FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 32570  de  Mme   Labrette-Ménager Fabienne ( Union pour un Mouvement Populaire - Sarthe ) QE
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Question publiée au JO le :  14/10/2008  page :  8743
Réponse publiée au JO le :  19/01/2010  page :  625
Date de changement d'attribution :  23/06/2009
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  procédures
Analyse :  scellés judiciaires. conséquences. propriétaires de biens immobiliers
Texte de la QUESTION : Mme Fabienne Labrette-Ménager interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les moyens dont dispose le propriétaire d'un bien immobilier placé sous scellé pour les besoins d'une enquête pénale, pour obtenir le paiement des loyers relatifs à la période couvrant la « privation de jouissance » du bien. Ainsi, par exemple, le propriétaire d'une maison d'habitation, que celui-ci louait, a vu son bien mis sous scellés, pour nécessité de l'enquête, après qu'un homicide ait eu pour théâtre ladite maison d'habitation. Si le locataire des lieux a été relogé, en revanche, le propriétaire, non seulement ne peut disposer de son logement, mais en l'occurrence, il ne perçoit plus de loyer, alors que ce revenu constituait un complément de retraite. Il lui est, en outre, impossible ni de souscrire une quelconque assurance « a posteriori » couvrant ce type de situation, ni de demander à l'assurance de couvrir le paiement des loyers impayés puisqu'en l'espèce le locataire était toujours à jour de ses loyers et qu'un cas de force majeure ne permet plus au locataire d'occuper les lieux. Il serait donc souhaitable que, dans un tel cas de figure, la perte de loyer pour les propriétaires soit prise en compte par le ministère de la justice au titre de l'indemnisation due aux personnes dont les biens immobiliers sont placés sous scellés pendant toute la durée de l'instruction.
Texte de la REPONSE : Le propriétaire d'un bien placé sous scellés pour les besoins d'une enquête pénale peut obtenir de l'État, à certaines conditions, l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison de ce placement sous main de justice. La responsabilité de l'État pour rupture d'égalité devant les charges publiques est en effet engagée à l'égard d'une personne qui subit les conséquences d'une opération de police judiciaire, alors même qu'aucune faute ne peut être reprochée au service de la justice. C'est le cas lorsqu'un particulier voit son bien mis sous scellés dans le cadre d'une instruction, puisque, dans cette hypothèse, le fonctionnement de l'institution judiciaire fait peser sur lui une charge qui excède ce que l'on est en droit d'exiger d'un citoyen dans le cadre de la vie en société. Cette indemnisation est soumise à des conditions, qui sont celles que les jurisprudences du Conseil d'État et de le Cour de cassation ont dégagées concernant l'engagement de la responsabilité sans faute de l'État. La personne qui sollicite l'indemnisation doit être tierce à la procédure judiciaire justifiant la mise sous scellés, c'est-à-dire qu'elle ne doit être ni mise en cause ni, en théorie, partie civile. C'est en règle générale le cas des propriétaires dont le bien immobilier placé sous main de justice était loué, puisque ce sont très souvent les locataires qui sont victimes ou mis en cause dans le cadre de l'information. Dans le cas d'un bien en location, évoqué dans la question, le préjudice est constitué principalement par les pertes de loyers dues à l'impossibilité de louer le logement placé sous scellés. L'indemnisation est calculée à partir du montant du loyer hors charges, puisque le logement n'est pas occupé, et peut prendre en compte les revalorisations légales de ce loyer. Le propriétaire peut également prétendre au remboursement des sommes qu'il aura dû engager pour remettre en état son bien si celui-ci a subi des dégradations pendant son placement sous main de justice. Enfin, comme pour tout engagement de la responsabilité sans faute à raison de la rupture d'égalité devant les charges publiques, le préjudice doit être spécial c'est-à-dire ne concerner qu'un petit nombre de citoyens, et anormal, c'est-à-dire excéder par sa gravité les charges qui doivent être normalement supportées par les particuliers en contrepartie des avantages résultant du service public de la justice. La condition de spécialité est systématiquement remplie, ce type de dommages ne concernant que peu de citoyens. Pour satisfaire à la condition d'anormalité, une partie de la durée pendant laquelle le bien a été placé sous scellés ne donnera pas lieu à indemnisation. La jurisprudence judiciaire retient en règle générale une durée de deux mois, qui correspond au délai de placement sous scellés nécessaire au bon déroulement de l'instruction (CA Paris, 21 février 2000, n° 1999/18055). Dès lors que ces conditions sont réunies, le propriétaire d'un bien sous scellés peut obtenir l'indemnisation de son préjudice. Saisie d'une demande en ce sens, la direction des services judiciaires du ministère de la justice lui proposera un règlement amiable, comme elle l'a fait dans les 71 dossiers de ce type dont elle a été destinataire en 2008. Il convient de préciser qu'il n'est nul besoin d'attendre la levée des scellés pour présenter une telle demande et que le versement de l'indemnisation peut débuter avant même cette levée.
UMP 13 REP_PUB Pays-de-Loire O