FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 44207  de  M.   Liebgott Michel ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Justice
Question publiée au JO le :  10/03/2009  page :  2244
Réponse publiée au JO le :  26/05/2009  page :  5152
Rubrique :  traités et conventions
Tête d'analyse :  traité instituant une cour pénale internationale
Analyse :  attitude de la France
Texte de la QUESTION : M. Michel Liebgott attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le processus de mise en conformité du droit pénal français avec le statut de la Cour pénale internationale (CPI). Depuis la ratification du statut de Rome le 9 juin 2000, la France n'a toujours pas mis son droit en conformité avec les engagements ainsi pris pour lutter contre les crimes Internationaux les plus graves : génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, amendé et voté par le Sénat en juin 2008, comporte un certain nombre de dispositions qui tend à limiter les dispositions du statut de Rome. Si le projet de loi reconnaît aux tribunaux français la compétence universelle pour les crimes les plus graves, les conditions de son exercice sont si restrictives qu'elles vident cette notion de sa substance : le texte ne permet pas de juger les suspects de crimes internationaux s'ils ne résident pas habituellement sur le territoire français. De plus, en vertu de la condition de double incrimination instaurée par le texte, les crimes ne pourront faire l'objet de poursuites qu'à condition d'être également incriminés par la loi pénale du pays où ils ont été commis ; le texte confie le monopole des poursuites au ministère public, en rupture totale avec la tradition pénale française ; le texte inverse le principe de complémentarité défini par le statut de la CPI en subordonnant les poursuites en France à la condition que la Cour ait décliné expressément sa compétence alors que le statut prévoit l'inverse. Le projet de loi ne reconnaît pas de compétence territoriale élargie aux tribunaux français pour les crimes visés par la CPI ; il ne contient pas de dispositions relatives aux crimes de guerre. Par ailleurs, il faut souligner que cette réticence française à lutter contre les crimes les plus graves va à contresens de l'évolution de nombre de nos partenaires européens qui procèdent à une harmonisation de leur législation avec les principes du droit pénal international. Il lui demande donc quelles sont les intentions du Gouvernement et comment elle compte agir pour que la France se mette en conformité avec le statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur d'indiquer à l'honorable parlementaire que le projet de loi portant adaptation de la législation pénale française au statut de la Cour pénale internationale a été adopté en première lecture par le Sénat. Après l'adoption de la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, ce projet de loi a pour objet l'adaptation de notre législation interne à la convention portant statut de la Cour pénale internationale, signée à Rome le 18 juillet 1998, en créant des incriminations spécifiques en droit français pour les crimes et délits de guerre, qui ne seront plus traités comme des crimes et délits de droit commun. Ces infractions feront l'objet de pénalités aggravées et d'un régime de prescription plus long. Les juridictions françaises peuvent, dès à présent, poursuivre les responsables de tels crimes, sur le fondement des incriminations de droit commun. Les crimes contre l'humanité ainsi que les crimes et délits de guerre ne bénéficient donc d'aucune impunité en droit français et les victimes de ces crimes et délits peuvent porter plainte et obtenir des réparations. Cependant, quoique la convention de Rome portant statut de ladite Cour n'oblige pas les États qui y sont parties à prévoir dans leur droit interne de telles infractions, le projet de loi comporte les incriminations nécessaires permettant au droit pénal français de couvrir, de la manière la plus complète possible, les comportements prohibés par ce traité. En ce qui concerne la question de l'instauration d'une compétence dite universelle ou quasiuniverselle, il convient là encore de mesurer l'avancée indiscutable qui a été réalisée dans le texte adopté par le Sénat. En effet, aucune disposition du Statut de Rome n'impose aux États parties de se reconnaître compétentes pour juger les génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre prévus par le Statut sans même qu'un lien personnel ou territorial ne rattache les faits ou les auteurs de ces crimes à leur propre territoire ou à leurs ressortissants. Or, la France n'instaure en principe aucune compétence élargie et extraterritoriale si elle ne s'y est pas engagée expressément par voie de convention. Néanmoins, il ne serait pas acceptable que notre pays puisse servir de refuge à des auteurs de crimes contre l'humanité et à des criminels de guerre qui échapperaient à toute justice dès lors que ni la Cour pénale internationale ni aucun autre État ne solliciteraient qu'ils leurs soient livrés. Sensible à cette préoccupation, le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par le rapporteur du Sénat qui a élargi la compétence des juridictions pénales nationales au-delà de leur compétence habituelle. Outre la totale coopération de la France pour arrêter et remettre à tout État ou toute juridiction internationale l'auteur d'un des crimes en cause, la France pourrait avec ce texte juger elle-même un tel criminel dès lors qu'il réside habituellement sur le territoire français. Il serait en effet incohérent que la France se reconnaisse une compétence universelle pure et simple qui concurrencerait celle de la Cour pénale internationale dont c'est la vocation et qui a les moyens juridiques pour l'exercer dont les États ne disposent pas, en particulier pour passer outre les immunités des chefs d'État et diplomates. Enfin, la France ne risque pas de devenir « une terre d'impunité » puisqu'elle a adopté la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, créant notamment les articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale qui permettent l'arrestation et la remise à la Cour pénale internationale des auteurs de crimes ou délits de guerre qu'elle ne peut juger en raison de la territorialité des faits et de la nationalité de l'auteur et de la victime. Le calendrier parlementaire chargé n'a malheureusement pas permis l'adoption définitive de ce texte qui devrait être inscrit à la première date utile à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
S.R.C. 13 REP_PUB Lorraine O