Texte de la QUESTION :
|
M. Maurice Leroy attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la mise en conformité du droit pénal français avec le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). La France a ratifié ce statut en 2000 sans pour l'instant respecter les engagements qui en découlent. De plus, le projet de loi adopté par le Sénat, en première lecture, en juin 2008, tend apparemment à limiter la portée du statut. Ainsi les conditions dans lesquelles les tribunaux français peuvent juger les crimes commis à l'étranger par et contre des étrangers sont très restrictives : on peut notamment souligner les conditions de résidence habituelle et de double incrimination, le monopole des poursuites accordé au ministère public ou encore l'inversion du principe de complémentarité qui dans le projet de loi français subordonne les poursuites dans notre pays à la condition que la CPI ait expressément décliné sa compétence. Le retard pris dans la transposition du statut de Rome et les options envisagées par le Sénat isolent la France à l'échelle européenne. Sensibilisé à cette question par Amnesty International, il souhaite par conséquent connaître sa position à ce sujet et savoir dans quel délai une adoption de ce texte peut-être espérée.
|
Texte de la REPONSE :
|
Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur d'indiquer à l'honorable parlementaire que le projet de loi portant adaptation de la législation pénale française au statut de la Cour pénale internationale a été adopté en première lecture par le Sénat. En ce qui concerne la question de l'instauration d'une compétence dite universelle ou quasi universelle, il convient de mesurer l'avancée indiscutable qui a été réalisée dans le texte adopté par le Sénat. En effet, aucune disposition du Statut de Rome n'impose aux États parties de se reconnaître compétents pour juger les génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre prévus par le Statut sans même qu'un lien personnel ou territorial ne rattache les faits ou les auteurs de ces crimes à leur propre territoire ou à leurs ressortissants. Or, la France n'instaure en principe aucune compétence élargie et extraterritoriale si elle ne s'y est pas engagée expressément par voie de convention. Néanmoins, il ne serait pas acceptable que notre pays puisse servir de refuge à des auteurs de crimes contre l'humanité et à des criminels de guerre qui échapperaient à toute justice dès lors que ni la Cour pénale internationale ni aucun autre État ne solliciteraient qu'ils leurs soient livrés. Sensible à cette préoccupation, le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par le rapporteur du Sénat qui a élargi la compétence des juridictions pénales nationales au-delà de leur compétence habituelle. Outre la totale coopération de la France pour arrêter et remettre à tout État ou à toute juridiction internationale l'auteur d'un des crimes en cause, la France pourrait avec ce texte juger elle-même un tel criminel dès lors qu'il réside habituellement sur le territoire français. Il serait en effet incohérent que la France se reconnaisse une compétence universelle pure et simple qui concurrencerait celle de la Cour pénale internationale, dont c'est la vocation et qui a les moyens juridiques pour l'exercer dont les États ne disposent pas, en particulier pour passer outre les immunités des chefs d'État et diplomates. Enfin, la France ne risque pas de devenir « une terre d'impunité » puisqu'elle a adopté la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, créant notamment les articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale, qui permettent l'arrestation et la remise à la Cour pénale internationale des auteurs de crimes ou délits de guerre qu'elle ne peut juger en raison de la territorialité des faits et de la nationalité de l'auteur et de la victime.
|