FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 36283  de  M.   Liebgott Michel ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  Culture et communication
Ministère attributaire :  Culture et communication
Question publiée au JO le :  25/11/2008  page :  10084
Réponse publiée au JO le :  10/02/2009  page :  1319
Rubrique :  propriété intellectuelle
Tête d'analyse :  droits d'auteur
Analyse :  oeuvres multimédia. reproduction
Texte de la QUESTION : M. Michel Liebgott attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur le projet dit de « riposte graduée » qui sanctionne la diffusion d'oeuvres sous copyright sur Internet, notamment sur les réseaux de partage de fichiers. Les sanctions prévues en cas de diffusion d'oeuvre sous copyright sur Internet seraient graduées allant d'une simple alerte à la première infraction, à une coupure pour plusieurs mois de l'accès à Internet à la troisième infraction relevée par la HADOPI, autorité administrative. Cette dernière sanction pénaliserait tout un foyer alors même que seul un de ses membres aurait réalisé un usage illégal. De plus, Internet constitue aujourd'hui un mode de communication souvent essentiel, notamment sur le plan professionnel. Le Parlement européen s'est exprimé dans ce sens, et a affirmé son opposition à ce principe de coupure de la connexion, sans décision judicaire, en adoptant l'amendement n° 138 « paquet télécom ». Il souhaite savoir qu'elle va être désormais la position du Gouvernement sur cette question.
Texte de la REPONSE : Le projet de loi « Création et Internet », qui a été adopté par le Sénat le 30 octobre dernier sans qu'aucune voix s'y soit opposée, ne repose pas sur une approche répressive de la lutte contre le piratage sur les réseaux, mais bien au contraire sur une approche préventive, dans le prolongement de l'accord de l'Élysée pour le développement et la protection des oeuvre s et programmes culturels sur les nouveaux réseaux signé le 23 novembre 2007 par les pouvoirs publics, les représentants des ayants droit, les chaînes de télévision et les fournisseurs d'accès à Internet. Alors que l'internaute s'expose aujourd'hui à une poursuite pénale au premier téléchargement illégal, sans qu'il soit possible de l'informer des risques qu'il encourt, la lutte sera désormais essentiellement préventive puisque des avertissements précéderont toute sanction. Ce dispositif sera mis en oeuvre par une Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet, dont la composition et le fonctionnement font l'objet de multiples garanties d'indépendance, d'impartialité et de confidentialité. Le premier avertissement de la Haute Autorité prendra la forme d'un courriel et le second d'une lettre recommandée, de façon à s'assurer que l'abonné a bien pris connaissance du manquement reproché. En cas de nouvelle réitération du manquement, les sanctions encourues par les internautes prendront une forme - la suspension d'abonnement pour une durée de un mois à un an - moins répressive que les sanctions pénales, qui peuvent atteindre jusqu'à 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende. En outre, les internautes pourront réduire très fortement la durée de leur suspension en acceptant une transaction par laquelle ils s'engagent à ne plus renouveler leur comportement. Le projet de loi pose le principe que dans le cas des offres commerciales composites dites « Triple Play », seul l'accès à Internet pourra être suspendu. L'internaute continuera en tout état de cause à bénéficier des autres types de services - la téléphonie ou la télévision - inclus dans l'offre. Il n'existe aucune impossibilité technique pour procéder à ce découplage et les fournisseurs d'accès à Internet se sont d'ailleurs tous engagés sur ce point lors de la négociation de l'accord de l'Élysée. Par ailleurs, en fonction de l'usage - notamment professionnel - qui est fait de l'accès Internet, la Haute Autorité pourra recourir à une sanction alternative à la suspension, qui prendra la forme d'une injonction délivrée à l'abonné de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement et à lui en rendre compte, le cas échéant sous astreinte. Une telle sanction est plus particulièrement destinée aux entreprises et aux personnes morales en général, pour lesquelles la suspension de l'accès à Internet pourrait revêtir des conséquences disproportionnées. Le Sénat a amendé le projet pour y introduire une sanction alternative supplémentaire qui consiste en une limitation du service ou de l'accès au service de communication au public en ligne. Si, et seulement si, l'évolution des technologies permet d'atteindre l'objectif de protection des oeuvres, et donc d'empêcher de les pirater, tout en permettant le maintien de certains services supplémentaires, notamment de messagerie ou de consultation d'Internet, la Haute Autorité pourra alors prononcer cette mesure. Enfin, les dispositions du « Paquet Télécom » relatives à la protection de la propriété littéraire et artistique sur les réseaux numériques ne contiennent aucun obstacle direct à la mise en oeuvre de « l'approche française ». Si l'amendement n° 138, adopté le 24 septembre 2008 par le Parlement européen, prévoyait qu'il ne pouvait être apporté de restrictions aux « libertés et droits fondamentaux » des internautes que sur le fondement d'une décision préalable des autorités judiciaires, le projet de loi ne contient aucune atteinte de cette nature aux droits et libertés en question. L'envoi de messages d'avertissement répétés éventuellement suivis, dans les cas de récidives multiples, par la suspension pour quelques semaines de l'abonnement à Internet ne répondent en aucun cas à cette description, surtout dans la mesure où ils ont pour objectif d'assurer le respect d'autres droits fondamentaux actuellement bafoués par le piratage de masse, à savoir le droit de propriété et le droit moral des créateurs sur leurs oeuvres. Cet amendement, qui se bornait à rappeler des principes très généraux, n'ajoutait rien au droit existant. Néanmoins, par l'imprécision de ses termes qui se prêtaient à toutes les manipulations, il constituait une source de confusion préjudiciable au bon déroulement du débat démocratique que les Européens et les Français attendent sur la question du piratage. Il convient donc de se féliciter que les 27 ministres européens des télécommunications se soient unanimement accordés, à l'occasion de l'examen du « Paquet Télécom » le 27 novembre dernier par le Conseil de l'Union européenne, pour retirer cet amendement. La philosophie du projet de loi « Création et Internet » et la méthode de concertation qui a préparé son élaboration soulèvent d'ailleurs un vif intérêt de la part de nombreux États membres. Le Conseil de l'Union européenne, dans sa formation en charge de la culture et de l'audiovisuel, s'est unanimement prononcé le 20 novembre dernier en faveur d'un texte de conclusions sur le développement de l'offre légale de contenus culturels et créatifs en ligne ainsi que sur la prévention et la lutte contre le piratage dans l'environnement numérique. Le texte ainsi adopté encourage la recherche de solutions concertées entre tous les acteurs du secteur pour lutter contre le piratage et favoriser le développement de l'offre légale en ligne. Il recommande de développer l'information des consommateurs sur le droit d'auteur et les droits voisins et les conséquences de leur non-respect et considère avec intérêt les expériences telles que la mise en place de mécanismes non judiciaires, pédagogiques et progressifs, actuellement conduites dans plusieurs États membres, comme la France ou le Royaume-Uni.
S.R.C. 13 REP_PUB Lorraine O