FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 34718  de  M.   Braouezec Patrick ( Gauche démocrate et républicaine - Seine-Saint-Denis ) QE
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Justice
Question publiée au JO le :  04/11/2008  page :  9475
Réponse publiée au JO le :  07/04/2009  page :  3312
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  détenus
Analyse :  suicides. lutte et prévention
Texte de la QUESTION : M. Patrick Braouezec alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les tentatives de suicides ou les suicides de mineurs détenus en prison. Dans la nuit du 6 au 7 octobre dernier, à la maison d'arrêt de Metz-Queuleu, un jeune détenu s'est tué par pendaison. Dans la même prison, érigée en établissement pénitencier modèle par la ministre de la justice, trois tentatives de suicides sont survenues au sein du quartier des mineurs durant la semaine précédant le drame. Au total, depuis janvier 2008, 87 détenus se sont donné la mort, soit une augmentation de 18 %, comparé à la même période de l'année 2007. Il faut constater l'insuffisance de la politique de prévention des suicides à l'égard des mineurs détenus et déplorer qu'aucune stratégie spécifique n'ait été mise en oeuvre à ce jour, alors même que la Commission nationale consultative des droits de l'homme avait demandé, dès décembre 2004, « qu'une étude comparative soit réalisée pour mesurer précisément les spécificités du phénomène de suicide des mineurs détenus ». Il faut ajouter à cela la politique pénale implacable qui engendre des situations humaines dramatiques causées, à la fois par l'incarcération de mineurs dans l'urgence et par la surpopulation carcérale En conséquence, il aimerait savoir ce que le Gouvernement compte faire pour qu'une réelle politique de prévention soit mise en place, afin qu'elle se substitue à des peines de prison inappropriées dans le cas d'enfants mineurs.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire que la question du suicide des personnes incarcérées et, a fortiori, des mineurs incarcérés est l'une de ses priorités d'action. Depuis 1967 (date de la première circulaire), l'administration pénitentiaire mène une politique de prévention des suicides à destination de toutes les personnes incarcérées. Elle a renforcé son action en 1997 en définissant un plan d'action comportant des mesures d'application immédiate et un programme expérimental repris par la circulaire du 29 mai 1998. Celle-ci a mis l'accent sur l'attention particulière à apporter à l'accueil des personnes écrouées, au repérage précoce du risque suicidaire, aux précautions à prendre au quartier disciplinaire, à l'intérêt de favoriser des échanges pluridisciplinaires, à l'accueil des familles et à l'accompagnement nécessaire des personnels après un suicide. Tout en veillant au respect des mesures précitées, la direction de l'administration pénitentiaire a développé, en 2000 et 2001, de nouvelles actions destinées à parfaire le dispositif existant, en cohérence avec « la stratégie nationale d'actions face au suicide pour 2000-2005 » lancée le 19 septembre 2000 par le ministère de la santé. Entre autres mesures, une commission de suivi des cas individuels de suicide a été instituée depuis janvier 2001, à la direction de l'administration pénitentiaire, chargée de veiller au recensement exhaustif des décès par suicide, de contrôler l'application des dispositions édictées en matière de prévention du suicide, en repérant d'éventuels dysfonctionnements et de rechercher de nouveaux axes d'amélioration. La circulaire du 26 avril 2002 complète celle du 29 mai 1998 et prend une dimension particulière par sa double signature ministère de la justice/ministère de la santé. Elle réaffirme le bien-fondé des actions engagées en termes de repérage du risque suicidaire, de soutien aux personnes présentant ce risque et d'accompagnement des familles. Elle introduit surtout un axe complémentaire et en fait une priorité : celui de la formation des personnels sur la prévention du suicide en détention. En janvier 2003, le garde des sceaux et le ministre de la santé ont conjointement missionné le professeur Jean-Louis Terra afin de conduire une évaluation des actions mises en oeuvre, tant sur les plans quantitatif que qualitatif, dans le but de dégager des propositions destinées à compléter et à affiner le dispositif préexistant. À la suite des recommandations du professeur Terra, un certain nombre d'orientations de travail ont été énoncées par les ministres de la justice et de la santé, définissant un programme de prévention du suicide des personnes détenues décliné par la direction de l'administration pénitentiaire dans une note du 5 mars 2004, en trois volets : la formation des personnels pénitentiaires au repérage de la crise suicidaire, l'élaboration au plan local de procédures de détection de la crise suicidaire et le déploiement de plans de prévention et de la réduction des moyens d'accès au suicide dans la conception des