Texte de la QUESTION :
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M. Lionel Tardy attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur les problèmes grandissants posés par la présence du loup en France. Arrivé sur le territoire national en 1992, sa présence n'a pas cessé de progresser dans les Alpes, commence à être attestée dans le Massif central, et dans quelques années, il sera dans les Pyrénées. La population de loups est en croissance exponentielle ; cela se remarque au nombre d'attaques, qui augmentent tous les ans et se produisent de plus en plus tôt dans la saison. En Haute-Savoie, la première attaque a eu lieu le 3 mai et nous en sommes déjà à six attaques, dont au moins trois sont imputables au loup. Il est évident que nous avons changé de dimension, et que les réponses des pouvoirs publics ne sont plus adaptées. Les indemnisations financières pouvaient compenser les pertes en cas d'attaques ponctuelles et isolées ; elles ne le sont plus en cas d'attaques répétées. L'effarouchement étant largement inefficace, il faut pouvoir procéder aux tirs et aux prélèvements plus rapidement. L'an dernier, six prélèvements ont été autorisés, deux seulement ont été effectués. L'arrêté pour la saison 2007-2008, pris le 13 avril 2007 est caduc depuis le 31 mars dernier et nous attendons toujours celui de la saison 2008-2009. Cette situation, qui place les éleveurs et le préfet dans l'impossibilité de mettre en oeuvre des tirs de défense ou de prélèvement, ne peut perdurer, alors même que tous les troupeaux sont déjà en alpage. Un assouplissement apparaît bien dans le projet présenté en groupe national loup du 23 avril, concernant les possibilités ouvertes dans les UA1, nouveau type d'unité d'action dans lesquelles une zone permanente de présence du loup existe depuis au moins 5 ans. Cependant ce délai, requis pour considérer que la persistance d'attaques justifie une mise en oeuvre facilitée du tir de défense, alors que la mise en oeuvre des moyens de protection s'avère insuffisamment efficace, apparaît bien long. Un délai de trois ans semble plus adapté à la diversité des situations existantes dans l'arc alpin, et permettrait par exemple à la Haute-Savoie de bénéficier de ces évolutions, dans un contexte où la présence permanente du loup est avérée depuis 2004, et alors même que certains éleveurs se sont découragés et ont abandonné les alpages. Concernant l'indemnisation des dommages aux troupeaux, une simplification des procédures mises en oeuvre (dans le cadre desquelles diverses structures, DDAF, ONCFS au niveau central se relayent) serait de nature à simplifier et fluidifier le circuit des dossiers et permettrait de raccourcir les délais d'indemnisation pour les éleveurs. Il propose que l'on puisse s'appuyer sur des organismes locaux en charge du pastoralisme (comme la société d'économie alpestre pour le département de la Haute-Savoie), qui pourrait, après délégation des moyens par le ministère, assurer le paiement directement auprès des éleveurs, dès validation par le préfet de département. Il lui demande ce qu'il entend mettre en oeuvre pour contenir le loup et permettre au pastoralisme et aux activités touristiques de se poursuivre dans de bonnes conditions.
