FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 33453  de  M.   Liebgott Michel ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Justice
Question publiée au JO le :  21/10/2008  page :  8961
Réponse publiée au JO le :  30/12/2008  page :  11356
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  réforme. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Michel Liebgott interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi pénitentiaire. L'association Secours catholique, dont l'action tend à la reconnaissance des droits fondamentaux de la personne et de sa dignité, appelle notre attention sur certains points du projet de loi pénitentiaire, projet qui ne reprend que pour partie les préconisations du comité d'orientation restreint de la loi pénitentiaire (COR). Ainsi, la préconisation du COR de mettre en place une allocation d'insertion aux détenus ne percevant pas le RMI n'est pas reprise dans le projet qui se borne à prévoir (article 13) que les détenus reçoivent une « aide en nature destinée à améliorer leurs conditions matérielles d'existence ». La pratique en détention a prouvé que l'aide financière apportée aux plus démunis, en favorisant leur autonomie, était le meilleur encouragement à la réinsertion. Aussi, Secours catholique considère le dispositif prévu très insuffisant. Ensuite, s'agissant du travail en prison, le projet prévoit (article 14), un « acte d'engagement », là où le COR préconisait un « contrat » d'engagement professionnel. L'association déplore également le report à cinq ans de la généralisation de l'emprisonnement individuel, que la durée de l'emprisonnement du placement en cellule disciplinaire puisse être portée dans certains cas à 40 jours, ce qui excède largement celle préconisée par le COR (21 jours) et que la fouille, dégradante pour tous, ne soit pas remplacée par des moyens modernes d'investigation. Enfin, le Secours catholique regrette que l'accompagnement et le suivi socio-éducatifs, conditions de l'effectivité de tout projet d'insertion n'occupent pas dans le texte la place centrale qui devrait leur revenir. Le Secours catholique considère par ailleurs que le projet de loi pénitentiaire ne répond pas, en l'état, aux attentes et objectifs des associations qui interviennent en prisons sur des questions primordiales d'aide, de soutien et d'accompagnement aux personnes détenues et à leur famille. Il lui demande donc sa position, au vu de ces observations.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire que le projet de loi pénitentiaire est une de ses priorités. Ce texte vise à doter la France d'une loi fondamentale sur le service public pénitentiaire. Il doit garantir les droits fondamentaux des détenus, améliorer la reconnaissance des personnels pénitentiaires, s'engager pour la réinsertion des détenus, développer les aménagements de peine pour éviter la récidive et généraliser la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes (RPE). Le projet de loi a été élaboré dans la consultation et la concertation grâce au comité d'orientation restreint (COR). Les organisations syndicales pénitentiaires et les associations professionnelles, comme celles des juges de l'application des peines, ont été très largement associées à ses travaux. Au final, 90 % des propositions formulées par le COR ont vocation à entrer en application dans le cadre de la future loi pénitentiaire. Plutôt que d'attribuer une allocation, il a semblé préférable au Gouvernement d'une part de donner la priorité à la réinsertion par le travail ou la formation professionnelle, d'autre part de privilégier une aide ponctuelle, financière ou en nature, notamment pour les détenus les plus démunis, à une mesure d'assistance généralisée, moins responsabilisante. Le COR a préconisé la mise en place d'un contrat d'engagement professionnel. Le choix d'un acte d'engagement a été préféré pour plusieurs raisons. D'une part, les obligations nées de l'état de détention doivent primer sur les autres : ainsi les transferts ou les décisions judiciaires sont de nature à mettre un terme à la relation de travail. L'organisation du travail en détention est donc incompatible avec la mise en oeuvre de contrats de travail de droit commun. D'autre part, l'application du droit commun du contrat de travail créerait des droits nouveaux au profit des détenus (congés payés, droits collectifs...). Il en résulterait des charges financières dissuasives pour les entreprises et un obstacle au développement du travail en prison. Par ailleurs, la France ne se distingue pas des pays européens, dans la majorité desquels les détenus travaillent au sein des établissements pénitentiaires dans des conditions exorbitantes du droit commun : contrat de travail spécifique, relation de travail sui generis comparable à l'acte d'engagement... En tout état de cause, l'acte d'engagement consacré dans le projet de loi permettra de reconnaître le détenu comme sujet de droit en matière de travail, d'améliorer sa responsabilisation par l'énoncé de règles qui précisent ses droits et obligations au regard