FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 42022  de  M.   Rouquet René ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Val-de-Marne ) QE
Ministère interrogé :  Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville
Ministère attributaire :  Affaires européennes (II)
Question publiée au JO le :  17/02/2009  page :  1520
Réponse publiée au JO le :  12/05/2009  page :  4528
Date de changement d'attribution :  10/03/2009
Rubrique :  économie sociale
Tête d'analyse :  financement
Analyse :  services sociaux d'intérêt général. directive. dérogations
Texte de la QUESTION : M. René Rouquet attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur les nombreuses inquiétudes que suscitent les récentes évolutions du droit communautaire en matière de services publics sociaux. En encadrant strictement les aides publiques attribuées aux services d'intérêt économique général, elles signalent l'ouverture de larges pans du secteur social à la concurrence. Les services publics sociaux, en particulier dans le domaine de la santé, de la formation, de l'aide aux plus vulnérables, sont au centre de nombreuses interrogations depuis plusieurs années, en raison notamment de l'évolution du droit communautaire. A la suite de l'arrêt de la CJCE Altmark du 24 juillet 2003, la Commission a adopté le 28 novembre 2005 le paquet dit « Monti/Kroes » qui encadre strictement les financements publics attribués aux services d'intérêt économique général ; l'application de la décision Kroes qui conditionne l'exemption de notification des aides d'État pose problème, en particulier, aux services sociaux. D'autre part, l'adoption de la directive « services » du 12 décembre 2006 a été l'occasion de vérifier, au Conseil puis au Parlement européen, qu'il n'existait pas un consensus suffisant pour contrer efficacement les positions très fermes de la Commission en faveur d'un champ d'application incluant la plupart des services sociaux. Ceux-ci n'ont pas bénéficié de l'exemption des services de santé ou des services non économiques comme les régimes d'assurance obligatoire à objet exclusivement social (régimes légaux d'assurance chômage, assurance maladie, vieillesse). Il en résulte une forte inquiétude dans le secteur des services sociaux d'intérêt général (SSIG, selon la terminologie communautaire), qui se traduit par une forte activité de groupes de pression tels que le collectif SSIG (regroupement d'organismes ou fédérations gestionnaires dans le champ social) et par un début de mobilisation des syndicats et des élus locaux. Les grandes associations d'élus locaux ont pour l'instant été mobilisées par d'autres priorités (crise financière, compensation des charges, réforme institutionnelle), et le sujet des SSIG, très technique, n'a pas encore quitté la sphère de quelques initiés. Au lendemain de la présidence française de l'Union européenne, qui aurait dû être l'occasion d'affirmer la spécificité de ces services publics, il apparaît urgent de prendre conscience des difficultés possibles dans les services sociaux de proximité. Il lui demande en conséquence si le Gouvernement entend rappeler à la Commission les engagements pris pour élaborer une stratégie commune pour les services sociaux et pour mettre fin à un alignement systématique sur les positions les plus libérales, ce afin de répondre aux fortes attentes des élus locaux, des relais associatifs, des organismes représentant les intervenants du secteur pour faire de la défense et de la promotion des SSIG un objectif prioritaire des politiques nationale et communautaire des prochaines années.
Texte de la REPONSE : La clarification du droit communautaire et la sécurisation juridique des services publics ou « services d'intérêt économique générale » (SIEG), en particulier les services sociaux d'intérêt général (SSIG), est une exigence que la France fait valoir de longue date tant auprès de la Commission européenne que de ses partenaires de l'Union européenne. Il en va en effet de la pérennité et de la vitalité du modèle social européen, dont la crise économique et financière actuelle ne fait que confirmer la pertinence. Des évolutions positives ont pu être enregistrées, elles protègent davantage les spécificités des services publics et des services sociaux : les services sociaux « relatifs au logement social, à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l'État, par des prestataires mandatés par l'État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l'État » sont exclus du champ d'application de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (article 2.2.j). Cette exclusion concerne également les services de soins de santé « qu'ils soient ou non assurés dans le cadre d'établissements de soins et indépendamment de la manière dont ils sont organisés et financés au niveau national ou de leur nature publique ou privée ». L'exclusion de certains services sociaux du champ d'application de la directive « services » ne vaut pas exonération du respect des règles du marché intérieur. Ce principe est toutefois très tempéré tant par les dispositions du traité (articles 86§2CE et 87CE en particulier) que, progressivement, par le droit dérivé, tout particulièrement la décision de la Commission du 28 novembre 2005. Cette décision est un des éléments-clés du paquet « Monti-Kroes » qui tire les conséquences de l'arrêt « Altmark » de la CJCE du 24 juillet 2003. Cette jurisprudence et les instruments élaborés sur cette base offrent un cadre et une sécurité juridique supplémentaires aux financements versés par les pouvoirs publics en compensation des charges des Services d'intérêt économique général (SIEG). En particulier la décision de 2005 définit sous quelles conditions des compensations de service public peuvent être exemptées de notification à la Commission européenne. Le traité de Lisbonne consacre des avancées non négligeables dans deux directions, qui reflètent les différentes sensibilités européennes vis-à-vis des services publics, mais qui visent chacune à mieux protéger leurs spécificités : a) le protocole n° 9 sur les « services d'intérêt général » consacre la grande marge de manoeuvre des États membres, conformément au principe de subsidiarité. Ainsi « les valeurs communes de l'Union concernant les services d'intérêt économique général (...) comprennent notamment : - le rôle essentiel et la grande marge de manoeuvre des autorités nationales, régionales et locales dans la fourniture, la mise en service et l'organisation des services d'intérêt économique général d'une manière qui répond autant que possible aux besoins des utilisateurs ; - la diversité des services d'intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes ; - un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des utilisateurs ». Ces « dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général. » b) Par ailleurs, le nouvel article 14 TFUE du traité de Lisbonne offre la faculté de légiférer au niveau communautaire, contrairement à l'actuel article 16CE. Ainsi : « Sans préjudice des articles 93, 106 et 107 [ex- articles 73, 86, 87 CE] et de l'article 4 du traité sur l'Union européenne et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, l'Union et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application des traités, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d'accomplir leurs missions. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, établissent ces principes et fixent ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les États membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services. » (en gras, nouvelles dispositions introduites par le traité de Lisbonne). c) Enfin, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, insérée dans le traité de Lisbonne, consacre à son article 36 un « Accès aux services d'intérêt économique général » : « L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément aux traités, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union. » En juillet 2008, le Gouvernement a tenu compte des inquiétudes des acteurs, en particulier locaux, concernés par les services sociaux d'intérêt général en confiant à M. Michel Thierry une mission relative à la prise en compte des spécificités des services d'intérêt général dans la transposition de la directive sur les services et l'application du droit communautaire des aides d'État. Désormais disponible, ce rapport permet de bien cerner sur ces questions les enjeux, les acquis et les améliorations souhaitables, tant au plan national au regard de la bonne articulation avec le droit communautaire qu'au niveau européen pour y faire évoluer le droit et les pratiques.
S.R.C. 13 REP_PUB Ile-de-France O