FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 427  de  M.   Demilly Stéphane ( Nouveau Centre - Somme ) QOSD
Ministère interrogé :  Économie, industrie et emploi
Ministère attributaire :  Économie, industrie et emploi
Question publiée au JO le :  09/12/2008  page :  10545
Réponse publiée au JO le :  10/12/2008  page :  8299
Rubrique :  marchés financiers
Tête d'analyse :  actions
Analyse :  vente à découvert. interdiction
Texte de la QUESTION : M. Stéphane Demilly attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la pratique boursière dite de la vente à découvert. La vente à découvert, beaucoup pratiquée par les fonds spéculatifs, consiste à jouer un titre à la baisse, c'est-à-dire à emprunter une action dont on pense que le prix va baisser et à la vendre, avec l'espoir d'empocher une forte différence au moment où il faudra la racheter pour la rendre au prêteur. Foncièrement malsaine dans son principe, cette technique, employée massivement, précipite la chute des cours. À ce titre, il est indéniable que le recours important à cette pratique par les spéculateurs a contribué à accélérer la crise financière mondiale que nous connaissons, puisque vendre à découvert c'est mettre une forte pression à la baisse sur les titres. C'est pourquoi, dernièrement, l'autorité boursière italienne (CONSOB) a interdit temporairement cette technique hautement spéculative. C'est pourquoi il souhaite savoir si elle est favorable à une interdiction du même ordre en France.
Texte de la REPONSE :

VENTE D'ACTIONS À DÉCOUVERT

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa question, n° 427, relative à la réglementation de la pratique de la vente d'actions à découvert.
M. Stéphane Demilly. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la pratique boursière dite de la vente à découvert, pratique très peu connue de nos concitoyens mais profondément choquante.
La vente à découvert, souvent pratiquée par les fonds spéculatifs, consiste à jouer un titre à la baisse, c'est-à-dire à emprunter une action dont on pense que le prix va baisser et à la vendre, avec l'espoir d'empocher une forte différence au moment où il faudra la racheter pour la rendre au prêteur.
C'est très technique, mais c'est surtout foncièrement malsain : employé massivement, ce mécanisme précipite la chute des cours. En quelque sorte, la vente à découvert est l'illustration de cette dérive dangereuse du système capitaliste que dénonçait le Président de la République : le spéculateur prend le pas sur l'entrepreneur.
Il est indéniable que le recours important à cette pratique par les spéculateurs a contribué à accélérer la crise financière mondiale, puisque vendre à découvert, c'est mettre une forte pression à la baisse sur les titres. Et au final, ce sont les entreprises cotées et les salariés qui en subissent les préjudices, avec les dégâts sociaux collatéraux que nous connaissons.
C'est pourquoi certains pays - je pense en particulier aux États-Unis, à la Grande-Bretagne, à l'Allemagne ou encore à l'Italie - ont pris des mesures pour limiter temporairement cette technique hautement spéculative.
En France même, le 19 septembre dernier, l'Autorité des marchés financiers a adopté un certain nombre de mesures destinées à encadrer les ventes à découvert portant sur les valeurs financières négociées sur le marché français. C'était une excellente décision.
Ces mesures ont cependant une durée d'application limitée à trois mois et doivent donc, normalement, prendre fin dans un peu plus de dix jours, le 22 décembre.
Le 6 novembre dernier se sont déroulés les cinquièmes entretiens de l'Autorité des marchés financiers, intitulés " Quel cadre de régulation pour faire face aux enjeux européens et internationaux ? ". À cette occasion, le président de l'AMF a annoncé la mise en place d'un groupe de travail portant sur le régime permanent à adopter en matière de vente à découvert.
À quelques jours de 1'échéance des mesures temporaires adoptées par l'AMF, pouvez-vous me dire vers quelles décisions s'oriente ce groupe de travail, et pouvez-vous me dire si le Gouvernement serait favorable à une mesure d'encadrement, voire d'interdiction permanente de cette pratique foncièrement malsaine de la vente à découvert ?
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le député, vous connaissez parfaitement ces questions fort techniques, mais qui nécessitent de notre part une attention soutenue : elles montrent bien les problèmes de régulation des marchés financiers internationaux auxquels nous avons été confrontés.
Comme vous l'avez souligné, l'une des leçons de la crise financière concerne précisément les ventes à découvert, technique qui permet de gagner de l'argent quand le prix des actions baisse. Concrètement, cela consiste dans un premier temps à emprunter des actions pour les vendre, et plus tard à racheter les mêmes actions sur les marchés et à s'en servir pour rendre les actions à la personne à qui vous les avez empruntées. Si le prix des actions a baissé, vous avez vendu cher puis racheté pas cher, et vous avez donc gagné de l'argent.
La crise a mis en évidence les failles de la réglementation, failles qui étaient parfois des béances, notamment aux États-Unis où vous pouviez vendre des actions que vous ne possédiez pas. C'était la porte ouverte à tous les abus. Cela signifiait notamment que vous pouviez vendre plusieurs fois la même chose. Dans ces conditions, il devient tellement facile de vendre qu'une pression baissière peut s'exercer sur les prix. Ce sont d'ailleurs ces techniques qui ont été utilisées par certains spéculateurs pour déstabiliser les banques américaines d'investissement et de marché.
En France, la situation était heureusement plus encadrée qu'aux États-Unis, mais on pouvait néanmoins pendant une courte période - trois jours - avoir vendu sans avoir physiquement apporté le titre à l'acquéreur. Le Gouvernement a essayé d'être vigilant et réactif pour supprimer cette faille dans la réglementation. Dès le 19 septembre, l'Autorité des marchés financiers a pris un certain nombre de mesures : elle a supprimé la règle des trois jours ; elle a exigé la transparence sur les ventes à découvert ; elle a enfin demandé aux acteurs financiers de cesser de prêter des actions afin de limiter cette pratique.
Plus généralement, sous l'impulsion de la présidence française de l'Union européenne, le Président de la République a pu inviter les autorités boursières des différents pays européens à adopter conjointement le 19 septembre une recommandation commune à ce sujet. Au final, les gendarmes de la bourse ont pris des mesures d'encadrement des ventes à découvert pour supprimer les failles dans la réglementation et imposer plus de transparence.
Votre question porte aussi sur la réponse à long terme. L'Autorité des marchés financiers a annoncé le 6 novembre dernier la constitution d'un groupe de travail chargé de formuler des recommandations précises sur l'opportunité de modifier de manière permanente la réglementation en vigueur. Parmi les évolutions envisagées figure notamment l'obligation de déclarer et de publier les positions courtes sur actions.
Il s'agit d'un chantier majeur. Ce domaine apparemment technique est en réalité révélateur des mécanismes qui ont conduit à la crise financière. Dans le cadre de ce qui n'est encore qu'un chantier de réflexion mais qui doit rapidement déboucher sur l'action, nous sommes donc intéressés par vos réflexions sur ce sujet que vous connaissez très bien.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly. Votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, comprend de nombreux éléments. Encadrer, c'est bien, mais interdire, c'est mieux : cette procédure est fondamentalement malsaine.

NC 13 REP_PUB Picardie O