nouveaux établissements (par exemple « les potences » soutenant les postes TV). En juillet 2005, un rappel de ces axes de travail, issus des conclusions du rapport du professeur Terra, a été fait avec pour objectif de réduire de 20 % le nombre de suicides d'ici à 2009. En mai 2007, un nouvel outil d'évaluation du potentiel suicidaire des personnes détenues, sous la forme d'une grille simplifiée, a été mis en place dans tous les établissements pénitentiaires. En dépit de ces actions importantes de prévention, trois mineurs détenus se sont suicidés en 2008, alors qu'il n'y avait eu aucun suicide de mineurs entre 2005 et 2007. Aussi, la direction de l'administration pénitentiaire a constitué en juin dernier un groupe de travail auquel participent la direction générale de la santé et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), afin de renforcer la prévention du suicide des mineurs. Ce groupe de travail interministériel a pour mission d'élaborer des préconisations sur cette thématique et de créer une grille spécifique d'évaluation du risque suicidaire et des comportements à risques. Une grille « recueil d'informations pertinentes pour l'évaluation du potentiel suicidaire chez les mineurs détenus » a ainsi été réalisée et transmise le 1er novembre 2008 avec une notice d'utilisation, à l'ensemble des établissements ayant en charge des mineurs. Elle sera complétée et enrichie de recommandations plus étoffées issues de la réflexion du groupe d'experts présidé par le Dr Louis Albrand auquel j'ai demandé de dresser un bilan du dispositif de lutte contre les suicides en milieu carcéral et de formuler des propositions d'action complémentaire. L'honorable parlementaire évoque l'incarcération de mineurs dans l'urgence et la surpopulation carcérale. Si les réponses aux actes posés doivent être plus rapides, plus lisibles et plus fermes, elles ne s'épaulent pas uniquement sur l'emprisonnement, mais sur un dispositif de prise en charge. À ce titre, le recentrage de l'activité des services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse doit permettre une prise en charge sans délai et une amélioration de la qualité du suivi. En amont de la décision judiciaire, l'article 12 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante dispose que les services de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sont obligatoirement consultés avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire du mineur ou de prolongation de la détention provisoire. Dans le cadre de sa permanence éducative auprès du tribunal, la PJJ propose des mesures alternatives à l'incarcération en faisant appel à l'ensemble de son dispositif de prise en charge éducative. Le placement judiciaire sous ses différentes modalités (unité éducative d'hébergement collectif ou individualisé, centre éducatif renforcé...) contribue ainsi fortement à assurer les mesures alternatives à l'incarcération. De plus, le programme centre éducatif fermé (CEF), initié par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, complète la palette des réponses possibles en termes de placement des mineurs délinquants. Les centres éducatifs fermés peuvent accueillir des mineurs de 13 à 18 ans, multirécidivistes ou multiréitérants dans le cadre d'un contrôle judiciaire lorsqu'ils bénéficient d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un aménagement de peine (libération conditionnelle, placement extérieur) : 30 % des jeunes de 13 à 16 ans ont fait l'objet d'une détention avant leur placement en CEF, 45 % chez les 16-18 ans. Avec une triple mission de sanction, de protection et de réinsertion, ils sont une alternative à l'incarcération et facilitent l'inscription du jeune dans un projet éducatif construit avec lui et ses parents, dans le cadre d'une prise en charge intensive et structurée. Depuis la mise en oeuvre du programme CEF, 37 établissements à ce jour pour 396 places et à terme 48 établissements pour 528 places, on constate une baisse de l'incarcération des mineurs : au 1er décembre 2008, 678 mineurs étaient incarcérés contre 695 au 1er décembre 2007, 755 en 2006 et 808 en 2005. En matière d'incarcération, une attention particulière a été portée aux conditions de détention des mineurs : présence éducative en quartier mineur, création d'établissements spécialement dédiés avec les EPM, avec une prise en charge de jour et en continu des activités, par une équipe pluridisciplinaire (enseignant, éducateur, psychologue, médecin et infirmière). À ce jour, il existe 1157 places dédiées aux mineurs en QM et EPM. Enfin en ce qui concerne la prévention, je vous rappelle que la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a pour mission de participer aux politiques publiques et plus particulièrement d'assurer et d'organiser la mise en oeuvre du dispositif de protection de l'enfance et de prévention de la délinquance (art. 1-4-b du décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse).
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