atteinte à l'ordre public", afin d'informer le Gouvernement et ses représentants dans les départements et les collectivités. Selon l'article 1er du décret, cette base de données concerne toutes « personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif », c'est-à-dire tout individu ayant un jour participé, par ses écrits, ses paroles, ses actes ou sa profession, à la vie publique. Les données enregistrées concernent les personnes âgées de 13 ans et plus. Elles contiennent les éléments suivants : informations ayant trait à l'état civil et à la profession ; adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques; signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement; titres d'identité; immatriculation des véhicules; informations fiscales et patrimoniales; déplacements et antécédents judiciaires; motif de l'enregistrement des données; données relatives à l'environnement de la personne, notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec elle. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a exprimé publiquement dans un communiqué ses plus vives réserve à l'égard de ce fichier informatisé, notamment en ce qui concerne la durée de conservation des données, l'âge des personnes susceptibles d'être enregistrées (dès 13 ans) et la possibilité de collecter désormais des informations relatives aux origines ethniques, à la santé et à la vie personnelle, telle l'orientation sexuelle, ce qui entre en contradiction avec l'article 8 de la CNIL. De plus, les intéressés auront un droit d'accès minoré par rapport à d'autres casiers, réduit à une saisine de la CNIL (art. 41 de la loi) mais sans droit de communication ou de rectification des données enregistrées. De très nombreuses associations et syndicats professionnels se sont alertés que la lutte contre le terrorisme ou la protection de nos concitoyens soient invoquées comme prétexte à des mesures portant manifestement atteinte aux libertés publiques. Constatant que la mise en place de cette application informatique intervient en l'absence de tout débat public et au mépris des réserves émises par la CNIL, il lui demande par conséquent de lui faire connaître les conditions de révision de ce décret. Il s'inquiète par ailleurs de la multiplication des bases de données informatisées développées sans que les objectifs n'en soient clairement définis et les modalités sécurisées, et sans tenue préalable d'un débat public et transparent sur ces applications. Après «Base Elèves», dans l'éducation nationale, le décret n° 2008-631 du 27 juin 2008 a ainsi également porté création du fichier de renseignement « CRISTINA » (Centralisation du Renseignement Intérieur pour la Sécurité du Territoire et les Intérêts NAtionaux), destiné à la nouvelle Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI). La CNIL a émis un avis « favorable avec réserves », non publié car classé secret défense, ce qui ne permet pas de connaître les raisons de l'avis favorable ni la nature des réserves. Sans remettre en cause la nécessité pour les services de renseignement de disposer des outils nécessaires à l'exercice de leurs missions, il convient toutefois de s'assurer que les données collectées sont pertinentes et que les caractéristiques et le fonctionnement de ces différents fichiers sont encadrés d'une part, et fassent l'objet d'une transparence démocratique d'autre part. C'est pourquoi il lui demande quelles garanties elle entend proposer pour encadrer dorénavant l'élaboration et l'évolution de tout fichier de renseignement.
Texte de la REPONSE : La réforme du renseignement mise en oeuvre par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a conduit à la création, le 1er juillet, de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et à la disparition de la direction de la surveillance du territoire (DST) et de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG). L'une des missions qu'exerçait la DCRG, la mission d'information générale, incombe désormais à la sécurité publique (et à Paris à la préfecture de police). Afin de permettre à la sécurité publique d'assurer sa nouvelle mission et donc de reprendre l'usage du fichier précédemment géré par la DCRG (amputé de ce qui concerne le renseignement intérieur, transféré à la DCRI, et les courses et jeux, transférés à la police judiciaire), il a été nécessaire d'instituer un nouveau cadre juridique, par un décret du 27 juin 2008. Ce fichier appelé EDVIGE constituait donc purement et simplement une reprise partielle du fichier des renseignements généraux créé par décret du 14 octobre 1991, intégrant les modifications apportées par une directive de 1995 et une loi de 2004. Son texte, soumis au Conseil d'État, prenait en compte des demandes de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Il a pourtant suscité des inquiétudes et des malentendus. Afin d'y apporter des réponses, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a ouvert une vaste consultation puis décidé de présenter un nouveau décret. Il convient à cet égard de souligner qu'eu égard notamment à la décision du ministre de retirer le décret portant création d'EDVIGE, le Conseil d'État, saisi en référé, a rejeté le 29 octobre un recours présenté par plusieurs associations tendant à la suspension du décret du 27 juin. Ce dernier a été retiré par un décret du 19 novembre 2008. Le nouveau fichier ne comportera que des données directement liées à la sécurité publique ou permettant de répondre aux demandes d'enquêtes de recrutement imposées par la loi. Il apporte des garanties renforcées à la liberté individuelle et au droit au respect de la vie privée, tout en préservant les moyens nécessaires aux forces de police pour assurer efficacement la sécurité des Français.
S.R.C. 13 REP_PUB Rhône-Alpes O