de l'emploi, et de fixer certains éléments relatifs à l'organisation et aux conditions de travail. L'actuel article 716 du code de procédure pénale pose le principe de l'encellulement individuel des prévenus dans les maisons d'arrêt, sous réserve de plusieurs tempéraments. Toutefois, ce principe ne peut plus être considéré comme un dogme absolu. En effet d'une part, tant les établissements plus anciens que les nouveaux établissements pénitentiaires comportent des cellules collectives. D'autre part, l'encellulement individuel n'est pas nécessairement conforme à la demande réelle des détenus et à leur intérêt et il est constaté que beaucoup de détenus ne souhaitent pas être seuls, notamment dans les maisons d'arrêt où les incarcérations sont relativement courtes. En outre, il ressort de l'analyse des expériences de nos partenaires européens que seule la France dispose d'une obligation légale imposant l'encellulement individuel des prévenus. Par ailleurs la règle pénitentiaire européenne 18-6 prévoit que l'on ne peut déroger à l'encellulement individuel que dans le cas où les détenus sont reconnus aptes à cohabiter et s'ils sont placés dans une cellule à usage collectif. Tirant les conséquences de ces constats, le projet de loi, afin que les personnes prévenues puissent être seules en cellule quand elles le souhaitent, prévoit l'obligation pour l'administration pénitentiaire de satisfaire une telle demande, exception faite des cas où la personnalité du détenu justifie qu'il ne soit pas laissé seul, notamment en cas de risque suicidaire. En 2008, l'administration pénitentiaire n'a pas la capacité opérationnelle suffisante pour permettre de respecter les critères légaux. Cette exigence ne sera satisfaite qu'en 2012 à l'achèvement de l'ambitieux programme de construction de 13 200 places lancé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. C'est pourquoi a été introduite la possibilité de déroger, pour une durée de cinq ans, aux dispositions relatives au placement en cellule individuelle des prévenus lorsque la distribution intérieure des locaux, la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou le nombre de détenus présents ne permet pas leur application. Le projet de loi constitue une avancée importante en matière disciplinaire, dès lors qu'il élève au niveau législatif les principes fondamentaux du droit disciplinaire, en raison de leur caractère coercitif, et qu'il réduit la durée maximale de placement en cellule disciplinaire de quarante-cinq jours à vingt-et-un pour les fautes les plus graves. Est ainsi garanti le respect de la dignité des personnes détenues et l'harmonisation de nos pratiques avec les législations européennes et les règles énoncées par le Conseil de l'Europe. Il est toutefois apparu indispensable de porter à quarante jours le quantum de la sanction qui peut être prononcée à l'encontre d'acte de violence physique contre les personnes, qu'il s'agisse de personnels, d'intervenants ou de détenus. Cela s'explique par la gravité exceptionnelle que représente ces faits tant pour les personnes qui en sont victimes que pour le fonctionnement et l'ordre des établissements pénitentiaires. En matière de fouilles, le projet de loi représente un important progrès en ce qu'il précise au niveau de la loi les critères au vu desquels elles peuvent être pratiquées : nécessité d'adapter la nature de la fouille et sa fréquence aux circonstances de la vie en détention, au profil du détenu, aux risques encourus en termes de sécurité et d'ordre, afin d'écarter tout risque d'arbitraire et le recours systématique aux fouilles approfondies quelle que soit la situation. Ce texte se révèle par ailleurs protecteur de l'intimité de la personne et de sa dignité dès lors qu'il rend obligatoire le recours à un médecin pour toute investigation corporelle interne, lorsque celle-ci est indispensable, à l'instar de ce qui est prévu pour les gardes à vue. Le projet de loi stipule clairement que le service public pénitentiaire contribue à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées ainsi qu'à la prévention de la récidive. Il érige d'ailleurs au niveau législatif la mission d'insertion et de probation. Dans ce cadre ainsi défini, l'aide, le soutien et l'accompagnement aux personnes détenues et à leurs familles constituent une préoccupation majeure de l'administration pénitentiaire, qui ne peut toutefois se traduire directement dans la loi qui doit conserver un degré de généralité suffisant et respecter le principe de la séparation constitutionnelle entre les domaines réglementaire et législatif. Cependant, de très nombreuses dispositions du projet de loi sont de nature à favoriser cet accompagnement, telles celles des articles 10 à 30 relatives aux droits des détenus, ou celles des articles 31 à 56 relatives au prononcé des peines, aux alternatives à la détention provisoire, aux aménagements de peines et à la détention. De plus, des décrets viendront en tant que de besoin préciser et compléter les grandes priorités dégagées par la loi.
S.R.C. 13 REP_PUB Lorraine O