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Texte de la REPONSE :
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CONSÉQUENCES DE LA PRÉSENCE DU LOUP EN FRANCE M. le président. La parole est à M. Lionel
Tardy, pour exposer sa question, n° 319, relative aux conséquences de la
présence du loup en France. M. Lionel Tardy. Monsieur le
président, madame la secrétaire d'État, vous me permettrez d'abord, en tant
qu'élu de la Haute-Savoie et au nom de nous tous ici réunis, d'avoir une pensée
toute particulière pour les sept enfants victimes du tragique accident entre un
autocar et un TER, hier après-midi à Allinges, dans mon département, ainsi que
pour leurs familles. M. le président. Je vous interromps un
instant, M. Tardy, pour vous informer qu'hier soir, l'Assemblée nationale a
observé une minute de silence afin de rendre hommage aux victimes et s'associer
à la douleur de leurs familles. M. Lionel Tardy. Je vous en
remercie. Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interpeller sur les
problèmes grandissants posés par la présence du loup en France. Arrivé sur le
territoire national en 1992, le loup n'a cessé d'accroître sa présence dans les
Alpes ; il commence à être signalé dans le Massif Central, et il risque de
gagner les Pyrénées dans quelques années. La croissance exponentielle de la
population de loups se remarque au nombre d'attaques qui augmentent tous les ans
et se produisent de plus en plus tôt dans la saison. En Haute-Savoie, la
première a eu lieu le 3 mai et nous en sommes déjà à six, dont au moins trois
sont imputables au loup. En 2007, il y en a eu 287 dans le département. Fait
nouveau, deux ont concerné des bovins, alors que les loups ne s'attaquaient
jusqu'alors qu'à des ovins. Il est évident que nous avons changé de
dimension, et que les réponses des pouvoirs publics ne sont plus adaptées. Les
indemnisations financières pouvaient compenser les pertes en cas d'attaques
ponctuelles et isolées ; elles ne le font plus en cas d'attaques répétées. Il y
a, dans ces cas, un préjudice financier, moral et affectif trop souvent ignoré,
voire nié. Ce sentiment de déni est renforcé par l'attitude de
l'administration qui semble chercher systématiquement à minimiser la
responsabilité du loup dans les attaques. Cette position n'est plus tenable,
surtout quand une vache de plusieurs centaines de kilos est attaquée et traînée
sur plusieurs dizaines de mètres, avec cinquante kilos de viande prélevés. Même
dans ce cas-là, l'administration classe l'incident en catégorie " loup non exclu
", alors qu'elle devrait, au contraire, le classer en " loup probable
". Cette prolifération du loup est lourde de conséquences économiques pour
l'élevage, mais aussi pour le tourisme de montagne. Si les bergers ne peuvent
plus emmener leurs bêtes en altitude, personne n'assurera plus l'entretien de
ces espaces, et les risques d'avalanche vont fortement augmenter. Les
randonneurs seront confinés dans des sentiers balisés et protégés, avec
interdiction d'en sortir sous peine d'être attaqués par les chiens patou. De
nombreux procès sont en cours concernant des morsures par chiens patou. Sur
cette question des loups, il est nécessaire de passer à la vitesse supérieure.
L'effarouchement étant largement inefficace - j'ai pu le constater moi-même -,
il faut pouvoir procéder aux tirs et aux prélèvements plus rapidement. L'an
dernier, six prélèvements ont été autorisés, deux seulement ont été effectués.
L'arrêté pour la saison 2007-2008, pris le 13 avril 2007, est caduc depuis le 31
mars dernier. Nous attendons toujours celui de la saison 2008-2009. Cette
situation, qui place les éleveurs et le préfet dans l'impossibilité de mettre en
oeuvre des tirs de défense ou des prélèvements, ne peut perdurer, alors même que
tous les troupeaux sont déjà en alpage. Un assouplissement apparaît bien dans
le projet présenté en " groupe national loup " du 23 avril, concernant les
possibilités ouvertes dans les UA1, nouveau type d'unité d'action réservé aux
zones où la présence du loup est attestée depuis au moins cinq ans. Ce délai est
requis pour considérer que la persistance d'attaques justifie une mise en oeuvre
facilitée au tir de défense, alors que la mise en oeuvre des moyens de
protection s'avère insuffisamment efficace. Cependant, il apparaît bien long. Un
délai de trois ans semble plus adapté à la diversité des situations existantes
dans l'arc alpin. L'assouplissement pourrait alors bénéficier à la Haute-Savoie
où la présence permanente du loup est attestée depuis 2004, et où certains
éleveurs se sont découragés et ont abandonné les alpages. Par ailleurs,
l'effarouchement préalable, tel que décrit dans ce projet, est toujours
incompris des éleveurs. Ils considèrent ce préalable comme inefficace, source de
nuisances sonores et visuelles inutiles si, au bout du compte, on ne peut
éliminer le prédateur. Ils sont alors tentés de le mettre en oeuvre " pour la
forme ", ce qui en diminue encore l'efficacité et l'utilité. Concernant
