CONVERGENCE FRANCO-ALLEMANDE
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Roland Muzeau. Monsieur le Premier ministre, hier encore la Chancelière allemande et Nicolas Sarkozy, main dans la main, ont confirmé que l'austérité pour les peuples était leur unique programme pour l'Europe.
M. Jean-Michel Couve. C'est faux !
M. Roland Muzeau. Prenant appui sur la crise de l'euro et la quasi-faillite de la Grèce, ils ont ouvert la voie à un nouveau pacte scellant dans le marbre les politiques ultralibérales qui ravagent l'économie, et dont les conséquences humaines et sociales sont dramatiques. Le traité sur la règle d'or et la gouvernance, vous l'avez rédigé sous la dictée des marchés financiers.
Adopté par les vingt-cinq États membres, ce traité dont la signature est programmée le 1er mars ne sera pas ratifié nationalement avant les élections présidentielle et législatives. D'où l'importance de ces deux échéances électorales. D'où l'importance de prendre d'ores et déjà position en faveur de la consultation du peuple français par référendum.
Les députés du Front de gauche, comme leur candidat à l'élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon, portent cette exigence démocratique : le refus de toute forme de chantage à la ratification.
Monsieur le Premier ministre, 20 % des salariés allemands sont des travailleurs pauvres, et 2,5 millions d'entre eux travaillent pour moins de cinq euros de l'heure,...
M. Charles de La Verpillière. C'était mieux, l'Allemagne de l'Est !
M. Roland Muzeau. ...dans un pays où le salaire minimum n'existe pas, où un emploi sur trois est à temps partiel et à durée déterminée, où un sur dix est un " minijob " payé moins de 400 euros, qui n'ouvre pas droit aux cotisations sociales. Entre 1998 et 2008, les formes d'emploi atypiques ont progressé de 130 %. Voilà l'autre face du modèle allemand.
C'est le cap que Nicolas Sarkozy s'est fixé pour la France. Sur les 13 milliards de hausse de taxes que vous envisagez, 85 % seront payés par les ménages,
via la TVA. Vous voulez aussi rendre possible la modification unilatérale du contrat de travail et la baisse des salaires, avec un chantage à la clé : c'est ça, ou votre emploi est supprimé !
" C'est de l'enfer des pauvres qu'est pavé le paradis des riches ", disait Victor Hugo. Monsieur le Premier ministre, rarement cette maxime aura été aussi vraie.
Comme les Français, nous n'attendons rien de votre gouvernement ni de votre majorité.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous confondez malheureusement beaucoup de choses, beaucoup de sujets. Vous confondez la copie au papier-calque d'un modèle, qui n'est pas le projet français, et la nécessité de converger, sur le plan économique, sur le plan budgétaire, sur le plan fiscal.
La convergence entre la France et l'Allemagne, c'est l'harmonisation de nos politiques...
M. Jean-Pierre Brard. C'est la subordination !
M. Jean-Paul Lecoq. C'est la cause de la crise !
M. François Baroin, ministre. ...pour éviter de se tailler des croupières les uns aux autres, et pour additionner plutôt nos forces afin que les deux principales économies européennes, qui sont aussi les deux principales contributrices au Fonds européen de solidarité financière, soient plus compétitives vis-à-vis des économies émergentes, ou encore de l'économie américaine.
Il s'agit donc d'additionner nos forces et non de réduire nos spécificités. La convergence fiscale, notamment pour l'impôt sur les sociétés, que j'ai déjà évoquée, ne vise pas à copier tout simplement ce que font les Allemands,...
M. Patrick Lemasle. Un peu quand même !
M. François Baroin, ministre. ...de même que les Allemands ne copient pas ce que nous faisons.
Je ne prends qu'un exemple : nous n'alignerons pas ce dispositif d'exonération fiscale qu'est le crédit impôt recherche, car c'est aujourd'hui un outil que nous envie le monde entier, y compris les Allemands. Ce sont les Allemands qui s'en serviront pour soutenir l'innovation et la recherche à travers le modèle français. À l'inverse, nous convergerons vers eux sur d'autres sujets.
Mais la convergence budgétaire nécessite aussi que nous ayons les mêmes règles. La règle d'or, ce n'est pas une règle de droite ou de gauche ! Ce n'est pas une règle de la majorité ou de l'opposition.
M. Jean-Paul Lecoq. C'est une règle capitaliste !
M. François Baroin, ministre. C'est une signature des États qui s'engagent à fixer au plus haut niveau constitutionnel des éléments de référence pour réduire leur déficit. Qui peut être contre ?
M. Jean-Paul Lecoq. Nous !
M. François Baroin, ministre. Même en étant opposé au Gouvernement, on ne peut pas être opposé à cette règle de bon sens.
Enfin, je le dis très rapidement, il ne s'agit pas de décliner servilement ce qui se passe de l'autre côté du Rhin : nous n'allons pas nous inspirer de l'absence d'un salaire minimum, par exemple. Nous irons vers ce qui fonctionne le mieux.
M. le président. Merci...
M. François Baroin, ministre. Nous n'agissons pas par doctrine ou par idéologie. Ce qui compte, c'est ce qui marche.