FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 35383  de  Mme   Le Loch Annick ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Finistère ) QE
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Justice
Question publiée au JO le :  11/11/2008  page :  9696
Réponse publiée au JO le :  07/04/2009  page :  3314
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  établissements
Analyse :  conditions de détention
Texte de la QUESTION : Mme Annick Le Loch attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessaire prévention des risques de suicide dans les établissements pénitentiaires. Selon l'Observatoire international des prisons, les suicides décomptés sur le premier semestre 2008 traduisent une augmentation de 27 % par rapport à la même période de 2007. Tout en retrouvant un niveau similaire aux années antérieures, niveau qui était déjà intolérable pour un Etat civilisé, leur nombre est aujourd'hui porté à 96. Ce niveau est sept fois supérieur au taux de suicide hors les murs des prisons. A la lumière de ces données qui doivent être complétées par le nombre croissant des tentatives de suicide, le dispositif existant souffre indéniablement de carences majeures au delà de la surpopulation carcérale maintes fois dénoncée, de l'insuffisance des personnels surveillants et de leur impuissance à agir en la matière. S'ils sont acteurs de la prévention des suicides, leur mission première n'est pas la prise en charge psychologique des détenus. En outre, jusqu'à présent, une certaine opacité règne en matière de statistiques relatives aux suicides en prison. En effet, les rapports annuels de la commission centrale de suivi des actes suicidaires en milieu carcéral ne sont à ce jour pas accessibles au public, ni aux parlementaires. Devant la recrudescence des suicides de détenus depuis le début de l'année, une réflexion doit être menée, en toute transparence, sur les raisons de cette situation, sur l'évaluation du risque suicidaire dans les prisons françaises ainsi que sur la prise en charge psychologique des détenus présentant ce risque, avec une attention particulière portée à la situation des détenus mineurs. Il faut le rappeler, l'Etat qui, au nom de la loi, a placé une personne en détention, doit en assurer la dignité et assumer pleinement son devoir de surveillance étendu jusqu'au champ médical sous peine de voir sa responsabilité engagée. L'Etat français vient d'ailleurs d'être condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour « n'avoir pas protégé le droit à la vie » d'un détenu qui s'était suicidé. Dans le cadre du projet de loi pénitentiaire, elle lui demande si le Gouvernement entend bien se saisir de cette question qui doit être traitée avec la transparence qui s'impose, en définissant les contours d'une meilleure prise en charge des détenus présentant une fragilité psychologique et, de manière plus générale, en renforçant l'accès aux soins en milieu carcéral notamment par l'affectation des moyens nécessaires.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'elle est particulièrement sensible à la question du suicide des personnes incarcérées et, a fortiori, des mineurs incarcérés, ainsi qu'à la question de la santé mentale des personnes placées sous main de justice. Les études épidémiologiques récentes font apparaître qu'une part importante de la population pénale souffre de troubles psychiatriques. Le plan « Santé mentale » 2005-2008 prend en compte la spécificité du milieu pénitentiaire et prévoit un certain nombre de mesures afin d'améliorer l'offre de soins psychiatriques au sein des établissements pénitentiaires dont la responsabilité incombe, depuis la loi de 1994, au ministère de la santé. La prise en charge psychiatrique est actuellement assurée par les secteurs de psychiatrie générale et les 26 secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire. L'une des mesures de ce plan consiste en un renfort de la prise en charge psychiatrique en permettant une présence accrue de psychologues dans les équipes psychiatriques intervenant auprès des patients détenus. Au-delà, les ministres chargés de la santé et de la justice sont convenus d'améliorer les conditions d'hospitalisation à plein temps des patients détenus en créant des unités d'hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) au sein des hôpitaux. Les deux premières ouvriront en 2010 à Lyon et Nancy. Parallèlement, il a été décidé, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) de mener à bien une réflexion sur l'efficience des structures prenant en charge les détenus souffrant de pathologies mentales et d'identifier précisément les conséquences de la mise en place prochaine des deux premières UHSA. S'agissant des suicides, depuis 1967 (date de la première circulaire), l'administration pénitentiaire mène une politique de prévention des suicides à destination de toutes les personnes incarcérées. Elle a renforcé son action en 1997 en définissant un plan d'action comportant des mesures d'application immédiate et un programme expérimental. Tout en veillant au respect des mesures précitées, la direction de l'administration pénitentiaire a développé, en 2000 et 2001, de nouvelles actions destinées à parfaire le dispositif existant, en cohérence avec « la stratégie nationale d'actions face au suicide pour 2000-2005 » lancée le 19 septembre 2000 par le ministère de la santé. La circulaire interministérielle (ministère de la santé/ministère de la justice) du 26 avril 2002 complétant celle du 29 mai 1998 réaffirme le bien-fondé des actions engagées en termes de repérage du risque suicidaire, de soutien aux personnes présentant ce risque et d'accompagnement des familles. Elle introduit surtout un axe complémentaire sous forme de priorité : la formation des personnels à la prévention du suicide en détention. En 2003, le garde des sceaux et le ministre de la santé ont conjointement missionné le professeur Jean-Louis Terra afin de conduire une évaluation des actions mises en oeuvre tant sur les plans quantitatif que qualitatif, dans le but de dégager des propositions destinées à compléter et à affiner le dispositif préexistant. À la suite des recommandations du professeur Terra, un certain nombre d'orientations de travail ont été énoncées : la formation des personnels pénitentiaires au repérage de la crise suicidaire, l'élaboration de procédures de détection de la crise suicidaire et le déploiement de plans de prévention et de réduction des moyens d'accès au suicide dans la conception des nouveaux établissements (par exemple : « les potences » soutenant les postes TV). En juillet 2005, un rappel de ces axes de travail issus des conclusions du rapport du professeur Terra a été réalisé en vue d'atteindre l'objectif de réduction de 20 % du nombre de suicides d'ici à 2009. Trois mineurs détenus se sont suicidés en 2008, alors qu'il n'y avait eu aucun suicide de mineurs entre 2005 et 2007. Dans le cadre de la prise en charge globale du mineur initiée avec l'ouverture des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), un groupe de travail réunissant la direction générale de la santé, la direction de protection judiciaire de la jeunesse et la direction de l'administration pénitentiaire a été constitué en juin dernier afin de conduire une réflexion sur la prévention du suicide des mineurs. Ce groupe de travail interministériel a pour mission d'élaborer des préconisations sur cette thématique et de créer une grille spécifique d'évaluation du risque suicidaire et des comportements à risques. Fin 2008, la garde des sceaux, ministre de la justice a confié l'animation et la coordination d'un groupe de travail chargé de procéder à une évaluation du dispositif en place et de faire des propositions concrètes à un médecin expert, le docteur Louis Albrand. Les conclusions de ce rapport devraient être rendues dans les prochaines semaines. Sans attendre ses analyses, une liste de mesures de vigilance à appliquer a été transmise aux établissements pénitentiaires en matière de prévention et d'intervention en cas de crise suicidaire. Le personnel doit notamment augmenter la fréquences des rondes et réduire au maximum le temps de solitude dans la journée. Il a également été demandé de créer en lien avec les professionnels de santé, des groupes de parole afin de limiter l'effet d'entraînement qu'un suicide peut créer.
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