l'indemnisation des dommages aux troupeaux, une simplification des procédures
mises en oeuvre par diverses structures telles que la direction départementale
de l'agriculture et de la forêt et l'Office national de la chasse et de la faune
sauvage, serait de nature à simplifier et fluidifier le circuit des dossiers, et
permettrait de raccourcir les délais d'indemnisation pour les éleveurs. Je
propose que l'on puisse s'appuyer sur des organismes locaux en charge du
pastoralisme, comme la Société d'économie alpestre pour le département de la
Haute-Savoie, qui pourraient, sur délégation du ministère, payer directement les
éleveurs, dès validation par le préfet. Dans un département comme la
Haute-Savoie, de nombreux bovins montent en alpage. En 2007, une attaque avérée
de bovin a suscité un grand émoi auprès de la profession agricole et des élus ;
cela risque de se reproduire. Or le dispositif existant ne permet pas de
contractualiser des mesures de protection pour des bovins. Seuls les crédits
d'urgence le permettent, ce qui est très limitatif. Enfin, il semble
nécessaire de réévaluer le barème d'indemnisation pour les caprins laitiers, car
il ne correspond plus à la valeur réelle des animaux et des pertes induites pour
ces élevages souvent spécialisés dans les produits fermiers de qualité en
circuit court. Le loup ne doit plus être regardé comme une espèce en danger,
nouvelle en France, mais plutôt comme une espèce en bonne santé et en forte
expansion. Ainsi, son classement dans l'annexe 3 de la Convention de Berne de
1979, comme espèce totalement protégée, n'apparaît plus justifié. Il faudrait
donc demander officiellement le déclassement du loup de l'annexe 3 à l'annexe 2
de la Convention de Berne, comme la Suisse, la Norvège et la Finlande l'ont déjà
fait. Le " comité loup " vient seulement de se réunir, le 28 mai, alors que
des attaques ont eu lieu, sans que les éleveurs aient le droit d'agir, faute
d'autorisations. Le risque est grand de les voir procéder à des tirs hors de
tout cadre légal ou a des empoisonnements. Je souhaiterais donc savoir ce que
vous entendez mettre en oeuvre pour contenir le loup et permettre au
pastoralisme et aux activités touristiques de se poursuivre dans de bonnes
conditions. M. le président. La parole est à Mme Nathalie
Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Mme
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Monsieur le député Lionel Tardy, je vous suis reconnaissante de l'intérêt
que vous avez, à maintes reprises, manifesté pour la politique nationale sur le
loup. Le nouveau plan d'action couvrira la période 2008-2012, et renouvellera
de façon profonde celui actuellement en vigueur. Il a été examiné le 28 mai par
le " groupe national loup " et par le Conseil national de la protection de la
nature, dès le 3 juin, afin que nous puissions aller vite. Comme je l'ai
indiqué à Martial Saddier qui m'avait interrogée sur ce sujet - à la fois pour
la Haute-Savoie, et en tant que président de l'Association nationale des élus de
montagne -, ce plan d'action est le résultat de plusieurs mois de travail, de
concertations et de consultations menées de façon extrêmement étroite et intense
par les services du ministère, en collaboration avec le ministère de
l'agriculture, tant au niveau national que dans les départements
concernés. Ces mois de travail ont démontré leur utilité. Ils ont permis des
évolutions très sensibles de tous les acteurs et l'élaboration d'un plan
d'action renouvelé et plus satisfaisant pour tous. Ce plan prévoit la mise en
place d'une gestion différenciée de la population de loups selon les situations,
afin de limiter l'impact du prédateur sur les troupeaux domestiques et surtout
d'anticiper sur son expansion naturelle dans de nouveaux territoires. Afin de
rationaliser les moyens consacrés à cette politique, il définit les conditions
d'une plus grande autonomie pour la gestion de l'espèce au niveau local, en
encourageant le développement de capacités d'intervention en rapport avec la
diversité des contextes. Le dispositif est complété par une optimisation et une
adaptation des mesures de protection des troupeaux, afin d'apporter des réponses
réactives et concrètes aux éleveurs. Le nouveau plan prévoit également la
possibilité de simplifier les procédures d'indemnisation et une mise à jour
régulière des barèmes. Bref, il s'attache à répondre à toutes les difficultés
soulevées au cours des années passées. Avec Michel Barnier, nous prendrons
rapidement un arrêté autorisant, pour 2008-2009, des opérations de prélèvements
de loups, au nombre de six maximum. Vous savez bien que l'évolution majeure du
plan d'action sur le loup ne se situe pas à ce niveau. Cet arrêté constitue une
première mise en application des principes de la gestion différenciée. À la
différence des années précédentes, il prend en compte l'ensemble du territoire
national et rompt ainsi avec certaines pratiques qui compliquaient la gestion.
