FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 3924  de  Mme   Fraysse Jacqueline ( Gauche démocrate et républicaine - Hauts-de-Seine ) QE
Ministère interrogé :  Budget, comptes publics et fonction publique
Ministère attributaire :  Budget, comptes publics et fonction publique
Question publiée au JO le :  11/09/2007  page :  5480
Réponse publiée au JO le :  04/11/2008  page :  9543
Date de signalisat° :  28/10/2008
Rubrique :  fonction publique territoriale
Tête d'analyse :  personnel
Analyse :  saisies sur salaire. réglementation
Texte de la QUESTION : Mme Jacqueline Fraysse attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur la retenue sur salaire par voie de compensation légale opérée sur la rémunération des agents communaux. Cette procédure permet aux trésoreries principales de prélever sur les salaires des agents communaux une somme équivalente au barème des saisies-arrêts sur salaire. Or, il apparaît que des personnes ayant le même genre de dettes ne bénéficieront pas du même traitement selon qu'elles travaillent pour un employeur privé ou pour une collectivité locale. Dans le premier cas, la personne bénéficiera de la procédure de saisie-arrêt sur salaire par voie d'exécution, et devra s'expliquer devant un juge qui pourra envisager la situation de cette personne dans sa globalité, en tenant compte des ressources, des dépenses incompressibles et des crédits en cours. Dans le second cas, la dette sera directement prise sur le salaire versé par la trésorerie principale. Avec cette procédure, rien n'apparaît sur le bulletin de salaire, puisque la retenue s'effectue à la source ; il n'y a aucun échéancier ni aucune instance juridique portée à la connaissance de l'agent et vers laquelle il pourrait se retourner pour une éventuelle contestation. Les trésoreries principales ont connaissance des plans de surendettement lorsqu'elles font partie des créanciers, et évitent alors d'alourdir le plan d'apurement en prélevant sur le « reste à vivre ». Mais si la personne n'a pas de dettes d'impôts ou assimilées, et seulement des dettes liées à des crédits à la consommation, les trésoreries n'en ont pas connaissance, pas plus que de la situation personnelle de l'agent. L'article 1289 du code civil qui réglemente la compensation légale indique que « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes ». Elle lui demande donc si cet article du code civil est bien celui qui doit être appliqué envers les agents communaux, ou si les trésoreries principales, et par conséquent les communes, interprètent cet article afin de récupérer leurs impayés sans risquer la concurrence d'autres débiteurs, et sans attendre les délais d'instruction des dossiers.
Texte de la REPONSE : Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a pris connaissance avec intérêt de la question relative à la procédure de saisie sur salaires par voie de compensation légale opérée sur la rémunération des agents communaux. Comme le précise l'article 1234 du code civil, la compensation est, à l'instar du paiement, un mode d'extinction des obligations. Cette procédure, régie par les articles 1289 et suivants du code civil permet, lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, d'éteindre leurs dettes réciproques. Quand ces dettes ont pour objet une somme d'argent tout en étant à la fois certaines, liquides et exigibles, la compensation s'opère de plein droit, par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs, jusqu'à concurrence de leur quotité respective. Lorsque les débiteurs sont un employeur et un de ses employés, la mise en oeuvre de la compensation légale s'opère de manière différenciée selon la nature de l'employeur. Il convient de préciser que la portée du principe de l'interdiction de la compensation de dettes entre un employeur privé et son préposé, prévue à l'article L. 144-1 du code du travail, est limitée aux « fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature ». Il en résulte notamment que la compensation entre salaires et sommes dues par le salarié au titre d'un prêt consenti par l'employeur est possible (Cour de cassation - Chambre sociale - 4 avril 2006, pourvoi n° 04-47.559), de même que la compensation entre salaires et indemnité pour inexécution du préavis (Cour de Cassation - Chambre sociale - 10 juin 1976 - Bulletin civil V n° 361). En outre, la compensation des sommes dues par le salarié avec le salaire ne peut s'appliquer que sur la fraction saisissable du salaire en application de l'article L. 145-2 du code du travail. L'employeur est donc conduit pour recouvrer les créances qu'il détient à l'encontre d'un de ses salariés de demander au juge à ce qu'il confère au titre constatant sa créance un caractère exécutoire, et, s'il entend en poursuivre le recouvrement sur la rémunération qu'il verse, il doit se conformer aux conditions prévues au chapitre V du titre IV du livre premier du code du travail, c'est-à-dire avoir recours au juge d'instance. Pour un employeur ayant la nature d'une personne publique, il est de jurisprudence constante qu'« une collectivité publique est irrecevable à demander au juge de prononcer une mesure qu'il lui appartient de prendre elle-même ». Ainsi, lorsqu'une collectivité publique entend affirmer l'existence d'une créance à l'encontre de l'un de ses agents, même s'il est contractuel, il lui appartient d'émettre un état exécutoire pour le recouvrement de cette créance ou, le cas échéant, de faire opérer par le comptable public une compensation entre le montant des sommes dues à cet agent et le montant des sommes dues par lui et dont le recouvrement est poursuivi (Conseil d'État, 2 juillet 2007, req. n° 294393). Pour que la compensation puisse être opérée par le comptable, l'ordonnateur doit émettre un titre de recettes non nécessairement revêtu de la formule exécutoire (CE, 4 août 2006, req. n° 27581). Ainsi, le comptable, qui, au même moment, se trouve en possession d'un titre constatant une créance de la collectivité à l'encontre de son agent et d'un mandat de paye émis au profit de ce dernier, doit, à peine d'engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire, opérer une compensation entre ces deux dettes dans la limite de la quotité saisissable de la rémunération versée à l'agent (CE, 13 mars 1999, req. n° 182411-183083). Toutefois, le comptable ne saurait opérer la compensation légale après un recours juridictionnel contre le titre opéré par l'agent, ce recours ayant pour effet de faire perdre le caractère certain à la créance en cause. Dans le cas particulier d'un agent qui a engagé une procédure devant la commission de surendettement des particuliers, les mesures recommandées par cette commission et rendues exécutoires par le juge de l'exécution, au nombre desquelles figurent le rééchelonnement du paiement des dettes et la suspension de l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires, ne sont pas opposables aux créanciers dont l'existence n'aurait pas été signalée par le débiteur et qui n'en auraient pas été avisés par la commission (art. L. 331-8 du code de la consommation). Dans cette hypothèse, il appartient à l'agent de désigner à la commission de surendettement les éventuelles créances que son employeur détient à son encontre afin que les mesures rendues exécutoires par le juge puissent, le cas échéant, faire obstacle à la compensation légale. Alternativement, si aucune de ces modalités n'a été mise en oeuvre, l'agent débiteur peut encore adresser une requête gracieuse au comptable assignataire de l'organisme public chargé de poursuivre le recouvrement du titre afin qu'il prononce des mesures de report et de rééchelonnement du paiement des dettes. Le comptable peut donner suite à cette demande, dès lors, notamment, que le débiteur atteste de sa bonne foi et que sa situation personnelle l'exige. Enfin, l'agent dispose du recours de présenter à son employeur une demande de remise gracieuse en invoquant tout motif plaidant en sa faveur (situation de ressources, charges de famille...). L'assemblée délibérante de la collectivité ou de l'établissement saisie peut alors décider de rejeter ou d'admettre dans sa totalité ou partiellement la demande de remise gracieuse.
GDR 13 REP_PUB Ile-de-France O