Aux éleveurs qui en font la demande, il propose, dans l'ensemble des territoires
où le loup est installé, des conditions très simplifiées, par rapport à 2007,
pour le recours à la pratique du tir de défense à proximité des troupeaux
protégés. Je comprends que vous souhaitiez ramener le délai de cinq à trois ans,
mais une discussion a lieu au sein du groupe national " Loup ", et il paraît à
ce stade difficile de revenir sur les équilibres trouvés. Enfin, dans les
zones de dispersion du loup, le projet établit, pour répondre aux dommages que
pourraient causer l'arrivée récente du prédateur, un protocole technique destiné
à réagir au plus vite et à organiser les opérations de tirs de défense et de
prélèvement, quand cela est nécessaire. Bref, le dispositif est une étape
vers une meilleure maîtrise de la population des loups, en particulier dans les
nouveaux territoires susceptibles d'être colonisés. Il prévoit, afin de répondre
à toutes les problématiques rencontrées, une gestion différenciée. Ce nouveau
plan d'action reste par ailleurs compatible avec le statut d'espèce protégée,
ainsi qu'avec les dispositions et les objectifs de la directive européenne :
quelles que soient les discussions dont ce thème fait l'objet au niveau
européen, le loup est toujours classé dans une annexe qui nous impose de telles
mesures. M. le président. Vous avez la parole, monsieur
Tardy. Merci d'être bref, car vous avez déjà largement dépassé votre temps de
parole. M. Lionel Tardy. Je le serai, monsieur le
président. Je veux surtout mettre en avant le ras-le-bol des éleveurs. On
parle de mesures de protection. Mais dans nos alpages, constitués de reliefs, de
bois, de falaises, de barres rocheuses, comment les mettre en place ? C'est
impossible. Beaucoup d'éleveurs soulignent aussi le gaspillage des aides, auquel
le Parlement ne peut qu'être sensible. De l'argent est dépensé pour des mesures
de protection inadaptées et inefficaces. De nombreux éleveurs insistent
également sur le fait que des décennies de génétique bovine sont anéanties par
une seule attaque. Ce sont là des éléments essentiels. Il n'y a plus de
nécessité absolue, tant du point de vue biologique que juridique, d'améliorer
encore l'état de conservation des loups, ni, par conséquent, d'augmenter leur
population et leurs aires de présence. Les marges de manoeuvre sont élargies :
l'objectif de gestion des loups en France doit être redéfini dans ce nouveau
contexte. Il doit être soumis aux principes du développement durable, lesquels
prescrivent un équilibre entre les dimensions environnementales,
socioculturelles et économiques : le loup en fait partie. Dernier point : les
élus des pays de Savoie et des Alpes en général ne souhaitent pas que ces
dernières deviennent un sanctuaire à loups. C'est en effet l'impression que nous
avons en entendant les réponses que l'on nous donne.
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